Quatrième rejeton de la série des Amnesia, le dernier titre de Frictional Games plonge son nouveau protagoniste amnésique – Henri de son petit nom – dans un bunker de la Première Guerre mondiale. Ambiance : quasi tout le monde s’y est fait grand-remplacer par le nouveau maître des lieux, un stremon qui fait probablement des extras après avoir joué l’antagoniste hypersensible au bruit du film A Quiet Place (Sans un bruit en VF). Notre cher Henri arrivera-t-il à s’orienter dans les souterrains labyrinthiques du bunker ? Parviendra-t-il à se frayer un chemin vers la liberté, saura-t-il se soustraire aux griffes de la mort ? Pourra-t-il, surtout, m’expliquer pourquoi je me tape des clones de Resident Evil à la chaîne en ce moment ?

Genre : Survival horror | Développeur & éditeur : Frictional Games | Plateforme : Epic Games Store, Steam | Configuration minimale recommandée : Une patate | Prix : entre 22 et 25 € selon la boutique | Langues : Pléthore, dont le français. Testé en V.O. (anglais) | Date de sortie : 06/06/2023 | Durée de vie : entre 8 et 10 heures selon les bugs rencontrés

Test réalisé sur une version commerciale.

Résident débile

Après un petit somme d’une semaine ou deux, vous vous réveillez dans l’infirmerie d’un bunker précédemment occupé par les forces françaises. Précédemment, parce que de vos compagnons d’armes, nulle trace, ou alors, sanglante. Votre objectif est simple, soldat : vous faire la malle. Problème : la sortie, bien que toute proche, est obstruée par un éboulement récent. Solution : chiner de la dynamite malicieusement planquée dans les tréfonds du bunker, et tout faire péter. Contre-UNO : vous n’êtes pas seul à hanter ces lieux.

Le plat de résistance, que vous n’aurez pas manqué de croiser dans les trailers du jeu, s’avère quasi imperméable aux balles, grenades et autres bouteilles de Sauvignon que vous pourriez être tenté de lui lancer en travers de la tronche. Quasi, parce qu’il les sentira passer, tout de même – un grand cru, ça ne laisse personne indifférent. Ajoutons que notre hôte, non content d’être doté d’un fin palais, a également l’ouïe fine, avec une appétence marquée pour l’ASMR. Son trigger préféré ? Le son de vos bottes crasseuses qui résonne contre les parois du bunker. Soucieux de vous rendre la pareille, Monsieur ne se gênera pas pour vous grogner régulièrement dans l’oreille, depuis les murs où il se terre. À moins qu’il s’agisse d’un bug : pendant mes premières heures de jeu, j’avais ces grognements incessants dans le casque. Ce qui, vous en conviendrez, s’avère vite plus agaçant qu’effrayant.

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I believe we have a rat problem.

Gameplay

Vous l’aurez compris, la gestion de vos bruits est un élément-clé du gameplay. Vous en ferez davantage en courant qu’en marchant, ou à plus forte raison en déambulant accroupi (pour des mollets en béton armé, #summerbody). Outre vos bruits de pas, la source de bruit la plus récurrente est votre lampe à dynamo, qu’il vous faut recharger toutes les 30 secondes pour y voir clair, ce qui est peut-être réaliste, mais pour le coup assez laborieux. Pro tip : pour une recharge optimale, tirez sur la chevillette deux fois, la bobinette cherra. Davantage est inutile. Mais enfin, ce qui attirera le monstre, surtout, ce sont les détonations de votre revolver, ou encore les explosions de portes à coups de grenade ou de bloc de pierre. Notez que les munitions sont rares, en particulier les balles. Ce qui n’est pas forcément très logique dans un bunker occupé par un bataillon, qui a pris soin au passage d’aménager une section entière pour en faire un arsenal. Mais passons.

