Annoncé il y a presque un an, Warhammer 40 000: Boltgun est un rétro-FPS dont la présentation nous avait plutôt tapé dans l’œil. Gameplay viscéral, graphismes mêlant gros pixels et effets visuels modernes, mouvements très dynamiques : de délicieux ingrédients pour nous concocter une bonne recette, dans la veine des excellents Prodeus et Cultic. Lors de mes pérégrinations sur le panneau publicitaire d’Elon Musk, à la recherche de l’information ultime permettant d’enfin décrocher un prix Albert-Londres, je suis tombé sur le tweet de Yann François, Creative Producer chez Focus Entertainment, qui édite le jeu. Peut-être le connaissez-vous sous le nom de Ianoo, membre de l’équipe ZQSD.fr, un podcast bâti sur les cendres du magazine papier Joystick, début 2013. Il a également écrit Half-Life – Le FPS Libéré, publié par Third Éditions. Autant intrigué par le rôle que pouvait bien avoir un Creative Producer que par le choix d’un rétro-FPS pour une licence Games Workshop, j’ai souhaité en découvrir un peu plus en remontant à la source. Nous avons pu discuter de tout ça en visioconférence, dont voici la retranscription.

NF : Pour commencer, peux-tu nous parler de ton parcours ? Comment es-tu arrivé chez Focus ?

Y.F. : Initialement, j’avais pour objectif d’être critique cinéma et aussi de travailler dans la recherche, dans le domaine universitaire. J’ai fait des études de ciné à la fac, et j’ai commencé à écrire sur le sujet pour Chronic’Art, un site et magazine sur l’actualité culturelle, aujourd’hui disparu. Étant également passionné de jeux vidéo, j’ai eu l’opportunité d’écrire un article sur Bioshock 2, et de fil en aiguille, j’ai écrit de moins en moins sur le cinéma, et de plus en plus sur le jeu vidéo. En 2012, j’intègre l’équipe de Joystick, que je lisais étant ado, mais pas pour longtemps, car le groupe M.E.R.7, possédant le magazine, est placé en redressement judiciaire. Suite à cela, avec les autres membres de l’ancienne équipe, le blog ZQSD.fr est créé, qui sera rapidement transformé en podcast. J’ai ensuite effectué des piges pour JV le mag, le magazine VideoGamer, ainsi que Trois Couleurs pendant quelques années. En 2017, je rejoins pleinement JV le mag en tant que salarié, jusqu’en mai 2022, où j’intègre Gamekult. Mais comme pour Joystick, ça n’a pas duré, car un mois après, on apprenait le rachat du site par Reworld Media, ce qui augurait le pire pour notre indépendance. J’avais déjà été en contact auparavant avec l’éditeur Focus Entertainment, sans que cela ne se concrétise, mais à ce moment précis, un poste de Creative Producer se libérait. On peut dire que j’ai eu un sacré coup de bol. J’ai commencé en septembre 2022.

Boltgun
Y a pas à dire, les locaux de Focus Entertainment ne sont pas dénués d’un certain charme.

NF : Est-ce que tu peux nous dire ce que tu fais, en tant que Creative Producer ?

Y.F. : C’est une question que tout le monde me pose ! Je n’ai pas une définition très précise, et c’est quelque chose que Focus a mis en place petit à petit. Je bosse pour le département marketing, au sein de l’équipe édito. Celle-ci comprend notamment d’autres Creative Producer, qui sont, eux aussi, d’anciens journalistes jeux vidéo. Ce qui est recherché dans ce poste, c’est l’expertise que l’on a pu développer dans notre ancien métier : être au fait de ce qu’est le jeu. D’une part celui que l’on est en train de faire, en l’essayant durant sa progression, en testant ses nouvelles builds, et aussi avoir cette connaissance du marché en tant que joueur. Qu’est-ce qui est populaire, qu’est-ce qui ne l’est pas, à qui s’adresse ce genre, quels seraient les concurrents, etc. Je fais le lien à la fois avec le studio de développement, mais aussi avec l’équipe de production et QA (ndlr, Quality Assurance), et je suis l’avancée du projet pour en faire un rapport détaillé auprès du marketing. Ça, c’est la partie « producer ».

NF : Et pour la partie « creative » ?

Y.F. : Là, c’est plus de la rédaction : aider à l’écriture des communiqués de presse, établir les creative guidelines (identifier et formuler les piliers de communication, des éléments spécifiques au jeu qu’il faudra mettre en avant dans les trailers, etc.), mais aussi, par exemple, écrire des scripts de vidéos (textes en voix off, les title cards…), tout cela en synergie avec les différentes équipes. Il m’arrive de faire des captures de gameplay, qui peuvent être partagées aux médias (comme IGN, par exemple). Je participe aussi, de près ou de loin, aux processus d’acquisition des nouveaux jeux. Et on attend de nous qu’on donne un avis, des feedbacks sur ceux-ci, que ce soit sur leur partie créative comme technique. Enfin, c’est également mon rôle de présenter le jeu à la presse et aux partenaires externes, comme Microsoft ou Sony, sur les salons, pendant les événements…

Boltgun - Chainsword

NF : Et si on causait un peu de Warhammer 40 000: Boltgun ? Comment Focus en arrive à éditer un rétro-FPS avec une licence Games Workshop, développé par un studio (Auroch Digital) qui n’a jamais fait de jeu rétro, ni de FPS ?

