Annoncé il y a trois ans, Gloomwood est le nouveau projet publié en accès anticipé par l’écurie New Blood Interactive, à qui l’on doit déjà de très bons FPS indépendants, comme DUSK, AMID EVIL ou encore ULTRAKILL. Toujours dans un style visuel rétro, ce titre entend cette fois-ci s’attaquer à un genre très complexe : l’immersive sim. Mais Gloomwood n’est pas seulement un « Thief avec des flingues », il s’agit aussi d’un bel hommage aux survival-horror classiques des années 90. Un projet ambitieux et casse-gueule, qui s’en tire tout de même avec brio et laisse cependant un goût de trop peu en bouche.

Genre : Immersive sim & survival-horror | Développeur : Dillon Rogers, David Szymanski | Éditeur : New Blood Interactive | Plateforme : Steam | Configuration recommandée : Processeur Quad Core 2,4 GHz ou supérieur, GTX 1060 ou équivalent, 8 GB de RAM | Prix : 16 | Langues : VO uniquement | Date de sortie : 6 septembre 2022 en accès anticipé | Durée de vie : Environ 2h en ligne droite 

Preview réalisée sur une version commerciale.

gloomwood 2 cropped

Doctor Gloom

Tout le monde le sait, certains réveils sont plus difficiles que d’autres. Mais point de mal de crâne carabiné après une soirée au Macumba pour le docteur anonyme qui sert de protagoniste à Gloomwood : lorsqu’il ouvre les yeux, c’est pour découvrir qu’il a été fait prisonnier par des sortes de fanatiques. Un allié secret lui ouvre toutefois la porte de sa cellule, et il devient alors un fugitif en quête de vérité, explorant furtivement une grande métropole victorienne teintée de fantastique et de steampunk. Pour ne rien arranger, la cité, plongée dans l’obscurité et le brouillard, semble en proie à de terribles et mystérieux événements… Voilà, en somme, la proposition initiale de l’histoire de Gloomwood, qui est exposée ici avec une narration plutôt discrète. Outre de rares interventions directes de PNJ, le scénario vous est conté par le biais de discussions impromptues entre deux ennemis, de détails dans l’environnement ou de notes laissées çà et là. En n’utilisant pas de cinématiques et en nous laissant libre de percevoir (ou non) tous les tenants de son histoire, Gloomwood respecte ainsi une des traditions de l’immersive sim : laisser le contrôle au joueur le plus possible.

Il faut dire que Gloomwood revendique fièrement son attachement au genre complexe qu’est l’immersive sim. Et force est de constater qu’il fait bel et bien parti de cette grande famille. Très inspiré par la saga Thief, faisant la part belle à l’infiltration, le jeu impressionne surtout par ses mécaniques complexes et son level design qui permettent d’appréhender les situations de nombreuses façons, ce qui est assez inédit pour un projet indépendant de cet envergure.

Qu’est-ce que c’est « Immersive Sim » ?

Original Deus Ex Screenshot
Deus Ex (2000)

Pour résumer succinctement, il s’agit d’un genre de jeux dans lequel les joueurs sont plus autonomes et dotés d’outils/de mécaniques de gameplay leur permettant d’évoluer de façon non-linéaire dans une aventure. Par exemple, si vous devez accéder à une pièce derrière une porte fermée à clef, une immersive sim devrait vous permettre de le faire en subtilisant le passe à un garde, en détruisant la porte à coup d’explosif, en empilant des caisses pour atteindre le conduit d’aération, en hackant le système de sécurité, etc. Les mécaniques de jeu sont donc censées former un tout cohérent qui permettent au joueur de décider seul de son cheminement. Vous avez probablement déjà joué à l’un des titres du genre : System Shock, Thief, Deus Ex ou, plus récemment, Dishonored et Prey (2017). Bien que n’étant que rarement des réussites commerciales, ces jeux ont généralement une très bonne réputation. La légende raconte qu’à chaque fois que Deus Ex est cité quelque part, un joueur le réinstalle pour relancer une partie.

Gloomwood 1
ÇA VA PÉTER !