Vous arriverez bien vite au hub central, qui tient miraculeusement le monstre en respect, que les portes soient grandes ouvertes ou verrouillées. Comme il est si élégamment indiqué dans la salle attenante du générateur, « the fucker hates light » : notre hôte a les yeux sensibles depuis qu’il a perdu ses gouttes. Alimenté par de l’essence que vous trouverez principalement dans des bidons dispersés dans les niveaux, le générateur vous permet d’illuminer le bunker, grâce à la magie de la fée électricité. Précisons que son activation n’est pas nécessaire – je ne l’ai pas utilisé les deux premières heures –, il sert surtout à vous rassurer et à éloigner le monstre. Contre-contre-UNO : la vérité, c’est que le monstre n’en a souvent rien à battre. S’il doit intervenir dans un moment scripté, lumières à fond ou pas, il sera au rendez-vous pour vous latter.

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R.A.S., tout a l’air parfaitement normal.

De façon générale, les mécaniques ne présentent rien de très neuf. On ressent vite une forte inspiration Resident Evil, ne serait-ce que dans la gestion de l’inventaire. Comme dans le récent Rewind Or Die (autre hommage appuyé à la série de Capcom), on trouve ici les mêmes outils : roue de verrouillage, pince coupante géante. Énième clin d’oeil, une machine à écrire trône dans la salle de sauvegarde. Même le récent fétichisme des mains de Resident Evil 7 et 8 est repris dans The Bunker, puisque c’est l’état de votre main gauche qui fait office d’indicateur de santé. Si le jeu repose moins sur un power trip que son inspiration, il reprend les mécaniques de l’appropriation progressive de l’espace – et du sentiment de confiance décuplée qu’elle génère.

Et là, c’est le drame

Le problème, c’est que c’est une mécanique sensible, qu’un grain de sable suffit à enrayer. Ce qui m’est malheureusement arrivé : j’ai rencontré un bug particulièrement irritant, l’équivalent vidéoludique de se faire péter les genoux. Vous ferez assez vite la connaissance de rats mutants dix fois plus gros que la normale, affairés à grignoter le cadavre d’un poilu au beau milieu du chemin. Perturbez leur repas, et ils vous prendront un morceau de ces superbes mollets au passage. Une des façons de se débarrasser sans bruit de ces nuisibles, c’est de leur jeter des bouts de viande, que vous pouvez stocker dans votre inventaire. Les rats vont alors se détourner de vous et vous laisser passer. Enfin, ça, c’est la théorie. Ça marchait au début, puis à un moment, ‘a pu. Dans un tunnel sombre rempli de ces créatures, j’ai lancé le bout de viande protocolaire, enjambé les rongeurs… qui ont finalement préféré ma chair tendre à l’entrecôte qui traînait dans la poussière. WASTED. J’ai perdu 1 heure de jeu ET le plaisir qu’est censée procurer la gestion de l’inventaire. Car il m’a tout d’abord fallu un peu de temps pour constater que le problème était généralisé, et durant ce temps, c’est 4 slots qui sont occupés par de la viande avariée ; et ensuite, ayant constaté que la viande ne marchait mystérieusement plus, il m’a fallu, pour passer les rats scélérats, soit payer le péage avec ma santé, soit sacrifier une grenade – ai-je précisé que les munitions sont très limitées ? Et que les rats reviennent à chaque fois ? À peine frustrant, donc. Si ce bug était rageant, notez qu’il y a tout de même une façon de se débarrasser définitivement des rongeurs que vous croiserez si, contrairement à votre serviteur, vous parcourez plus attentivement certains documents sur le sujet, planqués dans le bunker. Cette solution consomme toutefois des ressources, elle implique donc des choix éclairés d’inventaire, qu’une option en moins vient contrarier, comme ici ; et le bug n’en demeure pas moins réel et dommageable pour l’expérience. Cet aspect essentiel du survival horror à la Resident Evil qu’est la gestion minutieuse de l’inventaire s’est donc effondré pour moi à mi-parcours.

