Je reprends péniblement conscience alors que de terribles vagues de douleur traversent mes lobes cérébraux. J’entrouvre avec difficulté mes paupières et constate que je suis sur le sol de mon bureau. Une odeur âcre m’assaille les narines, c’est du vomi, probablement le mien. Tandis que je récupère petit à petit le contrôle de mes membres, je fouille dans mes souvenirs avec l’espoir de me rappeler ce que je fais là. Tout a commencé avec une recommandation de Dillon Rogers, le développeur de Gloomwood : Cruelty Squad, un rétro FPS inspiré par les Immersive Sim, est sorti en début d’année et le projet est particulièrement original. Curieux, je l’ai installé, souhaitant en rédiger une preview pour NoFrag et… Oh. Je me souviens maintenant.

Genre : Rétro FPS / Sandbox / WTF | Développeur : Consumer Softproducts | Éditeur : Consumer Softproducts | Plateforme : Steam | Prix : 17€ | Configuration recommandée : Intel Core i7-7700HQ 2.8GHz, 2 Go de RAM, Nvidia GTX 1050, 1 Go d’espace libre | Langues : Anglais | Date de Sortie : 4/01/2021 en accès anticipé

Test effectué sur une version commerciale du jeu.

Cruelty Squad 2 Cropped

La cruauté à l’état pur

J’ai une sensation de reflux gastrique au moment de lancer Cruelty Squad. Comme si mon corps, de façon instinctive, refusait de subir à nouveau un traumatisme. Mais je dois me faire violence, il le faut, il faut que je partage avec vous cette vision effroyable tout droit venue d’une dimension parallèle, cet incroyable foutoir psychédélique crachant volontairement sur la santé mentale du joueur. Bordel. Regardez les images qui illustrent cet article : vous les trouvez horribles ? Attendez de voir ça en mouvement ! Vous savez quoi, je vais me faire un petit plaisir, il n’y a pas de raison que je sois le seul à souffrir… Attrapez le réceptacle à vomi le plus proche (sac plastique, corbeille, litière du chat) et jetez donc un coup d’œil à la vidéo ci-dessous. Il s’agit de la cinématique d’introduction de Cruelty Squad, le tout premier contact que vous avez avec le jeu :

Pas mal, hein ? Ça y est, vous avez un pied dans l’univers du développeur Consumer Softproducts – mais ce n’est rien comparé à ce qui vous attend plus tard si vous décidez de tenter cette expérience extracorporelle. Absolument tout dans le titre met vos nerfs à rude épreuve : modèles minimalistes animés à 10 FPS, textures basse définition ultra saturées, couleurs criardes, visuels incohérents et cauchemardesques, bande-originale à base de musiques bruitistes, interfaces innommables et incompréhensibles aux boutons mal détourés… L’équivalent vidéoludique de s’enquiller une bouteille de vodka premier prix coupée à l’antigel avant de se jeter dans la fosse remplie de punks vérolés lors d’un concert clandestin de Grindcore à la SPA de Gennevilliers. Mais, à travers son infâmie, le jeu reste consistant et réfléchi, témoignant en réalité du terrible sadisme de son créateur. Car Cruelty Squad vous déteste profondément et vous apprendrez vite à vous haïr vous-même à cause de cet enfer sensoriel qui vous dépossède de votre propre conscience, cette agression de chaque instant qui ne vous laisse jamais le moindre répit. Il n’y a aucune échappatoire : dans cet espace délirant, personne ne vous entendra crier et votre seule solution reste d’encaisser, un récipient toujours à votre portée pour le moment où votre corps n’en pourra plus et devra régurgiter toutes ces horreurs. D’ailleurs, il est temps pour moi de vous laisser quelques minutes…

Cruelty Squad 3 Cropped

Psychotic Sim

Bon, attendez, maintenant que j’ai essuyé le vomi qu’il me restait sur la commissure des lèvres, il faut quand même que je vous parle du jeu. En effet, caché derrière son indicible réalisation, il y a un véritable gameplay dans Cruelty Squad, original qui plus est. Ce qui est d’ailleurs, pour moi, la preuve que toute cette expérience cauchemardesque est le fruit d’une volonté effroyable. Mais passons. En tant que membre d’une organisation plus ou moins secrète, vous devez accomplir des missions d’assassinat pour le compte de gens hauts placés. Par exemple, il s’agira d’exécuter un grand patron un peu trop humaniste ou un chef de police devenu incontrôlable. Après avoir choisi votre équipement dans l’écran de sélection des missions, vous voilà projeté dans une grande carte sur laquelle PNJ, gardes armés et cibles se côtoient. À vous de trouver la meilleure méthode pour éliminer ces dernières : il est tout à fait possible de foncer dans le tas comme un bourrin, mais vous êtes fragile et votre tâche n’en sera que plus ardue. Il vaut mieux tirer parti du système d’infiltration rudimentaire et du level design permissif offerts par le jeu, similaire à ce que peut présenter une Immersive Sim. Si Cruelty Squad est plutôt aride et basique dans ses premières missions, vous débloquerez assez vite des améliorations vous permettant, par exemple, de faire des double-sauts, de vous propulser en avant à l’aide d’un jetpack organique ou d’escalader toutes les surfaces grâce à un grappintestin (oui). Dès lors, le jeu prend une autre dimension et propose un gameplay bac-à-sable dénotant clairement des autres productions de FPS indépendants.

