En septembre 2010, alors que la pandémie de grippe A (H1N1) faisait rage, les suédois de Frictional Games sortait Amnesia: The Dark Descent. Jeu d’horreur novateur qui réussissait, avec brio, à instiller la peur chez les joueurs grâce à une ambiance et des concepts très bien maitrisés. Aujourd’hui, 10 ans plus tard, une nouvelle pandémie secoue le monde et une suite directe à ce premier épisode vient de sortir, Amnesia: Rebirth. Cette séquelle parvient elle à reproduire l’exploit du titre original ? (si vous êtes familier de l’adage de la Loi des titres selon Betteridge, vous connaissez déjà la réponse)

amnesia rebirth desert

Des réveils difficiles

Cette suite se passe 100 ans après les événements de The Dark Descent. Mais il n’est pas question ici de retourner au château Brennenburg. Ce nouvel épisode de la série se déroule en 1937, en Algérie française. Vous allez incarner Anastasie « Tasi » Trianon, une dessinatrice industrielle. Cette chère Tasi devait à l’origine rallier en avion, avec son équipe, le Soudan français afin de participer à un projet d’extension d’une mine d’or. Pas de chance pour eux, leur Douglas DC-3 ne les mènera jamais à destination et finira tête la première dans le désert algérien. Tasi se réveille donc dans l’épave de l’avion, seule, au milieu du désert, et vous allez rapidement comprendre que ce n’était pas son premier réveil.

amnesia rebirth plane

Ô Sahara

A l’instar de Daniel du premier épisode, Tasi est amnésique. L’effet est moins violent que dans The Dark Descent, Mme Trianon se souvient de son nom mais pas vraiment de ce qu’il s’est passé après le crash. Elle ne comprend pas non plus pourquoi une amulette étrange orne maintenant son poignet. Néanmoins, Tasi devra s’extirper de la carcasse et affronter la chaleur du Sahara pour retrouver mémoire et collègues. Les premiers instants du jeu se déroulent donc en plein jour. Mais que les fans de la première heure se rassurent, ils auront bientôt à arpenter cavernes obscures, couloirs sombres et autres endroits lugubres. L’aventure de Tasi sera globalement très linéaire, mais le titre baladera le joueur dans des décors très variés. Pendant 8-9h d’aventure, vous allez effectivement explorer des lieux assez uniques aux ambiances bien distinctes. Les artistes de Frictional Games s’en sont donnés à cœur joie et nous permettent d’oublier la technique vieillissante du titre. La direction artistique marquée des différents environnements pousse toujours à vouloir en voir plus. Ce qui n’est pas toujours le cas de la narration ou du gameplay.

amnesia rebirth fort

Lost: Rebirth

Chauvin s’abstenir

Vous vous trouvez dans l’Algérie Française. Cependant, même dans un fort tenu par l’armée française, pas un seul document n’est rédigé dans la langue de Molière ou en Arabe. Tasi sera également amener à traduire en anglais à ses petits camarades un panneau, pourtant lui-même écrit dans la langue de Boris Johnson. Ça fait un peu tâche.

Si l’histoire de Rebirth est plutôt intéressante à suivre, impliquant un traumatisme du passé de l’héroïne, en revanche j’ai eu beaucoup plus de mal avec la narration. Bien sûr vous n’échapperez pas aux classiques notes/documents disséminés ici et là au travers des niveaux. L’intérêt de ces derniers va bien entendu varier mais le problème fut pour moi autre. Tasi est amnésique et elle va donc se rappeler des événements qui ont suivi l’incident via des flashbacks. Ces derniers, raccords avec le background de votre personnage, vont prendre la forme de desseins au fusain. Le problème c’est l’omniprésence de ces moments. Parfois, deux mètres sépareront deux flashbacks. Résulte de cela une narration très hachée qui coupe régulièrement l’immersion. C’est d’autant plus dommage que la performance de la comédienne de doublage de Tasi est plutôt convaincante (si on oublie le fait que Mme Trianon est française) et que les thèmes abordés par le scénario peuvent résonner chez une part importante des joueurs.