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Vos véritables antagonistes.

Autre problème majeur du titre, et que vous rencontrerez obligatoirement pour le coup : la gestion des sauvegardes est critique, et se fait aux dépens de l’immersion. En effet, le point de sauvegarde du jeu est situé dans le hub. Si vous passez trois heures en dehors et que vous vous faites tuer, vous perdez ces trois heures, point. Si, comme moi, vous avez horreur de perdre votre temps à refaire plusieurs fois le même niveau, la solution la plus pragmatique consiste, une fois que vous avez un peu avancé dans le niveau, à rebrousser chemin… en courant comme un dératé vers le hub ! Donc raffut du tonnerre de Zeus, immersion zéro, mais c’est ça ou la purge de tout refaire – non merci. J’ai pu voir sur des vidéos d’autres joueurs que je n’étais pas le seul à avoir préféré cette solution plutôt que jouer le jeu et perdre du temps de vie bien réel. À ce propos, je me souviens d’un moment où le monstre est apparu trois fois d’affilée dans le même niveau, ce qui m’a obligé à me terrer dans un placard trois fois d’affilée. Disons, pour rester poli, que j’ai trouvé le temps long.

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On se fait un peu chier, oui.

Oh, et lucky me! Je fais également partie de ceux qui ont rencontré de gros soucis techniques en lançant le jeu : chez moi, le jeu tournait en low performance par défaut – gros pixels et 12 fps à la seconde, on adore –, et ce quelles que soient les options triturées in-game. Si ça vous arrive, voici la solution servie sur un plateau en argent, parce qu’on vous caresse dans le sens du poil à NoFrag. Allez dans les paramètres Windows 11 > Système > Écran > Graphiques (en bas) > Ajouter une application > Parcourir > SSD (C:) > Program Files > Epic Games > AmnesiaTheBunker5Prcn > Sélectionnez AmnesiaTheBunker.exe > Ajouter > Dans la fenêtre des Paramètres graphiques, le titre est apparu, allez dans ses Options > Performances élevées > mon RIB ci-joint, faites pas les rats.

Et le scénario dans tout ça ?

Parlons un peu de l’histoire, qui est quasi entièrement racontée par des pages déchirées issues des journaux intimes des soldats français du bunker – tous des Apollinaire d’ailleurs, vu leur plume. Le scénario fait rapidement lever un sourcil : en gros, deux gradés ont fini par se casser du bunker avant de faire péter la sortie derrière eux, emprisonnant ainsi le monstre dans ses souterrains. La cruauté envers les animaux ayant ses limites, ils lui ont laissé plein de pâté humain encore frétillant, histoire qu’il puisse jouer un peu avec sa nourriture. Bon, soyons sérieux : d’où tout le monde ne s’est pas cassé en hurlant à la première apparition du monstre ?

Autre souci de cohérence, plus facilement remédiable encore. Approchez-vous donc de la fameuse sortie effondrée. On aperçoit encore un large pan de ciel, et vous constaterez qu’un humain, dans la vraie vie, a largement la place de se faufiler à travers les décombres jusqu’à la sortie, trois mètres plus loin. Mais bon, c’est sûr que ce serait ballot de passer à côté d’une belle rencontre juste pour recouvrer sa liberté. Un autre élément absurde ? Pour faire exploser la dynamite, il vous faudra récupérer la poignée du détonateur, prétexte à une chouette balade dans les entrailles fumantes du bunker. Je suis pas ingénieur, mais votre poignée de détonateur, là, c’est juste un bout de fer, en fait. Et ce n’est pas tout : le fin mot de l’histoire se devine aisément. La toute fin du jeu est pourrie, vous êtes prévenus. J’aime bien finir un jeu et me dire que ça valait le coup, eh ben là…

Allez, achevons avec une petite vidéo de gameplay, avec des vrais morceaux de rats dedans :

