Depuis son retour d’entre les morts avec le reboot de 2013, Shadow Warrior n’a cessé de changer les règles de ses propres jeux. D’abord FPS couloir à l’ancienne, il est par la suite devenu un looter-shooter coopératif dans le deuxième opus. Avec Shadow Warrior 3, la licence s’inspire désormais clairement de Doom Eternal avec un FPS en arène ultra-violent. Une expérience pas désagréable, mais loin d’être au niveau de sa source d’inspiration.

Genre : FPS solo | Développeur : Flying Wild Hog | Éditeur : Devolver Digital | Plateformes : Steam, GoG, PS4, Xbox One | Prix : 45€ | Configuration minimale : Intel Core i7-6950 ou AMD Ryzen 7 2700, 8GB RAM, NVIDIA GTX 1080 ou Radeon RX 5700 | Langues : audio en anglais et texte en français | Date de sortie : 1er mars 2022 | Durée : environ 5h 

Test effectué sur une version éditeur.

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Des paysages bucoliques qui tranchent un peu avec les blagues sur les zizis…

Dragon, démons, flingues et caca

Un gigantesque dragon ancestral, libéré lors de l’aventure précédente, ravage la planète tout en donnant naissance à une armée de Yokaïs, des démons d’inspiration japonaise. Le dernier espoir de l’humanité est Lo Wang, un ex-ninja aussi talentueux qu’immature et, il faut bien l’avouer, idiot. Associé à un ancien ennemi, notre héros devra accomplir divers rituels magiques incompréhensibles afin de se débarrasser du méchant dragon et des milliers de démons infestant désormais le monde. On ne va pas se le cacher, le scénario de Shadow Warrior 3, volontairement parodique et nanardesque, n’est pas intéressant pour un sou. En réalité, il ne sert que de prétexte pour le déluge de blagues potaches qui parsèment l’aventure de bout en bout, de façon similaire à ce qu’on pourrait trouver dans un Borderlands. Et ce n’est pas vraiment une qualité : si certaines références font mouches et peuvent déclencher un léger sourire amusé, il s’agit la plupart du temps de blagues sur le caca, sur les zizis, et tout autre sujet qui font rires les enfants – ou les piliers de bar après 23 heures. S’il est vrai que la saga n’est pas réputée pour son écriture, Shadow Warrior 3 pousse les potards plus loin en nous bassinant de lignes de dialogues tout droit tirées d’un spectacle de Bigard pendant toute l’aventure. Bon, il en faut pour tous les goûts après tout… En plus, les gens du studio Flying Wild Hog semblent très fiers de leur scénario et infligent au joueur de nombreuses cinématiques intrusives, moches et qui tournent à 20 FPS.

Toutefois, l’histoire loufoque permet aux développeurs de se lâcher sur l’univers. Celui-ci est particulièrement original, dépeignant un monde mélangeant futurisme, environnements naturels asiatiques, mécanismes antiques et magie étrange. Des colonnes de pierre ornées de pagodes emplissent l’horizon, tandis que d’anciennes machineries exotiques côtoient des canons lasers géants. Évidemment, il n’y a pas la moindre cohérence et les lois de la physique sont souvent maltraitées, mais peu importe : l’ensemble est à la fois très original et magnifique pour un projet de cette envergure, notamment grâce à une direction artistique de haute volée. D’ailleurs, cela ne s’arrête pas aux environnements ou aux divers panoramas que l’on a l’occasion d’admirer, car cette folie douce se retrouve également dans l’arsenal (fusil à pompe, mitrailleuses, mais aussi lance-scies et railgun ancestral…) et les ennemis, à l’apparence variée et librement inspirés par les légendes japonaises. On y retrouve pêle-mêle des samouraïs à quatre bras, des taupes-foreuses, des marionnettes de glace ou de gros Oni armés de marteaux. Certains seront refroidis à l’idée d’affronter des accordéons géants tirant des feux d’artifice, mais on ne peut pas nier que cela change fondamentalement des habituels démons/zombies/forces de l’axe du mal. En somme, l’aspect artistique du jeu est extrêmement travaillé, arrivant à proposer des visuels originaux et chatoyants, pétaradant de couleurs et d’effets spéciaux dans tous les sens. Peut-être même un peu trop pour son propre bien…

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Des visuels épurés.

