Annoncé en grande pompe lors de la conférence Realms Deep 2020, le rétro FPS Graven, fortement inspiré par Hexen, avait tout pour lui : une identité visuelle originale, un univers sombre et travaillé et une proposition de gameplay intéressante. Après avoir publié une démo confirmant certaines qualités du titre, celui-ci vient de sortir en accès anticipé. Malheureusement, la copie rendue est des plus décevantes…

Genre : Rétro FPS | Développeur : Slipgate Ironworks | Éditeur : 3D Realms | Plateforme : Steam, Epic Games Store, GoG | Prix : 20,99€ | Configuration recommandée : Processeur Intel Core i5 @ 3,5Ghz ou +, 8GB RAM, Nvidia GTX 470 / AMD Radeon 6870 HD | Langues : Audio et textes en anglais | Date de sortie :  26 mai 2021 en accès anticipé | Durée de vie :  environ 2h

Preview effectuée sur une version commerciale.

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Graven dans la roche

Cela vous étonnera peut-être, mais vous êtes un prêtre injustement condamné à l’exil et envoyé dans un désert sans fin. Alors que vous pensez avoir succombé à un mélange détonnant d’insolation, de faim et de déshydratation, vous vous réveillez sur une embarcation désuète naviguant à travers un marécage des plus infects. Le mystérieux passeur reste bien énigmatique quant à votre présence ici et vous accompagne jusqu’aux rives d’une ville en proie au chaos, avant de vous tendre un bâton magique et un livre de sorcier… Évidemment, c’est vous le héros, alors vous allez devoir sauver cette contrée du mal qui la ronge et en profiter pour en apprendre plus sur ce qui vous arrive.

On peut affirmer sans trop se tromper que Cruxfirth ne sera pas le prochain lieu de villégiature à la mode : la ville est soumise à une épidémie transformant les victimes en morts-vivants et est entouré de marais puants. Une atmosphère poisseuse s’y dégage, les cadavres s’entassent dans les rues et on y entend en permanence d’horribles hurlements émanant des quelques maisonnées encore occupées. Autour de la cité lugubre, tout n’est que ruine et dévastation, les anciens lieux de vie comme la forteresse ou le phare étant désormais uniquement habités par des monstres et des cadavres. Vous l’aurez compris : Graven nage dans les eaux de la Dark Fantasy avec son ambiance macabre et désespérée parfaitement bien retranscrite. Celle-ci est d’ailleurs mise en valeur par l’aspect visuel particulier du titre, avec ses textures low-resolution pixelisées et ses effets de lumières plus modernes. De plus, la direction artistique, oscillant entre personnages légèrement cartoonesques et couleurs mornes, fait mouche. Tout dans Graven est sombre et suintant de désespoir et c’est indiscutablement l’une des grandes réussites de ce titre.

Cette version contient pour l’instant quatre quêtes, soit un peu plus de deux heures de jeu. Vous y trouverez quatre armes différentes et un seul sort. Un mode multijoueur en coopération est en développement, mais il n’est pas encore disponible et il faut se contenter de la campagne solo. Un contenu assez léger qui devrait s’étoffer avec le temps.

Même s’il incorpore quelques éléments de RPG, comme la gestion de l’inventaire, un journal de quête et quelques dialogues rudimentaires, Graven reste fondamentalement un fast FPS. Il vous demande d’explorer des niveaux labyrinthiques afin d’y trouver des clés ouvrant telle ou telle porte, tout en annihilant un maximum d’ennemis sur votre chemin et en résolvant quelques énigmes. Il propose tout de même plusieurs concepts un peu originaux : la cité de Cruxfirth fait office de hub central. C’est là que vous trouverez vos quêtes et que vous trouverez les accès permettant de vous rendre aux différentes zones du jeu. Un peu à la manière d’un metroidvania, il vous faudra parfois revenir dans une zone précédemment visitée afin de découvrir de nouveaux passages accessibles grâce à vos pouvoirs récemment débloqués. Le level design, tout en raccourcis et en passages reliés les uns aux autres, est d’ailleurs plutôt réussi. Malheureusement, tout cela est plombé par des mécaniques de jeu complètement à côté de la plaque.

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Grave décevant

Graven souffre en effet de terribles soucis de game design qui, fait étonnant, n’étaient pas forcément visibles dans la démo publiée il y a quelques mois. Chaque mécaniques, chaque concepts, semblent à la fois simplistes et mal réfléchis, intégrés au jeu sans trop penser à son imbrication avec les autres. Alors qu’on pouvait imaginer que Graven serait un jeu doté de systèmes complexes agissant de concert, il n’en est rien en réalité.

Prenez les combats à l’arme blanche par exemple : même si le jeu s’appuie lourdement sur ces affrontements, vous envoyant pléthores de monstres à occire, ceux-ci sont pour le moins risibles. D’une part, chaque coup étourdit quelques instants les ennemis, annulant leurs attaques, ce qui permet de les stunlock et de les rendre complètement inoffensifs. D’autres part, vos adversaires sont lents, stupides, fragiles et ont peu de répondant, il vous suffira de strafer vaguement autour d’eux pour les vaincre sans la moindre difficulté. Et ce, quel que soit le type d’ennemis vous faisant face : du simple péon zombifié aux genres d’assassins-vampires en passant par les monstres reptiliens, tous agissent telles des créatures neurasthéniques en phase terminale. On se permettra aisément de douter de l’intérêt d’affronter des ennemis souffreteux pendant 90% du temps.