Y.F. : Auroch Digital est un studio britannique très éclectique : il a aussi bien développé un jeu de stratégie se déroulant sur Mars, qu’une simulation de brasserie, et bien d’autres. Mais il a aussi fait une adaptation d’un jeu de plateau Games Workshop, Chainsaw Warrior, en 2013. Ça s’était bien passé et la réception avait été plutôt bonne. Il faut sans doute remonter à ce moment pour établir le lien avec Games Workshop. C’était un désir du studio de faire un fast-FPS dans cet univers, car ses membres ont grandi avec cette culture du Doom-like, et ce sont des amoureux des jeux de plateau Warhammer 40 000. Quand ils ont proposé ce concept à Games Workshop, ça les a tout de suite séduits. De notre côté, Focus est également un partenaire de Games Workshop de longue date, qui a l’habitude d’éditer des jeux de la licence, et de nombreux employés sont aussi des fans.

L’idée qui a séduit Focus et Games Workshop, c’est le regard frais, contrairement à ce que peut laisser penser l’apparence, de la proposition d’Auroch Studio, qui a une approche résolument moderne. Ils ne se reposent pas uniquement sur la nostalgie du gros pixel et des sprites 2D. Ça ne se joue pas du tout comme un DOOM ou un Wolfenstein d’antan, ils s’appuient sur tous les outils de la modernité. C’est pour ça que lors de l’annonce (en juin 2022), avec un trailer, en partie live, dans lequel on découvre la disquette, on a illustré ce fantasme-là : « Et si Warhammer 40K avait eu son shooter dans les années 90 ? ». On met ce fantasme au goût du jour.

Boltgun

NF : L’aspect modernité se ressent dans la vidéo d’IGN, avec des mouvements très dynamiques, dont notamment un dash, et le journaliste suppose qu’il y aura des mécaniques qui font penser à DOOM Eternal, avec des armes plus adaptées à certains ennemis. C’est bien le cas ?

Y.F. : C’est vraiment ça. Il y a un codex, un bestiaire et un arsenal extrêmement établis et très iconiques de Warhammer 40K, et ce n’est pas pour rien que le jeu s’appelle Boltgun. Et ce qui a passionné Auroch Digital, c’est d’appliquer à cet univers la logique du fast-FPS avec ce côté très tactique d’adaptabilité permanente, de choisir quelle arme sera la plus appropriée face à tel type d’ennemi, qu’il soit plutôt blindé ou plutôt léger. Ils essayent de créer cette immense alchimie à la fois de plaisir de jeu, de flow, d’être dans le ressenti permanent, et ce côté réflexion, de ne pas être là uniquement pour taper sur du pixel. Il y a vraiment ce côté un peu « duel », face à des mobs qui ont leur propre comportement. Tout cet univers du jeu de plateau qui est extrêmement codifié, il trouve du sens, une nouvelle vie dans un régime de jeu d’action en temps réel. Là où on veut vraiment se démarquer, c’est à la fois sur le côté ultra satisfaisant de l’action, mais aussi sur le fait de convaincre des gens qui ne sont pas forcément familiers de la licence, que celle-ci est soluble dans une logique grand public. La volonté est d’ouvrir cet univers qui est d’une densité et d’une richesse folle, pour l’appliquer à des gameplays qui sont peut-être adaptés à des profils plus mainstream, et aussi plus jeunes.

NF : Une petite question technique, pourquoi Auroch Digital a choisi l’Unreal Engine, plutôt que Gzdoom comme Selaco, par exemple ?

Y.F. : C’est sûr que c’est un jeu qui pourrait laisser entendre que, finalement, pour reproduire des animations à l’ancienne et des sprites, pourquoi s’embêter à prendre un moteur comme Unreal Engine, qui est capable de simuler des open-worlds photoréalistes ? Oui, mais dans le détail, avec par exemple les effets de lumière, de colorimétrie, c’est un moteur qui, je pense, facilite grandement les choses. Si le studio s’est senti à l’aise avec ce moteur, c’est aussi parce qu’il pouvait donner le maximum par rapport à sa vision d’origine.

Boltgun

NF : Je pense qu’on a fait à peu près le tour, est-ce que tu voudrais rajouter quelque chose ?

YF : D’un point de vue purement personnel, Boltgun est le premier jeu sur lequel j’ai travaillé quand je suis arrivé, donc c’est un peu mon projet de cœur. C’est un développement qui s’est passé de manière admirable et sereine, avec des gens vraiment à l’écoute, qui savent maintenir leur vision jusqu’au bout, tout en respectant celle de Games Workshop. De mon point de vue au quotidien, ça a été génial, parce que comme c’était mon onboarding (ndlr, période d’accueil et d’intégration d’un nouvel employé), Boltgun m’a permis de faire ma place chez Focus de manière beaucoup plus sereine. J’ai très hâte qu’il sorte, parce que c’est un jeu que j’aime énormément, et que j’aurais adoré reviewer si j’avais été journaliste à ce moment-là !

Encore merci à Yann François d’avoir accepté d’échanger avec NoFrag !

Warhammer 40 000: Boltgun est prévu pour le 23 mai prochain. Si le cœur vous en dit, vous pouvez le précommander sur Steam pour un peu moins de 20 €, et même encore deux euros de moins chez notre partenaire Gamesplanet avec le code promo GUNPLAY.

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4 Commentaires


  1. Intéressant, merci.
    Je découvre le jeu avec cet article, et même sans rien connaître de l’univers Warhammer 40k, ça me chauffe bien !

  2. J’attends ce jeu, et ce sera un achat sans question !
    Par contre, suis-je cynique ?
    La personne, bien qu’intéressante, sait effectivement comment parler aux journalistes et aux joueurs… Peut-être un peu trop parfaitement ?
    En tous les cas, merci pour l’article 🙂

  3. merci Estyaah pour cette première : Bel interview et je vais donc précommander le jeu

  4. Cool comme interview. Mais il ne faudra pas oublier de rester objectif et de voir ce que donne le jeu à sa sortie.

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