Nous vous parlions il y a quelques temps d’une émission de France Inter, dont le thème « Le jeu vidéo est-il dangereux », ne nous avait pas laissés indifférents. D’ailleurs, si vous avez raté ce grand moment, vous pouvez encore trouver une version mp3 de l’émission (21 Mo, 45 minutes).

Amusés, intrigués, consternés, agacés, ou étonnés (rayez les mentions inutiles) par le traitement qui était fait de ce thème sur France Inter, nous avons contacté le journaliste à l’origine de ce sujet. Il a eu la gentillesse de répondre à nos questions, même s’il esquive les réponses la plupart du temps.
[–SUITE–] M. Baudy a tenu à nous préciser qu’il est lui-même joueur, que l’interview passée sur France Inter a été réalisée sans à priori, et enfin que les témoignages réalisés proviennent d’une salle de jeu et des qualifications des WCG.

Il n’est pas question dans cette interview de remettre en cause le sujet traité, ni sa réalité, mais plutôt de discuter de la façon dont celui-ci est traité, et la (mauvaise) perception du problème qu’il peut donner chez un public non initié.

1) Quel public cherchez vous à atteindre lors de cette émission ? Uniquement des parents ? Les joueurs également ? Savez-vous quel type d’audience vous avez, et quelle est elle ?

Aucun public en particulier. Nous n’avons pas de problème de « cible » étant une radio généraliste grand public.

2) Lorsque vous montez l’émission, en choisissant l’ordre dans lequel les thèmes sont abordés, les extraits d’interview, et les fonds sonores, cherchez-vous à créer un effet, à provoquer une réaction, auprès de vos auditeurs ?

Si recherche d’effet il y a , il tient simplement dans la volonté de capter et de retenir l’attention de nos auditeurs. La construction d’un magazine répond à différents ritères:pertinence du propos par rapport au sujet, force du témoignage, possibilité d’alterner les interviews de façon à ce qu’elles « se répondent »…

3) Pourquoi parsemer l’émission de bruitages extraits de HL et CS, avec moult bruits d’armes à feu ?

D’abord et tout simplement parce que ces jeux sont parmi les plus joués en réseau, que de nombre de mes interlocuteurs y ont fait référence, qu’enfin les bruits d’armes à feu sont « radiophoniquement » immédiatement identifiables.

4) Le sujet de l’émission est « les jeux vidéos sont-ils dangereux ». Pourquoi, dans ce cas, réserver l’essentiel de l’émission aux joueurs en salle, c’est-à-dire à cette portion très restreinte des joueurs que sont les joueurs sur PC en réseau ? (ce n’est qu’à partir de la 35ème minute (sur 45) qu’on commence à faire la distinction jeux PC/jeux console, alors que la première demi-heure baigne dans un joyeux amalgame)

Première remarque : le sujet du magazine n’était pas « les jeux vidéo sont dangereux » mais le jeu vidéo peut conduire dans certains cas à des comportements addictifs. Ensuite parce que de tous les témoignages que j’ai pu recueillir, il m’a semblé que les joueurs en réseau pouvaient passer beaucoup plus de temps à jouer.

5) Toujours sur le traitement apparemment « réduit » du sujet : pourquoi ne pas parler des joueurs sur console, depuis la Gameboy jusqu’à la X-Box, alors qu’ils représentent la grande majorité des joueurs, et qu’il s’y pose des problèmes de sociabilité comparables ? Pourquoi avoir focalisé ainsi sur des extrémistes de ce loisir ?

Parce que encore une fois c’était le thème retenu. Je n’avais pas pour objectif, tout à fait vain à mon sens, de décrire l’univers du jeu dans son ensemble mais d’apporter un éclairage sur une certaine pratique du jeu, excessive certes mais tout de même bien réelle.

6) Pourquoi ne pas illustrer l’émission de fonds sonores « Pokemon », « Mario Bros », et « Final Fantasy », au lieu de bruits d’armes à feu ?

Désolé mais je n’ai pas trouvé de joueur « accro’ à ce type de jeu!!!

