Nous sommes en l’an 2022. Le studio Gearbox vient de sortir Tiny Tina’s Wonderlands, un spin-off de sa série à succès Borderlands. Parodiant les univers d’Heroic Fantasy et les jeux de rôles dans leur ensemble, ce nouveau titre semblait promis à une belle destinée, emplie d’aventures loufoques et de magie. Malheureusement, les forces du mal se sont penchées sur son berceau et l’ont maudit, le transformant en un être putride et difforme. Vous êtes un rédacteur pour un site spécialisé dans les FPS, pourfendeur de mauvais jeux et adversaire de la complaisance vidéoludique. Assis sur votre fidèle fauteuil, équipé de votre clavier légendaire, vous êtes prêt à écrire le test : que faites-vous ?

Genre : Looter-Shooter en Coop | Développeur : Gearbox Software | Éditeur : 2K | Plateformes : EGS, Consoles | Prix : 60€ | Configuration recommandée : Intel i7-4770/AMD Ryzen 5 2600, 16 Go de RAM, NVIDIA GTX 1060 6 GB/AMD Radeon RX 590 8 GB | Langues : audio et texte en français | Date de sortie : 25 mars 2022 | Durée : environ 15h pour la quête principale, plus du double pour le contenu secondaire

Test réalisé sur une version commerciale.

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Nounoursss et Rutabaga, vaillants héros ayant gâché leur weekend pour produire ce test de Tiny Tina’s Wonderlands

Jurons & Dragons

Rutabaga : OK, je commence le test en détaillant le scénario et la narration. J’explique que Tiny Tina’s Wonderlands simule une partie de jeu de rôles entre le joueur et plusieurs protagonistes de Borderlands, qui servent de narrateurs. La maitresse de jeu est Tiny Tina, déjà rencontrée dans Borderlands 2, et son épopée conte l’histoire d’un royaume magique confronté au retour d’un seigneur obscur et…

Nounoursss, le maître du jeu : Stop ! Alors que tu commences à poser ces mots sur ton document de travail, de terribles souvenirs te reviennent en mémoire. Des échos fantomatiques résonnent à tes oreilles tandis que les terrifiants et omniprésents dialogues refont surface. En plus d’être perpétuellement ironiques, détruisant tout enjeu dans l’histoire, ceux-ci sont affreusement mal écrits. Ils font preuve d’un humour lourdingue, dont la seule malice est souvent d’utiliser des mots en verlan ou des grossièretés anachroniques (on n’a jamais autant entendu le mot « cul » dans un jeu). Pire, tel un gamin hyperactif très fier d’avoir appris une nouvelle blague, les références et les vannes sont répétées ad nauseam, dans des interventions constantes qu’on ne peut pas passer. Tu perds 10 points de santé mentale.

Rutabaga : Attends, je tente un jet de sauvegarde en me raccrochant à de bons souvenirs. Quelques blagues passent plutôt bien, certaines sont assez inattendues et de rares situations loufoques m’ont décroché un sourire. Par exemple, l’explosion de l’océan sous le coup de missiles nucléaires ou le décor qui change en fonction de ce que raconte Tiny Tina…

Nounoursss : Très bien. Tu évites de sombrer dans la folie de justesse, mais tu subis une grosse migraine quand même.

Rutabaga : J’en profite pour préciser que les doublages rendent la mise en scène encore plus douloureuse : les voix sont pitchées et surjouées pour donner un effet comique, les ennemis crient en permanence, même morts ! C’est un véritable enfer auditif, et l’impossibilité de passer les très longs dialogues nous fait perdre un temps fou à écouter des inepties. Bref, du côté de l’écriture, Tiny Tina’s Wonderlands est un calvaire à la limite du supportable.

Nounoursss : Tu t’en sors bien… Mais maintenant, tu entres dans le Domaine du Visuel : fais-moi un jet de perception.

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Terriblement bavard, pas drôle et inintéressant, Tiny Tina’s Wonderlands ne vous laissera aucun répit.

Laid comme un troll

Rutabaga : Jet de perception réussi !

Nounoursss : Ta réussite te permet d’éviter les pièges des développeurs et de voir au-delà des effets cache-misères comme le cell shading. Vas-y, rédige ton paragraphe !

