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[TEST] Far Cry 6 remonte doucement la pente

Depuis le succès phénoménal de Far Cry 3 en 2012, Ubisoft a tenté de réitérer l’exploit avec un nouvel opus tous les trois ou quatre ans. De quoi accoucher d’une saga devenue une parodie d’elle-même, source de meme et qui se détériore au fur et à mesure des épisodes. En 2018, Far Cry 5 atteignait des sommets de mauvais goût. Annoncé l’année dernière, Far Cry 6 vient tout juste de sortir et vous vous demandez sûrement si la spirale infernale est enfin terminée. Eh bien, c’est compliqué

Genre : FPS solo en monde ouvert | Développeur : Ubisoft | Éditeur : Ubisoft | Plateforme :  Uplay | Configuration recommandée : En 1440p, Processeur AMD Ryzen 5 3600X / Intel i9 9700K, 16GB RAM, NVIDIA GeForce RTX 2070 Super / AMD Radeon RX 5700XT Prix : 60€ | Langues : VF ou VOSTFR | Date de sortie :  6 octobre 2021 | Durée de vie :  25h pour la campagne principale

Buena Vista Far Cry Club

Lors d’une nuit chaude et humide, sur les toits de La Havane Esperanza, vous et vos deux meilleurs amis préparez votre voyage clandestin vers les États-Unis pour quitter une bonne fois pour toutes Cuba Yara et son régime communiste fasciste à tendance dictatoriale. Évidemment, tout ne se passe pas comme prévu, votre bateau est intercepté, et selon les dernières volontés de votre amie, vous entrez en contact avec un clan de guérilleros. Vous voici donc embarqué dans les coulisses d’une révolution visant à libérer l’île du joug du dictateur Anton Castillo. Pour cela, il faudra d’abord réunir les différents groupuscules de rebelles de l’archipel et affaiblir un gouvernement corrompu. De région en région, éliminez les complices d’Anton Castillo et aidez à s’émanciper les habitants de l’île. Voilà l’idée que se fait Ubisoft d’un jeu décrit comme « politique » : la dictature, c’est mal ! Et très très méchant !

Ils ont le pétrole, mais c’est tout !

Bref, passons car Far Cry 6 marque aussi une sorte de retour aux sources en revenant dans un cadre tropical pour ce sixième opus. Plages paradisiaques, jungles luxuriantes et routes de montagne, seront donc au programme de votre excursion dans l’île fictive de Yara. Force est d’admettre que les équipes d’Ubisoft possèdent un talent indéniable pour réaliser des décors et des panoramas saisissants. Entre les textures fines et un certain sens de la composition, les environnements baignés par la lumière du crépuscule offrent régulièrement des tableaux magnifiques. S’il y a encore du boulot avant de se repérer aussi facilement dans ce monde-ouvert que dans Zelda: BOTW ou Red Dead Redemption II, on prend tout de même du plaisir à découvrir certains lieux. Sur ce point, on note d’ailleurs bien plus de variété que dans le très générique Far Cry 5 et un soin tout particulier apporté à l’architecture. En parallèle, souvent surprenantes et riches en détails, les zones urbaines de Far Cry 6 semblent plus ouvertes qu’auparavant, renouant avec ce qui a fait le succès du premier épisode de la saga. Que ce soit sur la plate-forme pétrolière en pleine mer, dans le complexe scientifique ou dans le zoo réaménagé en goulag, le sentiment de liberté est bien présent. Remplaçant les sempiternels « camps à libérer » des anciens Far Cry, ils sont bien moins redondants puisque vraiment uniques et s’intègrent très bien dans l’univers du jeu, son histoire, etc.

Il faut avouer que Far Cry 6 a parfois vraiment de la gueule !

D’autant plus que cette fois, le studio vous laisse tranquillement profiter de son monde-ouvert. En effet, il faut se souvenir que Far Cry 5 racontait son scénario de manière grossière. Tel un Jean-Marie Bigard de la narration, peu importe où vous vous trouviez — même seul sur une barque au beau milieu d’un lac, une troupe de mercenaires invincibles et sortis de nulle part, fonçait sur vous pour vous téléporter au milieu d’une base ennemie et vous contraindre à assister à une cinématique soporifique. Fort heureusement, ces séquestrations scénaristiques inopinées sont terminées. On suit désormais l’histoire de manière plus traditionnelle avec des cinématiques en fin de missions principales. Un scénario d’ailleurs lui aussi en net progression comparé aux jeux précédents. Si l’on n’échappe pas vraiment au méchant, très très méchant qui cabotine pas mal — incarné par Giancarlo Esposito, Gustavo « Gus » Fring dans la série Breaking Bad, les personnages sont de manière générale mieux écrits, plus subtils et mesurés.

