001b6a previewBien que la série des Hitman ait toujours proposé une approche intéressante des jeux d’infiltration en misant plus sur la liberté que le spectaculaire, il faut reconnaître que le troisième épisode n’était pas franchement inoubliable. Du coup, on masquait plutôt facilement notre enthousiasme envers ce Blood Money malgré quelques nouveautés théoriquement intéressantes.

Et pourtant…

[–SUITE–]

Jamais joué à Hitman ?

Fondamentalement, le principe de ce Hitman 4 est identique aux précédents. L’agent 47 étant un tueur à gage, toutes les missions ont basiquement le même objectif : éliminer une ou plusieurs cibles données. Pour remplir les contrats, il faut donc s’infiltrer, trouver et tuer. Mais ici, on ne parle clairement pas d’infiltrer des couloirs comme dans un Splinter Cell ; les environnements sont totalement ouverts et c’est au joueur de décider comment procéder pour entrer, accomplir son objetif et quitter les lieux. L’autre point important, c’est le fait que les niveaux ne sont pas peuplés de gardes qui recherchent activement 47, mais de civils, policiers ou garde du corps qui ne connaissent pas l’agent. Ce que ça change ? On peut se promener librement tant que l’on ne tente pas d’accéder à des zones privées. C’est là qu’interviennent les déguisements : il est possible de récupérer les fringues de n’importe quel individu (une fois neutralisé) pour leurrer les PNJ. Naturellement, les cibles se trouvent en général dans les quartiers les plus restrictifs et on sera amené à changer plusieurs fois d’identité pour s’y rendre tranquillement.

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La lutte contre la grippe aviaire continue.

47, mais pas comme la kalash

S’il est théoriquement (et malheureusement assez facile en pratique) possible de tuer tout le monde jusqu’à arriver à sa cible, ça n’est ni la solution la plus intéressante à jouer ni celle qui est encouragée. Dans l’idéal, pour considérer une mission comme réussie, il ne faut se débarrasser que de ses cibles, et éventuellement neutraliser un ou deux innocents pour récupérer leurs vêtements, le tout en dissimulant chaque corps et en évitant de faire des témoins oculaires. Il y a quelques complications par dessus (il faut par exemple éviter d’être filmé), mais en gros c’est exactement comme dans les précédents épisodes. La « grosse » nouveauté, c’est le système d’argent qui a été intégré : en fonction de votre efficacité, le contrat sera payé avec un bonus plus ou moins important, qui peut servir à acheter des améliorations pour ses armes ou corrompre les témoins pour faire baisser sa notoriété. Malheureusement, c’est en pratique un peu absurde : pour être efficace, il faut justement éviter de se servir des armes et n’être repéré par personne. Donc plus on a d’argent, moins on a besoin d’argent. Par ailleurs, cette histoire de corruption de témoins est bien mal intégrée, et ne se fait qu’en fin de mission via un menu spécifique. Il aurait probablement été plus intéressant de faire cela directement en jeu, en demandant à un civil de la fermer en échange d’une belle enveloppe. En fait, tout ce système est parfaitement dispensable et n’influence aucunement la manière de jouer. Même en jouant comme un bourrin massacrant tout le monde, on se fait des montagnes de fric largement suffisantes.

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Je vous fais les pattes ?

Les ajouts les plus intéressants sont en fait ceux concernant les nouvelles possibilités de meurtre. Io a par exemple intégré un système permettant au joueur de faire passer ses crimes pour des accidents. Un exemple ? Saboter un système d’éclairage pour faire s’effondrer un projecteur sur votre cible. Assez amusants à mettre en place, ces événements sont malheureusement limités dans la mesure où ils sont tous originellement pensé par les level designers, et où on ne peut pas vraiment inventer de fantaisies en dehors de celles largement suggérées par le jeu. Au cours de certaines missions, il arrive même que l’écran se sépare en deux pour vous montrer comment tuer tel ou tel individu. Autre petit souci : les routines de l’IA sont bien trop brèves et répétitives. Dans un jeu où tous les PNJ sont des gardes, il est assez simple de leur donner des comportements cohérents dans la mesure où ils peuvent parfaitement se contenter de réaliser des patrouilles. Par contre, dès qu’on intègre des civils, c’est bien plus délicat et Io s’en est hélas assez mal tiré. On observe souvent des personnages qui passent tout leur temps à faire des allers et retours entre les chiottes et une chaise ou à avoir ce genre de comportements trop répétitifs pour être crédibles. Ca nuit à l’immersion, mais aussi à la variété du gameplay, et même si le joueur reste libre de choisir la manière d’éliminer ses cibles, il s’agit plus d’une liberté « QCM » que « rédaction ».