Rutabaga : Franchement, Tiny Tina’s propose parfois des environnements assez réussis, notamment grâce aux effets de lumière. Certaines zones offrent des panoramas superbes et un peu grandiloquents, comme cette pyramide surplombant une ville en ruine ou encore ce squelette géant dominant une vallée desséchée. Mais dès qu’on s’approche un peu, on voit que tout est quand même très laid, avec des textures bas de gamme et des décors taillés à la serpe… Ça fait peine à voir en 2022. Mention spéciale pour les personnages, vraiment horribles et souvent mal animés.

Nounoursss : Tu termines d’écrire ta phrase… Soudain, un frisson te parcourt l’échine. Attention, derrière-toi, une direction artistique sans intérêt !

Rutabaga : Je ne devrais pas avoir trop de mal à me défendre. La direction artistique façon Heroic Fantasy mélangé à du cartoon est terriblement générique. Vous avez déjà vu ça mille fois dans des dizaines, voire des centaines de jeux… C’est dommage, d’autant plus que le ton loufoque permettait d’aller dans n’importe quelle direction et d’assumer le délire jusqu’au bout. Le pire étant la diversité du bestiaire : dans un monde imaginaire sans la moindre tentative de cohérence, on pourrait imaginer n’importe quoi. Eh bien, pas chez les développeurs de Tiny Tina’s Wonderlands. Vous allez principalement vous farcir des centaines, des milliers de squelettes et leur reskin zombies pendant toute l’aventure, en plus des habituels crabes, pirates, brigands, gobelins, wyverns… Il n’y a pas vraiment d’ennemis rigolos ou originaux. Et c’est pareil pour les armes, même si elles sont très nombreuses. C’est simple, on dirait des assets directement sortis de Borderlands avec, parfois, une texture en bois pour faire un peu plus médiéval… Le résultat parait fainéant et ennuyeux.

Nounoursss : Tu sors vainqueur du combat mais, avant que tu ne puisses profiter de l’accalmie, la terre tremble sous tes pieds…

Rutabaga : C’est un boss ?

Nounoursss : Oh oui… C’est l’heure d’affronter… Le paragraphe sur le gameplay !

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Le jeu propose, à de rares moments, de très beaux panoramas. Mais ne vous y trompez pas : dès qu’on s’approche un peu, ça pique les yeux.

Sans effort ni ambition

Nounoursss : Devant toi se dresse un mal ancien… Selon la légende, il date de 2009, année de sortie du premier opus de la série Borderlands. Depuis, il reste terré dans son antre, accueillant la moisissure et pourrissant sur place année après année. Et cette fois-ci, il t’en veut ! Alors, je sais que c’est pas ta première fois, mais faut quand même que je te prévienne : la spécialité de ce boss, c’est la « torpeur ». Il est capable de te plonger dans un état catatonique dans lequel tu ne peux plus réagir. En gros, il a le pouvoir de t’endormir.

Rutabaga : Oh oui, je comprends. J’ai de bonnes stats en perspicacité, je l’ai repéré tout de suite. Ce qui saute aux yeux avec le gameplay de Tiny Tina’s Wonderlands, c’est son absence totale de subtilité, et donc d’intérêt. Pour résumer, on est dans un FPS/Hack’n’Slash, ce qu’on appelle communément un Looter-Shooter : en gros, un jeu de tir bourrin avec des éléments légers de jeu de rôles. On a donc une fiche de personnage avec des statistiques qui vont influencer nos dégâts, notre résistance ou le cooldown d’usage des capacités. On choisit une classe qui va nous donner quelques compétences spécifiques, et on possède également un inventaire dans lequel on stocke une palanquée de flingues, d’armures et d’accessoires qu’on peut équiper et qui vont eux aussi influencer nos statistiques. Et… c’est tout.

Nounoursss : Fais-moi un jet de persuasion… Ah, c’est raté. Tu vois l’immense créature se gratter la tête avec un air niais. Visiblement, il ne comprend pas du tout où tu veux en venir, il va falloir être plus explicite.