J’entends déjà les habituels premiers de la classe rétorquer “Mais Ruta, peut-être devrais-tu utiliser le livre de sorts dont tu parlais plus haut”. Que nenni, vermisseaux ! Alors que Graven promettait une utilisation synergique des sorts et de l’environnement afin de terrasser ses adversaires avec panache, les développeurs ont décidé, pour une raison mystérieuse, de réduire la magie à son strict minimum. Le seul et unique sort disponible dans cet accès anticipé, qui invoque des flammes depuis les mains de notre personnage, n’occasionne pas le moindre dégâts aux ennemis. Il sert uniquement à détruire les caisses et autres tonneaux disséminés çà et là dans le décor et… c’est tout. Il n’y a pas de pièges environnementaux à part quelques barils explosifs mal placés, aucune possibilité de créer des réactions en chaîne dévastatrices, rien. Inutilisable en combat, la magie en est réduite à faire de la simple figuration et à rendre plus aisée la récolte de loot. Loot qui est d’ailleurs omniprésent et jaillira de chaque prop détruit, réduisant d’autant plus tout intérêt à l’exploration et aux combats : au revoir la prise de risque et la gestion savante des ressources disponibles, bienvenue dans un univers où les potions de vie, la mana, l’argent et les munitions sont illimités !

L’absence totale de défi et de profondeur de gameplay est mise en exergue par un système de sauvegarde inepte, similaire à celui qu’on peut trouver dans Prodeus (et qui était par ailleurs l’un des seuls défauts du jeu). Des points de contrôle sont généreusement placés tout le long des niveaux. Mourrez, et vous y réapparaissez instantanément. Le monde, lui, reste comme vous le laissez : les ennemis tués restent morts, votre progression (objets trouvés, avancées dans la quête) est intacte et il n’y a pas la moindre pénalité à l’échec. Une mécanique qui aura du sens au sein du mode coopératif que proposera Graven à l’avenir, mais qui n’en a aucun dans le mode campagne solo actuel. Avec ce système, il n’y a plus d’enjeu à la prise de risque, plus d’avantage à faire attention à ses actions. Nous avons donc ici un titre extrêmement fade, aux combats sans intérêt ni complexité, dans lequel les ressources sont illimitées et où même la mort n’est qu’une formalité. Ne reste alors qu’une balade inintéressante et sans saveur dans de sinistres labyrinthes.

Pour conclure, Graven donne l’impression de ne pas savoir ce qu’il veut être. Son univers et son atmosphère sombres ainsi que ses niveaux intriqués laissent présager d’un titre plutôt hardcore et complexe. Mais, en réalité, ses mécaniques de jeux sont à la fois simplistes et mal pensées, créant une expérience terriblement insipide et inintéressante. Ceci dit, le jeu est en accès anticipé et les développeurs peuvent corriger leur copie. Proposer un mode Hard, repenser les mécaniques de combats, réduire drastiquement le taux de loot, rendre à nouveau les sorts utiles, proposer plus de dangers environnementaux à exploiter… La route est longue mais Graven pourrait voir son fort potentiel concrétisé à l’avenir – et c’est tout ce qu’on lui souhaite.

Un beau gâchis

Graven est un rétro FPS doté d’une ambiance lugubre magistrale, de visuels qui font mouche et d’un level design travaillé. Malheureusement, tout son potentiel est gâché par des mécaniques de jeu absurdes, rendant le titre désespérément fade et inintéressant. On vous conseille donc de prendre votre mal en patience et d’attendre que les développeurs redressent éventuellement la barre de cette véritable déception.

Vous avez du mal à vous y retrouver dans le catalogue Steam ? Alors suivez le groupe de curation NoFrag pour vous aider à trier le bon grain de l’ivraie.

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4 Commentaires


  1. C’est vrai que le jeu se fait un peu incendier dans les évals. Les devs disent qu’ils vont revoir leur copie, mais c’est surprenant de voir qu’un jeu convaincant dans sa première démo se viande par la suite. On peut réellement espérer qu’ils rattrapent le coup d’ici la sortie mais en tout cas, ça rappelle qu’il faut toujours acheter un jeu après sa sortie et les tests indépendamment de ce qui a pu être montré ou testé avant.

  2. C’est vrai que la démo donnait plus envie, c’est étonnant. S’agissait-il d’une Vertical slice du gameplay? On a l’impression d’un lancement à la va-vite fait pour récolter des fonds…

  3. C’est la 1ère preview que je trouve, 2 jours après l’EA je crois. Je me demande si 3DR était au courant des problèmes et s’est gardé d’envoyer des clés aux journalistes en avance pour retarder des previews défavorables.

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