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Shadow Warrior Eternal

N’y allons pas par quatre chemins, Shadow Warrior 3 n’est ni plus ni moins qu’une réponse semi-indépendante à Doom Eternal. On y retrouve, en effet, les mêmes mécaniques de gameplay fondamentales. Les niveaux s’articulent en une suite d’arènes remplies d’ennemis, entrecoupées de nombreuses phases de plateformes. L’aventure est complétement linéaire et, à l’exception de quelques chemins de traverses permettant de débloquer des points de compétences, il ne faudra pas compter sur l’exploration : les combats sont le cœur du jeu. Toujours à la manière d’un Doom Eternal, votre personnage a peu de points de vie et de munitions, et devra jongler entre différents types d’attaques afin d’accéder à de précieuses ressources. Tuer un ennemi au katana fera apparaître quelques cartouches, tandis qu’abattre un ennemi au fusil vous offrira un peu de santé. De même, survivre vous demandera de maîtriser vos capacités de mouvements : vous possédez un double saut, un dash ainsi qu’un grappin vous permettant de virevolter à travers les arènes ou de vous accrocher à vos ennemis.

Cependant, Shadow Warrior 3 essaye tout de même d’apporter sa pierre à l’édifice avec ses propres mécaniques de jeu. D’une part, il intègre un système d’Ultime, des animations très gores permettant de se débarrasser d’un ennemi une fois une jauge remplie. En plus de remplir votre barre de vie, cette compétence vous donne une arme spéciale temporaire selon l’adversaire vaincu. Cela peut être une masse géante pour les Oni, une mitrailleuse lourde pour les Obariyon ou un boost de PV pour les zombies de base. Dans tous les cas, utilisé intelligemment, l’Ultime peut vous permettre de prendre l’avantage sur vos adversaires. L’autre apport du jeu en terme de gameplay vient des pièges environnementaux. Vous trouverez dans chaque arène de nombreux pots explosifs dégageant des effets élémentaires – feu, glace, électricité – ainsi que des mécanismes déclenchant des pièges mortels. Fosses à piques, foreuses mobiles, scies circulaires… Là encore, maîtriser cet aspect vous permet de vous sortir de situations compliquées et potentiellement fatales. Par ailleurs, le système de leveling (basé sur des orbes cachées çà et là dans les niveaux) débloque des améliorations pour vos armes et votre personnage, allant de l’augmentation de points de vie, à l’ajout d’effets élémentaires sur vos armes, en passant par l’augmentation des dégâts des pièges.

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J’ai toujours voulu voir l’intérieur d’une taupe géante. C’est maintenant chose faite !

Bref, sur le papier, Shadow Warrior 3 a tout pour être le petit frère idiot de Doom Eternal, reprenant une recette qui marche pour y apporter son propre grain de sel. Le problème, lorsque l’on s’inspire d’un titre aussi réussi, c’est que la comparaison peut être sévère. Le jeu d’id Software proposait des combats minutieusement calculés, avec des mécaniques, armes et ennemis répondant chacun à un rôle précis, mélangeant affrontements furieux et contrôle de foule avec un gameplay presque tactique. Shadow Warrior 3 ne lui arrive malheureusement pas à la cheville en terme de subtilité. Les échauffourées tournent en réalité le plus souvent au simple déchaînement de violence, au pugilat gore bête et méchant dans lequel on enchaine tirs de mitrailleuse et coups d’épée dans la masse de monstres sans trop y penser. La faute à des ennemis peut-être trop similaires dans leurs mécaniques, pas assez dangereux, ainsi qu’aux visuels surchargés. C’est simple, face au déluge d’effets pyrotechniques, de particules, de projectiles, de giclées de sang et d’éléments qui jaillissent à chaque instant, on ne sait bien souvent plus où sont les ennemis, et on se contente alors de taper dans le tas en espérant récupérer assez de vie pour continuer jusqu’à la fin. En soi, ce n’est pas désagréable et c’est même plutôt réussi : le jeu est extrêmement nerveux, la violence flatte notre cerveau reptilien, et cela demande tout de même un minimum de doigté. Mais on n’y retrouve pas l’étincelle qui fait de Doom Eternal un chef d’œuvre.