Rutabaga : Et bien, concrètement, notre personnage est lent, il n’a aucune faculté de mouvement (dash, double saut, grappin) qui permettrait de dynamiser le gameplay, ses ennemis sont stupides et, à l’exception de certains pouvoirs bien spécifiques, on a absolument aucune sensation d’impact sur les sacs à PV qui servent d’adversaires. Ce n’est pas compensé par le level design, enchaînement de couloirs et d’arènes basiques mal exploités par l’IA idiote. Même les effets élémentaires, déclenchés par des sorts, des armes ou des barils présents sur les cartes, ne changent pas la donne et ajoutent juste une dose de bazar supplémentaire. En somme, à part tirer sur des cibles plus ou moins inertes sans réfléchir et utiliser nos deux capacités spéciales (un sort et une compétence de classe) en boucle, il n’y a pas grand chose à faire et on s’ennuie terriblement. D’autant plus qu’en mode Normal, le jeu est terriblement facile. Quant au mode Difficile, il semble simplement augmenter les PV des ennemis, ne les rendant pas plus dangereux mais juste plus longs à vaincre…

Nounoursss : Ton attaque fait mouche ! Le boss vacille mais ne tombe pas encore.

Rutabaga : Attends la suite. Si, jusque-là, Tiny Tina’s Wonderlands semble être une copie médiévale de Borderlands, il s’en éloigne légèrement dans sa structure. La série principale propose un monde ouvert explorable librement, mais, ici, une carte du monde façon plateau de jeu fait office de hub entre les différentes maps. C’est là où vous pourrez décider d’aller explorer le contenu optionnel, comme des quêtes, des donjons, des camps de bandits… Si la présentation parodique est assez amusante, force est de constater que cela semble avoir été bricolé à la va-vite : c’est vide, les déplacements sont lents, et le contenu proposé en quantité astronomique est ridicule en terme de qualité. L’intégralité des donjons, des campements et des rencontres aléatoires que vous y trouvez sont composés des mêmes toutes petites cartes avec des ennemis (généralement des squelettes, encore…) apparaissant dessus au hasard. Il vous faut alors les tuer en boucle jusqu’à ce qu’une jauge soit remplie, et qu’on puisse se téléporter jusqu’à la prochaine carte. C’est le niveau zéro du game design, et si vous avez vu un donjon, vous les avez tous vu. S’y attarder ne fera qu’accentuer le sentiment de lassitude.

Nounoursss : L’entité malfaisante te regarde droit dans les yeux : pour la première fois de son existence, le monstre ressent la peur. Mais il a encore une corde à son arc. Sa bouche difforme s’ouvre et, alors que des effluves puants s’en échappent, un rugissement retenti : « J’ai plein de loot ! »

Rutabaga : Je dois bien l’admettre, Tiny Tina’s Wonderlands regorge de butin à ramasser. Chaque ennemi vaincu, chaque quête terminée, chaque coffre ouvert, déclenche l’apparition d’une avalanche de loot divers et varié. Les objets sont tous uniques et possèdent leurs propres caractéristiques, en terme de dégâts, de munitions ou de cadence, mais aussi leurs propres bonus. Cela rejoint ce que j’écrivais plus haut : c’est le cœur du jeu, ce qui devrait faire plaisir à tous les minimaxeurs – mais si, ces joueurs qui adorent optimiser leur personnage au pourcentage près. Pourtant, même de ce côté-là, Tiny Tina’s Wonderlands parait fainéant, notamment à cause de son interface pathétique. Très souvent, il vous faudra comparer et faire le tri dans votre inventaire, qui peut comporter des dizaines d’objets. Cependant, l’interface n’affiche que huit pauvres items en même temps. De la même façon, il est impossible de sélectionner un groupe d’objets pour les balancer en un clic ou d’ignorer automatiquement le loot de couleurs moins rares… Des fonctionnalités qui existent pourtant dans d’autres jeux du genre. Ainsi, même la gestion d’items, qui est le cœur du jeu, ne semble pas avoir été travaillée et s’avère pénible.

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Fig.1 : L’état du testeur après avoir passé une quinzaine d’heures sur Tiny Tina’s Wonderlands.