7) 4 extraits d’interviews de joueurs (de 11 à 26 ans) sont proposées : 2 pour CS, 1 pour Everquest, et 1 pour Age of Empires (note : à nouveau des jeux PC uniquement, en réseau, même pour AoE). Selon vous, en quoi leur « expérience » et leur « vécu », donnés seuls et sans « contre-poids », peut apporter un éclairage sur les abus possibles de ce loisir ?

Excusez moi d’aborder une donnée simple mais fondamentale du journalisme : ce métier consiste à enquêter, à rapporter des témoignages, à essayer de les mettre en perspective grâce à des points de vue de spécialistes et pas à faire un travail de sociologue. En outre, je me permets de vous répéter que tous les jeux que vous citez sont ceux qui revenaient le plus souvent. Je ne pense pas avoir rêvé ce que j’ai vu en particulier lors des WCB.

8) L’autre aspect du traitement « particulier » du thème jeu vidéo concerne le mélange des genres. Non seulement l’émission consacre l’essentiel de son temps à parler de certains jeux PC en réseau, mais ceux-ci ne sont absolument pas distingués : Starcraft, HL/CS, et Everquest reviennent régulièrement dans l’émission, pour illustrer des conséquences néfastes distinctes, mais il faut être un initié pour comprendre de quel jeu on est en train de parler à un instant donné. Or, il est difficile de faire l’amalgame entre un joueur de FPS, un joueur de stratégie temps réel, et un joueur de MMORPG (cet amalgame étant évité… en fin d’émission). Ces jeux ne fournissent pas les mêmes niveaux d’immersion, et ne nécessitent pas les mêmes investissements (finances, temps, intellect). Ces « flous » sont-ils ou non volontaires ?

De même que ce magazine n’est pas une étude sociologique, il n’a pas pour vocation de s’adresser à des hyper spécialistes d’un domaine particulier. Vous faites ça beaucoup mieux que nous…

9) Je cite : « Après les attentats du 11 septembre, l’industrie du jeu vidéo s’est un peu sentie coupable. ». Ah bon. Coupable de quoi ? Quels éléments permettent de faire une telle affirmation, sans donner d’illustration ?

10) Que vient faire dans le sujet « les jeux vidéos sont-ils dangereux » cette allusion au 11 septembre ? Qu’apporte le fait de préciser que des effigies de Ben Landen sont apparues dans CS ? En quoi ce drame, et les conséquences qu’il aurait eu sur l’industrie du jeu vidéo, peut donner des éléments de réponse au sujet de l’émission ?

11) Ne risque-t-on pas ici de mettre un pied dans le thème « dangerosité présumée des jeux violents », sujet ultra racoleur s’il en est ? (et au sujet duquel un docteur nous rassure dans l’émission… mais à la fin de celle-ci).

12) La fin de l’émission (à partir de la 38ème minute, en espérant que les non initiés aient tenus jusque là) devient plus « raisonnable » : vous reconnaissez que vous avez choisis des exemples extrêmes (quel intérêt pour illustrer le sujet dans ce cas, si ce sont les seuls ?), et faites mention d’un rapport indiquant que seuls 5% des joueurs connaissent une vraie addiction. Une nouvelle allusion au 11 septembre finit de semer le trouble. D’après vous, quelle perception aura eu un père de famille de cette émission ? Que va-t-il en retenir ? Qu’auriez-vous voulu qu’il en retienne ? Et les joueurs eux-mêmes ?

Pardon de ne plus répondre question pas question mais j’ai l’impression assez nette que derrière vos interrogations il y a surtout le sentiment chez vous d’avoir été agressé non pas personnellement mais comme représentant d’une communauté:celle des joueurs.Encore une fois, si j’ai retenu des exemples que vous qualifiez d’extrêmes c’est qu’ils étaient en adéquation avec la problématique, l’angle de mon sujet. Par ailleurs, ce n’est pas parce qu phénomène est minoritaire qu’on ne doit pas en parler. L’actualité fourmille d’exemples.Enfin, je ne conçois pas mon métier comme celui d’un directeur de conscience. Nous rapportons des fait. A chacun ensuite de se forger une opinion.

Merci d’avoir abordé ce thème sur votre antenne.
Et merci par avance pour votre disponibilité.

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