Sorti de nulle part en 2020, Hardspace: Shipbreaker est le premier projet en vue à la première personne développé par Blackbird (Homeworld: Deserts of Kharak et bientôt Homeworld 3). Avec son concept original et une direction artistique intéressante, le studio canadien avait de quoi concocter un petit jeu d’énigme dans l’espace très amusant. Un an plus tard, on dirait bien que les développeurs ont raté le coche.

Genre : Ferrailleur de l’espace | Développeur : Blackbird Interactive | Éditeur : Focus Entertainment | Plateforme : Steam | Configuration recommandée : Intel i7-8700 ou AMD Ryzen 5 2600, 16GB de RAM et une GTX 980 Ti ou RX Vega 56 Prix : 26,24€ | Langues : VOSTFR | Date de sortie : 24 mai 2022 | Durée de vie :  une grosse vingtaine d’heures pour faire la campagne.

Test réalisé sur une version commerciale.

Guide du ferrailleur intergalactique

Année 2329, l’humanité a industrialisé une grande partie du système solaire. La Terre s’est dégradée au point de devenir un endroit misérable et décrépit. En orbite, un nouveau type de travailleurs a fait son apparition : les ferrailleurs. Nous sommes le 9 novembre 2329, il est 15h09 et votre candidature à ce nouvel emploi a été retenue par Lynx, société colossale et cotée en bourse. Après avoir signé votre contrat et récupéré votre équipement constitué d’une combinaison pour se déplacer dans l’espace, d’un découpeur laser et d’un pistolet-grappin, vous êtes prêt pour la prise de poste. Vous notez bien au passage que les services rendus par la société Lynx (sauvegarde et redéploiement de votre corps en cas d’incident) et la location de l’équipement vous octroient une dette s’élevant déjà à 1 252 594 441,92$. Weaver, votre chef de service et vétéran de l’industrie, vous accompagne vocalement durant vos premiers pas dans le vide. Puis votre carrière de ferrailleur de l’espace peut enfin commencer.

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Recycler, c’est facile

Clavier et souris en main, Hardspace: Shipbreaker consiste à dépecer d’énormes épaves de vaisseaux spatiaux, à récupérer et trier les différents matériaux et à vous en débarrasser dans les poubelles correspondantes. Oui, comme le tri des déchets à la maison. La ferraille inutile dans la fournaise, les matières plus nobles dans le processeur et les objets de valeurs dans la barge. Simplissime, me direz-vous. Pas vraiment, car un accident n’est jamais très loin. Attention, en utilisant votre découpeur laser pour faire fondre cette barre d’aluminium, de ne pas sectionner au passage une conduite de gaz qui entrainerait alors une réaction en chaîne détruisant tout ou partie de votre épave. Même chose lorsque vous devez récupérer, intact, le cœur nucléaire du vaisseau : procédez par étape en vidangeant d’abord les réacteurs, en coupant le système de refroidissement puis en déplaçant délicatement le cœur dans la barge. En veillant à ce qu’il ne vous électrocute pas au passage. Prenez garde également à la pressurisation qui peut varier en fonction des parties de l’épave. Une différence entre deux pièces, un coup de laser au mauvais endroit, un trou d’air, et voilà votre vaisseau secoué dans tous les directions, de dangereux débris volant à toute vitesse dans tous les sens. Combien de casques fendus, de salariés propulsés violemment contre un mur ou de combinaisons retrouvées entièrement calcinées à cause d’une erreur d’inattention ?

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Les ravages du Fordisme

La musique, oui, la musique.

 

D’abord, il y a très peu de morceaux différents et vous risquez d’en avoir vite ras le bol. Mais en plus, cette musique « country chill », digne des playlists YouTube pour étudiants, me fait penser que les développeurs ont sciemment réalisé une expérience « détente », sans prise de tête et donc sans challenge.

Au départ, Hardspace: Shipbreaker a donc tout du puzzle game original avec ses déplacements en zéro gravité et ses outils peu communs. Le design des vaisseaux, tout en rétrofuturisme, rappelant parfois les croquis de Jodorowsky’s Dune, est plutôt sympathique. On prend nos marques, mettant peu à peu en place une certaine méthode pour optimiser nos découpes. En parallèle, on gagne de quoi faire évoluer notre équipement : propulseurs plus puissants, outils plus performants, meilleure capacité de CO₂ ou de carburant, etc. Durant les premières heures de notre nouvelle vie de ferrailleur de l’espace, Lynx nous propose des épaves de plus en plus grosses et un poil plus complexes. De quoi un peu renouveler l’expérience. Mais, en réalité, Hardspace: Shipbreaker s’embourbe rapidement dans la répétitivité. On atteint vite les mécanismes les plus compliqués et il suffit souvent de faire preuve de patience pour éviter toute catastrophe. Les vaisseaux sont, soi-disant, générés de manière procédurale, mais j’ai plutôt eu l’impression de tomber sur 4 ou 5 modèles différents seulement. Et le mobilier intérieur n’est pas suffisamment riche pour apporter assez de variété.