Échec critique

Nounoursss : Devant tant de bravoure et de puissance, la créature s’effondre, lâchant son dernier souffle dans un râle gargouillant. Ça y est, héros, ton test est terminé, tu…

Rutabaga : Je n’ai pas fini ! Je vais parler un peu de l’aspect technique. Comme je l’ai dit plus haut, Tiny Tina’s Wonderlands est plutôt moche, mais il tourne très bien en Ultra sur n’importe quelle config de joueur. Enfin, jusqu’à ce que le jeu décide de se mettre à ramer sans raison, auquel cas la seule solution est de le quitter et de le relancer. Par ailleurs, on retrouve un problème récurrent avec de nombreux jeux tournant sur Unreal Engine : les textures apparaissent en qualité très inférieure après un chargement. Cela vient s’ajouter à la myriade de bugs que l’on a pu constater lors de nos aventures sur le jeu. Messages d’interface bloqués, arme disparaissant après un sort, impossibilité de s’échanger des objets ou de l’argent en coop, PNJ réapparaissant alors qu’ils sont morts, statut des coéquipiers buggés… Rien de bien grave, toutefois ça fait un peu tâche dans un jeu ayant aussi peu d’ambition.

Nounoursss : C’est entendu ! Sur ce, tu déposes ton clavier encore fumant de l’âpre combat que tu as mené et, enfin…

Rutabaga : Je voulais quand même revenir sur un point.

Nounoursss : Ah… Bah écoute, vas-y, c’est TON aventure après tout.

Rutabaga : Je suis sûr que les fans de Borderlands seront tout aussi fans de Tiny Tina’s Wonderlands. Après tout, les jeux sont quasiment identiques. Mais, pour moi, c’est ça le problème. Le jeu est identique à une saga qui date de 2009 et qui n’a pas franchement beaucoup évolué en 4 opus. Faire un spin-off Heroic Fantasy, c’était l’occasion pour Gearbox de se lâcher et d’affiner sa formule. Proposer un vrai système de magie, remplacer les flingues par de véritables mécaniques de combat au corps-à-corps, offrir plus de possibilités de mouvements pour développer des affrontements plus complexes, travailler sur une toute nouvelle interface… Ici, on est vraiment face à un reskin de Borderlands, un DLC étendu et vendu au prix d’un jeu complet. Si j’étais mauvaise langue, je dirais qu’il s’agit d’un projet sans effort, volontairement peu ambitieux, dont le seul but est de gratter l’argent de l’exclusivité Epic. Rappelons qu’Epic avait payé plus de 100 millions de dollars pour l’exclusivité de Borderlands 3 sur EGS…

Nounoursss : Ouais, bon, là, on peut dire que ta quête est terminée. Tu gagnes un niveau !

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HEY C’EST UNE REF A THE WITCHER HEY VOUS AVEZ VU C’EST GERALT DE RIV EN FAIT LOL

Borderlands du cul

Notre héros rangea son clavier, descendit de son fauteuil, et s’en alla vers d’autres horizons. Pour sûr, Tiny Tina’s Wonderlands lui aura bien résisté : ses horribles dialogues intempestifs, sa laideur, son gameplay fade et son manque total d’ambition ont failli faire perdre pied à notre brave rédacteur. Mais à cœur vaillant, rien d’impossible, et le voici reparti vers de nouvelles aventures. En attendant, seuls les fans absolus de Borderlands devraient se tourner vers ce Tiny Tina’s Wonderlands, les autres pouvant l’oublier dès maintenant…

FIN.

Vous avez du mal à vous y retrouver dans le catalogue Steam ? Alors suivez le groupe de curation NoFrag pour vous aider à trier le bon grain de l’ivraie.

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6 Commentaires


  1. Un très bon test, bien mieux écrit que n’importe quel jeu de la licence Boredlands, merci pour ce sacrifice

  2. Slip?

    P’tite référence au « Donjon de Naheulbeuk » mais il faut être majeur pour la comprendre celle là ‘-_-

  3. P’tite référence au « Donjon de Naheulbeuk » mais il faut être majeur pour la comprendre celle là ‘-_-

    Encore un truc de rôliste…je n’mange pas d’ce pain là moi, monsieur!

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