En mode survie

L’accès anticipé se déroulant au tout début du jeu, après la capture et la libération inopinée de notre bon docteur, vous devrez commencer par récupérer votre équipement de base (une mallette faisant office d’inventaire, une canne épée) et tenter de vous enfuir de l’usine de boites de conserve dans laquelle vous étiez enfermé. Pour ce faire, vous devrez beaucoup jouer sur la furtivité, passer d’ombre en ombre tout en évitant le plus possible de faire du bruit : les ennemis sont assez retors, et s’il est possible de les vaincre en un contre un, vous aurez tôt fait de vous faire surpasser par leur nombre. Mais, comme je le disais plus haut, Gloomwood laisse libre cours à votre créativité, il n’est pas nécessaire de suivre un chemin balisé pour s’en sortir. Vous distinguez une fenêtre ouverte en hauteur ? Bougez quelques cageots pour pouvoir l’atteindre et évoluer sur les toits. Un groupe d’ennemis vous barrent la route ? Évitez-les en passant sous l’eau, ou mieux, lancez-leur un baril explosif auquel vous aurez préalablement mis le feu avec une torche sur le mur. Il y a des tonnes de manières d’arriver à vos fins, et ce, quel que soit votre style de jeu. Enfin, n’espérez toutefois pas faire de Gloomwood un fast FPS : s’il y a bien plusieurs armes à feu (trois actuellement dans cette version), vous n’avez pas énormément de munitions et votre personnage n’est ni assez vif, ni assez résistant pour foncer dans le tas tous flingues dehors. Voyez plutôt ces derniers comme des outils supplémentaires pour vous sortir des situations les plus compliquées.

Gloomwood ne s’arrête pourtant pas à son côté Thief-like. En réalité, il s’inspire aussi beaucoup des survival-horror des années 90, notamment de la série Resident Evil. On pourrait citer, par exemple, la gestion de l’inventaire, qui est assez poussée et demande au joueur de maîtriser l’art du Tetris afin d’emmener tout ses objets, à la manière d’un RE4. D’ailleurs, il ne s’agit pas d’un simple menu, mais bien d’un véritable aspect de gameplay qui permet d’interagir in-game sans interruption – c’est suffisamment rare pour le noter. Mais Gloomwood rend principalement hommage à ces grands classiques grâce à son level design et sa gestion des sauvegardes. Dans Thief et autres jeux du genre, la norme était de pratiquer le save scumming : comme on pouvait sauvegarder à n’importe quel moment sans contrainte, il était facile de charger la partie lorsqu’un plan prenait une mauvaise tournure. De son côté, Gloomwood utilise un système de points de sauvegarde fixes, à la manière d’un Resident Evil, mais en remplaçant la machine à écrire par un gramophone. Plus vous explorez le niveau, plus vous débloquez de raccourcis vous permettant de revenir à votre point de sauvegarde. Le but avoué des développeurs est d’augmenter la pression, forçant les joueurs à réfléchir à leurs plans et à assumer leurs échecs. C’est donc un système contraignant, qui peut en frustrer certains, mais cela renforce effectivement la tension. Eh oui, on aura évidemment moins tendance à foncer dans le tas si on risque de perdre 30 minutes de progression en cas de Bérézina. Si ce concept vous énerve, sachez tout de même que le jeu incorporera un système de sauvegarde rapide en mode facile, pour l’instant absent de cette version accès anticipé. La difficulté extrême, elle, limitera le nombre de sauvegardes.

Notez également que, malgré ses références aux survival-horror, le jeu ne fait pas du tout peur… pour le moment. On s’attend à des séquences bien plus horrifiques dans la suite de l’aventure, notamment avec le retour des hommes-corbeaux présents dans l’ancienne démo du jeu.

Gloomwood 3
C’est franchement pas beau, mais il y a des jeux de lumière sympa.

Gloommood

Alors, Gloomwood est-il parfait ? Non, loin s’en faut. On peut déjà regretter que les visuels soient particulièrement désuets. On comprend aisément que cela ne soit pas la priorité des développeurs vu la complexité des mécaniques, et qu’en plus d’être un hommage aux années 90, il s’agit d’un compromis permettant de compenser la petite taille de l’équipe et du budget. Toutefois, couplé à sa direction artistique très sobre et sombre, on s’ennuie un peu à regarder les décors de Gloomwood. C’est dommage car des FPS comme Prodeus ou Turbo Overkill ont montré qu’on pouvait faire des graphismes rétro mais agréables à l’œil, et c’est d’autant plus tragique qu’on sent un véritable effort sur la mise en scène et le sound design. Tout l’univers est cohérent et bien pensé, mais… c’est moche, quoi !