Un autre point regrettable à ce niveau, c’est la manière dont est abordée la fin du jeu. Trois fins sont possibles pour l’aventure de Tasi. Les suédois de Frictional Games ne nous proposent pas de fins manichéennes, mais seulement trois issues douces-amères. Le souci, c’est que contrairement à ce qu’ils nous avaient annoncé, nos actions au cours du jeu n’ont pas de conséquences. C’est à vous dans les derniers instants du jeu de choisir quelle fin vous souhaitez. Si ce n’est pas aussi vulgaire que la fin aux trois boutons de Deus Ex: Human Revolution, on n’en est malheureusement pas très éloigné.

Ça, c’est ma lampe. Il y en a beaucoup comme ça, mais elle, c’est la mienne.

Vous avez joué à un des premiers Amnesia ? Alors vous ne verrez ici aucune différence majeure niveau gameplay. On reprend les mêmes ingrédients et on recommence. Tasi évolue la plupart du temps dans des environnements sombres que vous allez pouvoir éclairer via une lampe à huile ou des allumettes. Ces dernières seront disséminées un peu partout dans le décor mais se consumeront très vite, voire s’éteindront en cas de mouvement brusque. La lampe permet de se mouvoir plus rapidement mais la précieuse huile sera également consommée à une vitesse folle. Vous aurez donc à gérer vos stocks afin de ne pas finir à sec. Si c’est le cas, pas trop de souci à se faire, Tasi voit mystérieusement très bien dans le noir. Cependant, être dans l’obscurité aura un impact sur la santé mentale de Mme Trianon. Cette dernière est rongée par un mal qui est stimulé par la peur. Rester dans le noir, regarder des cadavres ou croiser le regard de monstres provoquera chez l’héroïne une augmentation de son rythme cardiaque et l’apparition de petits tentacules sur les bords de votre écran.

amnesia rebirth cave

 

Mais généralement, la tachycardie ne s’installera pas chez vous. Malgré un sound design de qualité, Rebirth peine à instiller la peur chez les joueurs. Vous pourrez peut-être sursauter à cause d’un jump scare retors (je pense à toi foutu masque !). Mais la peur n’est jamais vraiment présente. Tout est beaucoup moins suggéré que dans le premier épisode de la série. Vous serrez malheureusement mis rapidement face aux créatures qui vous en veulent. L’imagination débordante de votre cerveau sera rarement mise à contribution. Jamais les développeurs de Frictional Games ne parviennent donc à instaurer un véritable climat de terreur. Les passages qui vous demanderont discrétion seront donc dénués de toute tension. De plus si vous avez le malheur de vous faire repérer, l’IA sera très facile à berner.

Physique difficile

Le moteur physique du jeu est similaire à celui des jeux précédents. Vous pourrez toujours attraper/pousser/jeter beaucoup d’éléments du décor via une main invisible. Veillot et briseur d’immersion pour certain, moi j’adhère toujours.

Mais quelques phases de poursuites bien rythmées ponctueront l’aventure de Tasi. De plus, des puzzles tâcheront de stimuler votre cerveau de temps en temps. Rien de bien complexe néanmoins, et malgré mon impatience légendaire, jamais je n’ai été tenté de claquer un alt-tab pour taper « Amnesia: Rebirth solution » sur Google. Enfin, à partir d’un moment du jeu vous aurez un petit compagnon de route, qu’il faudra rassurer de temps en temps. Rien de bien contraignant mais cela vous occupera pendant votre routine exploration/discrétion/puzzle.

Oui, routine, car c’est là que le bât blesse, les développeurs de Frictional Games ne sont pas parvenus à changer leur formule d’un iota depuis leur trilogie Penumbra. Ce qui était encore novateur il y a dix ans avec la sortie de The Dark Descent, l’est beaucoup moins aujourd’hui. La répétitivité s’installe donc après quelques heures de jeu malgré tous les efforts artistiques produits. Et je dois avouer que les dernières phases de discrétions du jeu se sont résolues à grand renfort de touche shift.