Dessine moi un niveau

Dans une maison, que trouve-t-on systématiquement ?

  • Une salle de séjour
  • Des chambres
  • Une cuisine
  • Des toilettes
  • Une salle de bain
  • Du mobilier

Dans une maison, que trouve-t-on rarement ?

  • Des caisses, bidons et containers (quelques cartons dans une cave ou un garage à la limite)
  • Des portes condamnées
  • Des couloirs qui ne mènent nulle part

Et bien ce qui est fantastique dans Hitman, c’est que c’est la même chose. Ca vous fait sourire ? Regardez 99% des FPS qui sortent, et constatez vous-même que les niveaux sont bien souvent incohérents, en présentant un agencement bancal, des pièces meublées n’importe comment et d’autres qui n’ont aucune raison d’exister. Blood Money, c’est l’inverse. Tous les environnements ont une véritable personnalité et fourmillent de détails mais surtout, ils sont crédibles. On a l’agréable sentiment que les décors ont été construits en dehors du contexte pour lequel ils sont utilisés. Il y a quelques mois, le Game Director expliquait comment se situait Hitman 4 par rapport aux autres jeux d’infiltration :

Solid Snake est très linéaire et encadré, mais fait un excellent usage des graphismes et d’un style avant-gardiste. Sam Fisher est lui aussi très linéaire et utilise une approche orientée high-tech. Nous avons créé un jeu avec plusieurs fins, où le but n’est pas de faire des mouvements athlétiques ou d’incarner un ninja bardé de technologie, mais d’être un tueur cool et crédible évoluant dans des environnements cool et crédibles.

Effectivement, on pourrait difficilement mieux résumer ce que l’on ressent en y jouant. Hitman possède une atmosphère intense, mais pour une fois le joueur a l’impression d’y contribuer plutôt que de la subir. L’environnement est un support, 47 une marionnette : ils suggèrent tout au plus des comportements mais ne contraignent jamais. Et malgré ça, on arrive à conserver une orientation très cinématographique due aux situations, animations et palettes de couleurs utilisées. Résultat : même si les possibilités de jeu ne sont pas infinies, que les ficelles sont parfois un peu grosses et qu’il n’est graphiquement pas spécialement bandant, Blood Money prouve que l’on peut faire un jeu immersif sans miser sur la peur ou la surenchère d’explosions.

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Fallait pas perdre à la courte paille !

« Cool et crédible »

Certes, Blood Money manque encore un peu de liberté. Oui, son scénario se met mal en valeur. Et oui, certaines nouvelles features sont maladroitement intégrées. Mais malgré ça, il reste captivant de bout en bout : le gameplay assez original de la série s’est étoffé, le level design est extrêmement bien foutu en dépit d’un certain dirigisme, et surtout, il possède une ambiance étonnamment cinématographique et immersive, sans pour autant qu’on ait l’impression de subir le jeu au lieu d’y participer. Et ça, c’est suffisamment rare pour que l’on s’y intéresse.

L’avis du Dr.Loser

Comme l’a expliqué Ttask, le gros point fort de ce Hitman vient de son ambiance très cinématographique : les décors, la musique, chaque niveau possède une véritable personnalité. On regrettera par contre l’utilisation de grosses ficelles pour vous indiquer comment exécuter vos contrats. Evidemment, il est possible de contourner les solutions imaginées par les développeurs, mais le jeu perd tout de suite de son intérêt. Par exemple, avec un fusil de précision, vous pouvez boucler la mission de l’Opéra de Paris en moins d’une minute : bang, bang, pas de témoin, the end. On a déjà vu plus amusant. Enfin, le système de difficulté est très mal conçu. Pour profiter de la meilleure IA et jouer sans la possibilité de voir en temps réel la position de tous les personnages sur la carte, vous êtes obligé de jouer au niveau le plus dur. Dans ce cas, impossible de sauver et la moindre erreur vous forcera à rejouer la même séquence monotone de cinq minutes pour la vingtième fois de suite. Intérêt : aucun.

Ce qu’en pensent les vrais pros :

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Merci à mapodres, Zeinger et eadgbe pour les screenshots.

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