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Shallow Warrior 3

Si Shadow Warrior 3 n’est pas un bijou intemporel, il reste un bon divertissement brutal. Toutefois, son principal problème réside dans son contenu, des plus rachitiques : sa campagne ne dure qu’à peine 5 heures et le jeu ne contient rien d’autre. Les niveaux, linéaires, n’offrent aucune rejouabilité, il n’y a pas la possibilité de refaire ses passages préférés ou les combats de boss, compléter l’aventure ne donne pas accès à un New Game + permettant de s’amuser avec les pouvoirs débloqués. Malgré toutes ses qualités, il laisse l’impression d’avoir joué à un jeu jetable, vite fait, vite oublié. Le titre aurait grandement bénéficié de l’ajout d’un mode coopératif, comme c’était le cas sur Shadow Warrior 2, ou même d’un simple mode horde avec un système de classement… C’est dommage, car avec un prix fixé à 45€, on pourrait s’attendre à un peu plus de matière.

La bande-originale du jeu déçoit franchement. Les pistes mêlant hip-hop, électro et inspiration asiatique s’énervent parfois un peu, mais semblent souvent en décalage avec la violence des images et du gameplay. Même le thème principal est infiniment moins cool que cet excellent morceau tiré de Shadow Warrior 2.

Shadow Warrior 3 n’est pas non plus exempt de problèmes techniques. Même s’il est visuellement très réussi, on regrette que les performances soient à la ramasse. Sur ma configuration (i7 12700K, RTX 3070 et 32 Go de RAM) en 1440p et toutes options en « élevé », le framerate oscillait entre 120 et 50 FPS lors des combats – de telles chutes se ressentent fortement et viennent ternir l’expérience. D’autant plus que, si le jeu est joli, il n’affiche rien de techniquement incroyable. Par ailleurs, j’ai également eu le droit à de nombreux bugs lors de mon aventure : des plus anodins (ennemis à moitié dans le sol, katana bloqué en charge) aux plus pénibles (scripts qui ne se déclenchent pas, morts sans raison). Rien de vraiment dramatique, mais cela fait tâche dans un jeu aussi court et pas forcément très ambitieux.

En attendant la fin de l’embargo sur les vidéos, voici une vidéo de gameplay officielle :

Un honnête mais trop court divertissement

Shadow Warrior 3 est, à bien des égards, un ersatz de Doom Eternal. Reprenant des mécaniques fonctionnelles et y ajoutant sa propre recette, il propose un gameplay agréable et efficace, sans toutefois atteindre le génie de son inspiration. Il manque cependant cruellement de contenu et ne laissera pas une marque indélébile dans les mémoires. Un divertissement tout de même honnête qui saura satisfaire le joueur de FPS en manque de fantaisie, de combats violents et de gore.

Vous avez du mal à vous y retrouver dans le catalogue Steam ? Alors suivez le groupe de curation NoFrag pour vous aider à trier le bon grain de l’ivraie.

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8 Commentaires


  1. J’attendais ce jeu avec une grande impatience, en me repassant les petites vidéos de gameplay en boucle. Malheureusement, Nofrag est loin d’être les seuls à pointer du doigt la très courte durée de vie du jeu, j’ai donc annulé ma précommande et je le prendrai en promo plus tard. Je ne veux pas payer 50€ un jeu qui se finit entre 5 et 7h…

  2. Il aurait dut être vendu 35e et la pilule serait surement mieux passer, là les joueurs ne vont pas être content … C’est dommage moi j’adorai la DA bien folle et le gore bien poussif mais le côté doom 2016 où tu es obligé de tuer tel ennemi avec telle arme pour récupérer vie ou munitions je trouve ca gonflant au possible.

  3. Séreux, on dirait un MOD pour ETERNAL, néanmoins, c’est bien bourrin pour ceux qui aiment les arènes des derniers DOOM!

  4. 5H de durée de vie ? C’est vachement court.
    Pour Shadow Warrior 2, il y’avait eu plusieurs DLC gratuits, j’imagine que ça va être pareil pour le 3, mais pour 5h, le jeu aurait du être moins cher.

  5. Sa finira peut être dans le Xbox Game Pass d’ici pas trop longtemps …

  6. Ruta a bien résumé, ça se termine assez vite en effet. C’est pas exceptionnel, même si j’avais bien aimé les précédents.

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