Samedi dernier, nous apprenions la fermeture des serveurs de Evolve, ce FPS/TPS asymétrique développé par Turtle Rock (Left 4 Dead). Le titre, qui est passé par tous les modèles économiques possibles et imaginables, ne sera plus accessible qu’aux détenteurs d’une licence payante. Rappelons que le jeu était sorti dans diverses versions – de la Digital Deluxe (64€) à la Monster Race Edition (79€), en passant par la simple version basique (49€ sur Steam ou 35€ sur Amazon) – avant de devenir un free to play et d’essayer de vendre un maximum de DLC (pour 80€ au total) aux joueurs.

Ces prix variés, qu’on doit sans doute imputer à feu l’éditeur THQ puis à Take-Two plus qu’aux devs de Turtle Rock, avaient provoqué l’énervement de nombreux joueurs comme vous le relatait drloser en 2015, menant à des critiques violentes du jeu. Cela avait aussi donné lieu à un dossier de qualité Nofrag™ sur le prix des jeux vidéo et l’estimation de leur valeur réelle.

Goliath Portrait

Aujourd’hui, c’est l’occasion pour Matthew Colville ↑ , lead writer du jeu, de revenir sur les conditions ayant mené à ce relatif fiasco. Si vous êtes à l’aise en anglais, ça se passe sur Reddit et sinon en voici un résumé :

1 Équilibrage :
L’équipe de base, plus riche en artistes qu’en devs, voulait créer un monde alien à explorer en coopération, poussant les joueurs à se confronter à une vie sauvage variée. Ils se sont assez rapidement rendus compte qu’ils n’avaient aucun espoir de sortir du lot avec un jeu de ce type et pour se faire soutenir par un éditeur, et sont revenus avec un concept plus unique. L’idée du gameplay asymétrique en 1 VS 4 est donc apparue.
Leur prototype fonctionnel, les devs on mis un petit moment à se rendre compte que si le jeu était amusant, c’est parce que chaque joueur de leur équipe faisait le nécessaire pour ne pas abuser des faiblesses du jeu. À partir du moment ou un joueur était moins conciliant (le joueur lambda sur le net par exemple) et commençait à exploiter les faiblesses possibilités du jeu, il était quasi impossible d’avoir des parties équilibrées.

« A friend of mine said very early, and I think he was right, ‘The reason it works is because we’re all role-playing playing Evolve,' » Colville said. « When someone on the team finally got tired of this and started playing to win, it all sort of fell apart and never really recovered. »

Le souci était que d’un, tous les héros avaient des mécaniques de fonctionnement différentes et de deux, les monstres l’étaient aussi : besoin de se nourrir, level up, utilisation de capacités que n’avaient pas les héros ou vue en TPS). Ils n’avaient aucune mécanique commune. Équilibrer tout ce bordel est donc vite devenu impossible. En plus de l’équilibrage, c’était même l’ajout de nouvelles fonctionnalités qui devenait un casse tête.
En résumé, l’équipe voulait faire un autre jeu à la base et n’a jamais réussi à dépasser la difficulté amenée par leur gameplay asymétrique en 1 VS 4.

2 Modèle(s) économique(s) :
Matthew souligne que pour un jeu qui fonctionne en priorité si on joue entre amis, plus qu’avec des inconnus sur le net, la sortie à 60$ était un choix plutôt discutable. Il fallait en effet, pour 4 personnes jouant en team, sortir 240$ pour espérer avoir des conditions de jeu optimales. Il sous entend que l’équipe de dev aurait préféré le modèle économique du free to play, avec la possibilité de vendre des ajouts cosmétiques mais que l’éditeur aurait merdé (Je cite : « THQ went tits up ») en préférant vendre le jeu de façon plus classique et au plein tarif.

3 Mises à jour :
Enfin, il insiste sur le fait qu’un jeu basé sur le jeu compétitif online doit pouvoir être mis à jour plus d’une fois tous les 3 mois. Malgré le point 1 ci-dessus, il estime que le jeu était viable à son lancement mais que l’impossibilité pour la team de réparer rapidement les bugs exploitables (il n’avaient l’autorisation de le faire qu’à intervalles fixes, sans pouvoir savoir pourquoi) a eu un effet désastreux sur la base des utilisateurs. Les correctifs locaux étaient rapidement disponibles mais ils se trouvaient dans l’impossibilité de les déployer.
Il conclut en se plaignant que le jeu a servi de punching ball à une partie de la presse et que cela a eu un effet désastreux sur le jeu et les notes récoltées.

Bref. S’il est toujours intéressant d’avoir des retours de développeurs sur leurs jeux, notamment sur les difficultés rencontrées lors de la création, je reste un peu dubitatif quant aux explications amenées par notre ami Matthew.

2d9aaee35f2902782a1cd6f05bd678b1On imagine sans souci que les maladresses de Take-Two ont largement contribué au shitstorm menant à la réputation sulfureuse d’Evolve. La création d’un nouveau modèle économique appelé « La girouette à flouze » fût une sacrée épine dans le pied du jeu. L’impossibilité pour l’équipe d’amener rapidement des correctifs aux joueurs aussi.

Malgré tout, je ne peux m’empêcher en lisant Matthew de me demander si l’orientation prise par l’équipe de développeurs vers un jeu asymétrique, sans se poser la question dès la base de l’équilibrage et sans prendre conscience du comportement de joueurs face à un jeu compétitif multijoueur, n’a pas aussi largement contribué à la chute d’Evolve.
Peut-être aurait-il fallu engager plus de game designers dès les premières phases de brainstorming  ?
Peut-être que de demander aux artistes de regarder des documentaires animaliers et lire des livres sur l’anatomie afin d’imaginer un monde alien réaliste n’était pas la priorité pour arriver à un jeu facile à équilibrer et à faire évoluer ?

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