L’accès anticipé de Gloomwood pèche aussi par son contenu relativement rachitique, qui peut être facilement traversé en deux heures. Bien sûr, il regorge de recoins et de secrets à explorer qui peuvent augmenter sa durée de vie. Mais on n’y trouve qu’une poignée d’armes, deux types d’ennemis différents, et très peu d’objets utilitaires. Et, alors que l’histoire décolle enfin, c’est déjà la fin de la récré. Cela nous laisse un arrière goût de trop peu : on a l’impression de n’avoir qu’à peine effleuré le potentiel du jeu dans ce qui est grosso modo qu’un tutoriel glorifié. Par ailleurs, le level design, qui s’avère initialement plutôt ouvert, se réduit par la suite à quelque chose de plus linéaire. Un choix des plus étranges, car ce n’est pas vraiment là que brille le titre. On espère également que l’IA sera retravaillée car les ennemis ont un comportement inconsistant, ayant tantôt un regard bionique et des sens décuplés capables de repérer notre docteur à son odeur, tantôt des facultés proche d’une légumineuse.

Toutefois, malgré ces défauts, il faut saluer les efforts incommensurables fournis par les développeurs pour sortir un jeu aussi complexe dans un état correct avec des moyens limités. Globalement, Gloomwood propose une vision intéressante et bien foutue de l’immersive sim, avec un penchant satisfaisant pour les survival-horror des années 90. Reste à voir ce que donnera la suite : on espère y voir des niveaux ouverts, des ennemis variés et de nouveaux outils permettant de véritablement profiter des mécaniques de jeu. New Blood annonce que l’arrivée en 1.0 prendra encore entre un et deux ans, ce qui leur laisse le temps pour proposer un contenu conséquent.

Vous pouvez retrouver ci-dessous environ 15 minutes de gameplay en mode difficile. J’ai volontairement évité de trop explorer le niveau afin de ne pas dévoiler trop de secrets.

Goodwood

L’accès anticipé de Gloomwood laisse entrevoir un énorme potentiel, dévoilant des mécaniques complexes et laissant au joueur une certaine liberté créative. De plus, il propose un concept original et bien pensé en mélangeant le genre de l’immersive sim avec le survival-horror. Cependant, le titre n’est pas exempt de défauts, et la version actuelle n’offre pas beaucoup de contenu à se mettre sous la dent. Dans tous les cas, il mérite clairement de garder un œil dessus.

Vous avez du mal à vous y retrouver dans le catalogue Steam ? Alors suivez le groupe de curation NoFrag pour vous aider à trier le bon grain de l’ivraie.

Article précédentREDmod : des outils de modding et un gestionnaire de mods officiels sont disponibles pour Cyberpunk 2077
Article suivantLa série Battlefield fait peau neuve et annonce une campagne solo par le créateur de Halo

7 Commentaires


  1. Merci pour la preview, je ne savais même pas ce que voulait dire immersive-sim alors que j’adore le genre.

    D’ailleurs, je dois être un des rares à n’avoir jamais fini le premier Deus Ex, j’ai jamais réussi à aller plus loin au bout de 10 mn de jeu : je me faisais systématiquement buter face à la statue de la Liberté par les bad guys.

    Ben du coup, je vais devoir le réinstaller…

  2. J’ai fini le minuscule early acces, et si le gameplay et le level design sont tres sympa, effectivement c’est quand même tres moche, et l’absense de QS/QL dans un jeu comme celui la pose quand même question.

  3. Merci pour la preview, je ne savais même pas ce que voulait dire immersive-sim alors que j’adore le genre.

    D’ailleurs, je dois être un des rares à n’avoir jamais fini le premier Deus Ex, j’ai jamais réussi à aller plus loin au bout de 10 mn de jeu : je me faisais systématiquement buter face à la statue de la Liberté par les bad guys.

    Ben du coup, je vais devoir le réinstaller…

    Tu n’es pas seul, mais bon il mérite que tu insistes un peu plus.
    J’ai du faire une dizaine d’h avant de le mettre de côté. Je précise que j’y ai joué environ 10 ans après sa sortie, donc j’ai trouvé le jeu génial mais un peu trop rigide maintenant.

  4. Tu n’es pas seul, mais bon il mérite que tu insistes un peu plus.
    J’ai du faire une dizaine d’h avant de le mettre de côté. Je précise que j’y ai joué environ 10 ans après sa sortie, donc j’ai trouvé le jeu génial mais un peu trop rigide maintenant.

    Je vais m’y mettre, pas grand chose à se mettre sous la dent en ce moment. En plus j’ai vu qu’un mod quasi officiel améliorait le gameplay et l’aspect technique, donc ça passe crème.

  5. Shamanix Les devs vont bientôt rajouter du quicksaving. Mais que en mode facile, pour les noobs. Et la difficulté en mode hard à été revue à la hausse (ennemies plus rapides, plus de dommages, nouveau ennemies non one shotable…)

Connectez-vous pour laisser un commentaire