Un peu de gameplay paru chez IGN avant la sortie du jeu, mais attention au spoil :

Une odeur de formol

Amnesia: Rebirth n’est pas un mauvais jeu mais il sent bien trop fort le renfermé. La formule originale proposée il y a maintenant dix ans n’a pas évoluée depuis et l’intérêt que l’on peut porter à l’aventure de Tasi est un peu plombée par des choix de narrations étranges. Les amateurs de walking sims horrifiques à lampes torches y trouveront sûrement leur compte, et apprécieront la qualité de la direction artistique du titre. Les joueurs qui s’attendaient à une nouvelle expérience terrifiante et à une évolution de la série resteront sur leur faim.

Test réalisé à partir d’une version éditeur. Amnesia Rebirth est disponible pour 24.99 € sur Steam et sur l’Epic Game Store.

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7 Commentaires


  1. Merci pour le test ^^

    mais une coquille :  » voir s’éteindront en cas de mouvement brusque  » : voire

    C’est parti !

  2. Un test assez juste selon moi.
    Je ne peut qu’être d’accord sur le fait que la narration est merdique dans cet épisode, la ou les précédents avais des flashback en forme de dialogues qui laissais la mains au joueurs, la on se retrouve bien trop souvent interrompu.
    Qui plus est le scénar, ou plutôt la façon bourrine dont il est amené m’a profondément fait chier, j’ai trouver que le thème de la parentalité étais bien mieux intégré, a un jeu d’horreur, dans A Machine For Pigs, ou Mandus devais chercher ses enfants dans les entrailles de la machine, guidé par une mystérieuse voix au téléphone.
    Apres par contre, le classisme du gameplay m’a moins déranger, en dehors encore une fois des interruptions constantes dues aux scénar, le sound design varie du plutôt sympa au franchement bon (mention spéciale pour les mobs volants dont le SD est génial), les musiques sont rares et parfaitement oubliables, on est loin de la qualité de celles d’AMFP, et pour finir le level design est un peut meilleur que dans les épisodes précédents mais ne réinvente pas la roue non plus.

    Bref: Dans l’ensemble pas un mauvais jeu, mais pour moi pas a la hauteur des 2 précédents Amnésia ni du génial SOMA avec son scénar de fou.

  3. Rester dans le noir, regarder des cadavres ou croiser le regard de montres provoquera chez l’héroïne une augmentation de son rythme cardiaque

    Ouf ! Heureusement que ça se passe en Algérie Française et pas en Suisse !

    Très bon test, merci, j’ai bien aimé l’écriture. Ca m’a donné aussi envie d’y jouer malgré tout.

  4. Merci pour les retours ! Coquilles corrigées.
    Je suis tout à fait d’accord avec toi Shamanix sur le SD des Searchers, grande réussite !

  5. Le coup des textes, panneaux, indications, journaux, etc, en Anglais dans un fort de l’armée française au milieu de l’Algérie française, ça m’agace plus que ça ne devrait mais c’est le cas. Même dans leur gameplay trailer, je n’ai vu que ça, ça me sort vraiment de l’ambiance.

    Et les textes dans la bonne langue avec des sous-titres quand on s’approche, c’était trop dur ?

    L’autre boulet, c’est l’héroïne qui parle tout le temps et à contre-temps de ce qui se passe à l’écran en plus : toute paniquée quand il ne se passe pas grand chose et complétement blasée quand ça explose de partout.

    Ce sont les mêmes devs qu’Amnesia et SOMA ? Vraiment ?

  6. Description partagée pour ma part.
    En revanche, un peu surpris que l’on évoque pas la notion d’imaginaire/paranormal engendrée par l’amulette et les portails d’accès aux différents mondes.
    Je ne suis pas du tout adepte de ces mécanismes, encore moins pour un Amnesia, pour lequel les deux premiers opus restaient tout de même bien dans une histoire plus réelle.

    Je n’ai donc pas ressenti de peur, suite à une déconnexion de la réalité totale..

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