J’ai bien eu une note d’espoir quand l’un des protagonistes m’a parlé d’un mystérieux vaisseau fantôme, envahi par d’étranges boîtiers dotés d’une I.A angoissante. Musique inquiétante, ambiance évoquant le premier film Alien, j’ai cru que le jeu allait me proposer un retournement de situation intéressant. Quelle ne fut pas ma déception en découvrant qu’il ne s’agissait que d’une mission d’esthéticien de l’espace : éliminer au laser les morpions petites boîtes inoffensives accrochées aux parois du vaisseau. Pas de cadavre voguant dans les coursives, pas d’extraterrestre en gestation. Retour au train-train quotidien de mon nouveau métier. Et toujours la même façon de procéder à chacune des étapes, qu’on réalise fatalement dans le même ordre. Finalement, plutôt que la difficulté, c’est la durée nécessaire pour terminer le dépeçage qui va augmenter.

Sauf que, puisqu’il n’y a pas de réelles contraintes de temps, cela ne représente jamais un réel challenge. Oh, il y a bien un compte à rebours à chaque séjour dans l’espace, mais il n’a aucune incidence. Arrivée à zéro, il marque juste la fin de votre journée. Revenez le lendemain, votre épave n’aura pas bougé et vous pourrez continuer votre besogne sans problème. Ne comptez pas non plus sur des évènements aléatoires ou des modificateurs pour pimenter votre parcours. Non, tel l’ouvrier Amazon qui emballe comme un zombi vos articles préférés des bons plans NoFrag, vous allez découper, déplacer et trier à la chaîne.

Narration forcée

Et autant vous dire que si vous souhaitez voir la fin du jeu, il va falloir vous accrocher. Car, cette limite de temps dont je parlais plus haut semble surtout avoir été inventée pour y intercaler le scénario plus qu’autre chose. Le problème c’est que l’histoire est d’une banalité abyssale. Si on peut saluer l’effort d’avoir voulu mettre en avant les conditions de travail difficiles des vrais ferrailleurs ou la difficulté de créer un syndicat dans une grande entreprise, la critique simpliste du capitalisme donne régulièrement envie de s’endormir. Attention, ne vous méprenez pas, NoFrag a massivement soutenu la candidature de Philippe Poutou aux dernières présidentielles et est très sensible aux questions sociales. Mais, le script de Hardspace: Shipbreaker est très (très) très verbeux, mal écrit et s’étire sur des dizaines et des dizaines de dialogues audios soporifiques de plusieurs minutes. Il est impossible de les passer et on vous empêche même parfois de faire autre chose pendant qu’ils sont diffusés. D’autant plus que les premières sensations de routine s’installent au bout de quelques heures à peine et qu’il faut compter plus de vingt heures pour voir poindre le générique de fin.

Dans ma preview publiée en juillet 2020, j’imaginais que le jeu pourrait d’ici sa sortie s’enrichir de nouvelles mécaniques, de niveaux plus complexes, etc. Au lieu de cela, les développeurs ont ajouté quelques nouveaux vaisseaux qui n’apportent pas de variété, un mode « course », des variantes du mode solo (une seule vie ou illimitée, mode libre, etc.) et, bien sûr, des cosmétiques ! Hardspace: Shipbreaker a au moins le mérite de ne pas être truffé de bugs et de tourner très correctement en WQHD sur un i9-9900K, une 2080 Ti et 32GB de RAM.

Une épave

Si Hardspace: Shipbreaker atteint bien un objectif, c’est celui de retransmettre à merveille le labeur du travail à la chaîne. Une boucle de gameplay beaucoup trop courte et un manque de renouvellement criant au cours de l’aventure font qu’on s’ennuie très vite. Avec des modificateurs ou des évènements aléatoires et en réduisant la place que prend la narration, le jeu aurait très bien pu être tout aussi recommandable que le récent Teardown. En l’état, tout ce qu’on peut dire, c’est qu’il tourne bien.

Vous avez du mal à vous y retrouver dans le catalogue Steam ? Alors suivez le groupe de curation NoFrag pour vous aider à trier le bon grain de l’ivraie.

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