Autre problème appartenant désormais au passé, se faire enquiquiner toutes les dix secondes par une patrouille ennemie ou un ours qui s’est levé du mauvais pied. Grâce à une nouvelle mécanique de holster, vous pouvez maintenant cacher votre arme et ainsi vous balader paisiblement. En revanche, et contrairement à ce que laissaient penser certaines vidéos, cela ne permet pas de s’infiltrer subtilement en territoire ennemi. Quant aux animaux, ils vous laisseront tranquille la majeure partie du temps.

Toujours au rayon des bonnes nouvelles, il n’y a pas de tour à grimper pour dévoiler la carte, pas d’xp, de compétences à améliorer, etc.

Dis que t’as tort

Malgré toutes ces améliorations, le principe et les bases de cette épisode restent malheureusement les mêmes : un bac sable peu permissif, sans vrai gameplay émergeant où, fraîchement arrivé en territoire hostile, vous allez petit à petit reprendre le contrôle de la région. Une expérience très grand public, qui ne serait pas si désagréable si elle n’était pas gangrené par de nombreux défauts. Le premier gros problème, ce sont les phases d’action. Elles sont d’une facilité déconcertante, écartant tout possible sentiment grisant de satisfaction, de bonheur que l’on peut ressentir après en avoir bavé dans une séquence tendue. En infiltration, les tirs à la tête s’enchaînent sans aucun challenge. À tel point que j’ai dû vérifier par deux fois si un auto-aim n’était pas activé par défaut ! Pourtant, lors du tutoriel, le jeu met en avant le fait que différentes munitions sont à notre disposition, suggérant une gestion avancée pendant les scènes de tirs. Dans les faits, j’ai joué 80% du temps avec le même fusil silencieux équipé de sa lunette x 4 ; les 20% étant partagés entre le fusil à pompe quand j’avais la flemme de recharger ou le lance-grenades pour conclure rapidement un niveau. Dommage, car les développeurs ont apparemment perdu du temps à créer une centaine d’armes distinctes, et autant de vêtements à débloquer en récoltant des ressources, ou à dénicher en explorant la carte. On a le sentiment pénible, que l’on retrouve déjà dans plusieurs titres de l’éditeur, que le jeu cherche à nous inciter à explorer les niveaux en nous récompensant avec des objets inutiles. On est tellement noyés par la profusion de propositions, qu’on abandonne rapidement en conservant deux ou trois armes simples et efficaces. Je ne vous ai même pas parlé du sac à dos lance-roquettes de notre héros. Déclinable en version anneau de feu, boost de santé, etc. il est surtout là pour afficher une magnifique vue à la troisième personne dont on se serait bien passé. Un moyen de justifier tous les cosmétiques à la con dont est truffé le jeu. Ah, et j’ai oublié les animaux de compagnie aussi. Je veux dire que je les ai littéralement oublié en jeu, tellement ils sont inutiles face aux ennemis écervelés !

ON A DIT : LES OBJETS MÉTALLIQUES DANS LA CORBEILLE AVANT DE PASSER LE PORTIQUE MONSIEUR !

Même en évitant de jouer en toute discrétion, les fusillades ne sont de toute façon toujours pas intéressantes. L’I.A continue de foncer bêtement vers vous, en alignant sa tête avec votre réticule. Peut-être est-ce une mécanique prévue par les développeurs pour insinuer que les miliciens du dictateur préfèrent se suicider ? À quoi bon fournir des casques à ses soldats, si un simple tir à la tête suffit à les abattre ? Attention, on ne demande pas à Far Cry d’être réaliste là-dessus — ça n’a jamais été le cas, mais il y a franchement un gros problème d’équilibrage dans cet épisode. C’est d’autant plus dommage que certains lieux appellent à des combats dantesques. Tandis qu’on s’approche en bateau d’une plate-forme pétrolière offshore, on s’imagine facilement s’occuper au moins une demi-heure dessus face à plusieurs dizaines d’ennemis. Sauf qu’avec seulement 10 abrutis prétendument ici pour repousser les éventuelles attaques de rebelles, en 8 minutes, l’affaire est pliée sans déclencher d’alarme. Youpi ! Et impossible de régler la difficulté, vous n’avez le choix qu’entre « mode action » et « mode histoire » … Il n’y a pas que les ennemis qui semblent atteints d’absence de cerveau et cela concerne aussi les habitants de l’île qui manquent cruellement d’âme. On dirait qu’ils sortent d’une cure de Xanax et s’agenouillent face à un coyote qui leur bouffe les genoux ! C’est d’ailleurs peut-être pour ça que l’île fictive de Yara paraît si vide ?