Conclusion

Vous l’aurez compris, mon expérience d’Amnesia: The Bunker n’était pas ouf. Pour autant, le titre a des qualités. Il bénéficie avant tout d’un très bon level design. Niveau graphismes et atmosphère, tout est cohérent. Il semble aussi qu’il y ait une part d’aléatoire dans l’expérience que vous êtes susceptible de vivre : si vous ne rencontrez pas de bug majeur, si les bons objets vous tombent entre les mains (chaque partie randomise divers éléments), si le monstre ne fait pas d’apparitions abusives, bref, si vos planètes s’alignent, l’expérience peut être significativement rehaussée. Les soucis que j’ai rencontrés m’empêchent toutefois de recommander le titre à un ami. The Bunker n’apporte rien de vraiment neuf au genre du survival horror, et ce qu’on y fait, dans ses niveaux, est globalement chiant. Le monstre est relou, il vous oblige régulièrement à fuir ou à vous terrer de longues minutes dans un placard, ce qui n’est pas ma conception du fun. Les rats sont très irritants, surtout quand ils sont buggés. Devoir courir vers le point de sauvegarde du hub pour ne pas perdre une heure de progression, casse non seulement les couilles, mais aussi l’immersion. Enfin, le final médiocre m’a fait regretter les heures passées à ramasser les miettes dans ces souterrains moisis.

Vous avez du mal à vous y retrouver dans le catalogue Steam ? Alors suivez le groupe de curation NoFrag pour vous aider à séparer le bon grain de l’ivraie.

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5 Commentaires


  1. J’ai eu de la chance sur ma run, j’ai trouvé le jeu très plaisant mais qui s’essouffle un peu sur la fin, pas terminé..

  2. Merci pour le test. Les bugs ont été corrigés depuis la sortie ?

    My pleasure.
    Pour les bugs. On peut voir sur la discussion suivante qu’il y a encore trois semaines le bug de la viande n’avait, semble-t-il, pas été résolu.
    https://www.reddit.com/r/Amnesia/comments/15jgxx6/meat_issues_the_bunker/

    Pour les autres, en particulier les performances pétées au lancement, je n’ai pas trouvé cette mention en survolant les listes de corrections effectuées depuis la sortie du titre, mais il y en a un paquet aussi.

  3. C’est clair que l’expérience peut varier selon les joueurs. J’ai fais le jeu direct en difficile, et on apprend très vite à nos dépends l’importance de la lumière vu qu’on est rapidement à poil en ressources, en particulier en carburant. Si la lumière permet de garder notre collocataire à distance tant qu’on reste relativement furtif, il commence à rôder dès que la lumière disparaît. D’un point de vue de game design, c’est tout l’intérêt de mettre la sauvegarde au même endroit que les générateurs vu qu’on est en principe amené à y retourner régulièrement. Et d’ailleurs le coffre qui permet d’adapter l’inventaire pour chaque sortie s’y trouve également.

    Sur les influences du jeu, je dirais que c’est surtout Alien Isolation qui prime, on y retrouve les mêmes facettes de gameplay sur les interactions avec la créature. Avec peut-être un peu plus de responsabilité au joueur au niveau de l’exploration, l’utilisation des ressources et la progression, notamment grâce au positionnement aléatoire des objets et la structure non linéaire des niveaux.

    Pour les rats il y a d’autres moyens de les passer que de sortir la barbaque (perso j’ai pas eu de bugs, mais son utilisation est aléatoire, n’attirant parfois qu’une partie des rats) ou l’arme lourde. Mais c’est vrai qu’on peut rester frustré si on ne trouve pas certaines combinaisons d’objets. Perso je suis content que Frictionnal games a tenté d’innover par rapport aux précédents opus avec un gameplay plus classique et des intéractions qui reposaient essentiellement sur des scripts.

    En tout cas le test m’a fait sourire, très plaisant à lire même si on a l’impression que vous avez tiré à la courte-paille pour définir qui va se taper le test.

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