Ubisoft, conscient du problème, a pensé à mettre des bâtons dans les roues des joueurs pour augmenter la difficulté. Par exemple, avec cette gestion des déplacements aux fraises. C’est simple, on ne sait jamais à l’avance si le jeu a prévu qu’on puisse s’agripper à cette corniche, grimper sur ce toit ou enjamber cette barrière. Il y a parfois des marqueurs pour signaler clairement qu’on peut monter ici ou là, mais ce n’est pas exhaustif. Alors, quand en plein combat, nous vient l’idée d’improviser en essayant d’escalader une caisse en bois et que pendant nos multiples tentatives infructueuses, l’I.A nous canarde, ça a de quoi briser l’immersion. Plus sérieusement et comme bien souvent, il incombera aussi aux joueurs de se pimenter eux-mêmes leur expérience. En virant, par exemple, plusieurs éléments du HUD, à commencer par le radar. Un radar pourtant bien utile pour se repérer, tant les objectifs exacts de votre mission sont parfois peu précis. Sauf que c’est soit le virer, ou bien faire avec les taches rouges, indiquant les ennemis dessus. Après avoir fouillé plusieurs minutes dans les menus bien fournis en options, impossible de retirer ces indications. J’ai donc passé le reste de l’aventure à activer/désactiver ce foutu radar en fonction de mes besoins.

Esperanza

Il y a tout de même une touche d’espoir avec les « Opérations ». Plus abouties que dans Far Cry: New Dawn, il s’agit de missions non liées à l’histoire principale et se déroulant dans des niveaux bien distincts et relativement grands. Il faut à chaque fois y récupérer une bombe enfermée dans un conteneur la maintenant dans le froid et protégée par un ennemi plus coriace que les autres — quatre balles au lieu d’une pour l’éliminer. Pour réussir la mission, il faudra ensuite s’extraire du niveau en faisant plusieurs haltes au robinet ou à la fontaine pour maintenir la bombe à une faible température, tout en se débarrassant, sur le chemin, des adversaires du jeu de base. L’occasion de visiter des environnements plus fantaisistes, comme un parc dédié au jurassique garanti sans vrai dinosaure ! Le point positif, c’est qu’une fois la mission terminée, le joueur débloque le niveau de difficulté supérieure : la bombe est plus sensible à la chaleur, les ennemis sont plus robustes, etc. Entièrement jouables en coopération — comme toute la campagne solo au passage, ces Opérations redonnent pas mal d’intérêt au jeu et montrent de quoi le studio est vraiment capable. Au nombre de deux pour le moment, quatre seront bientôt ajoutées gratuitement.

Pour terminer, hormis des soucis de textures qui apparaissent au dernier moment, je n’ai rencontré absolument aucun bug et le jeu tourne parfaitement bien à 80 FPS ou plus sur un i9-9900k, 32 Go de RAM et une 2080 Ti en 2560x1440p.

La révolution demi-molle :

Far Cry 6 rattrape clairement le coup par rapport à sa longue chute vers la médiocrité, entamée après Far Cry 3 et notamment un cinquième épisode particulièrement raté. Cependant, il part de tellement loin qu’il lui reste encore pas mal de choses à corriger pour le conseiller aux joueurs en quête d’un bon FPS. Saluons tout de même l’effort d’Ubisoft d’avoir voulu proposer quelque chose de moins bordélique et de plus cohérent que d’habitude. Si ce Far Cry 6 ne révolutionne en rien le genre et reste sur des fondations très classiques, il est plutôt rassurant pour l’avenir de la saga de voir Ubisoft s’engager sur cette voie. Qui sait, avec un patch pour régler le problème de difficulté et quelques autres aspects, il pourrait même devenir tout à fait recommandable !

Vous avez du mal à vous y retrouver dans le catalogue Steam ? Alors suivez le groupe de curation NoFrag pour vous aider à trier le bon grain de l’ivraie.

Fcp: La légende dit qu’il était là avant même la création de Nofrag. Personne ne le connait vraiment. C’est un peu notre maman.
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