Évidemment, même s’il peut sembler similaire dans son concept, on n’est évidemment pas face à un titre de la trempe d’un Hitman par exemple. L’IA est minimaliste, les armes n’ont aucun feeling, le moteur physique est complètement à la ramasse, les dégâts sont gérés par le hasard, le level design – par ailleurs parfois intéressant – n’a ni queue ni tête… Paradoxalement, malgré son manque manifeste de moyen et sa réalisation post-moderne, Cruelty Squad offre une certaine profondeur dans ses méthodes d’approche et son gameplay. Il est récurrent de découvrir après coup un passage dérobé, une corniche ou une fenêtre accessibles uniquement avec certains pouvoirs ou en exploitant le moteur physique pour empiler des objets. Le titre étant doté d’un système de rang sanctionnant vos méfaits et influant sur la somme d’argent gagnée (permettant d’acheter des améliorations), on a parfois envie de recommencer une mission, juste pour voir si on peut la terminer en moins d’une minute avec notre nouveau plan d’action. Enfin, à condition de ne pas avoir fait un AVC entre temps. Le jeu propose une douzaine de niveaux, une poignée de missions bonus, un mode de difficulté « punishment » (je vous laisse imaginer) et des secrets à foison. Bref, c’est déjà assez complet pour un titre en accès anticipé.

Cruelty Squad est laid comme un pou toxicomane mais semble tourner difficilement sur certaines configs, si j’en crois les retours Steam. Pour ma part, à part quelques ralentis après le chargement de certaines missions, je n’ai rien constaté dans le genre. Le jeu fut stable de bout en bout et aucun bug majeur n’est à déplorer – bravo.

Alors voilà, la grande interrogation : est-il possible d’apprécier le gameplay, somme toute intéressant, de Cruelty Squad malgré sa laideur douloureuse, son univers visuel et sonore digne d’une performance présentée à la FIAC ? La souffrance impliquée par une session de 30 minutes de musiques bruitistes et d’images hallucinantes déplacées est-elle contrebalancée par le plaisir d’explorer les profondeurs promises par un tel jeu ? Sommes-nous nous-mêmes ou sont-ce les autres ? À cela, je ne peux apporter aucune réponse et il faudra sonder votre âme pour espérer faire la lumière sur ces questions. Pour ma part, alors que je termine d’enregistrer une partie afin de vous partager mon tourment, je pense aller faire un tour vers un endroit plus chatoyant, comme Animal Crossing ou autre jeu enfantin. Peut-être que cela arrivera à me faire oublier le goût du vomi.

Cruelty Squad 4 Cropped

Une oasis d’amour et d’amitié

Cruelty Squad est l’un des titres les plus dérangeants auxquels j’ai joué ces dernières années. Sa réalisation volontairement cauchemardesque m’a donné des sueurs froides et des migraines. Pourtant, en grattant un peu, on y trouve un intriguant jeu d’assassinat en bac à sable teinté d’éléments d’Immersive Sim. Un titre franchement original à ne pas mettre en toutes les mains. Assurez-vous d’avoir l’estomac bien accroché si vous voulez tenter cette expérience extra-sensorielle…

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9 Commentaires


  1. J’étais tenté de me le prendre dernièrement mais les retours sur les problèmes de framerate m’ont effrayés. Visiblement, il pompe pas mal côté CPU.

  2. Si ce jeu a une pièce cachée avec des trucs illégales dedans, cela ne m’étonnerait pas 🙂

  3. Tiens, ça me rappelle un peu Mega Elite Recon Dubai Explosion 2: Hitler’s Hat in Hell

  4. M.E.R.D.E 2,quelle époque.
    faut demander à Chaka sur Nordpresse un remaster 😆😝.

  5. ça fait plaisir de voir ce jeu ici, le gars qui a fait ça fait aussi des illus de malade mental, je vous laisse son insta ici :
    @villecallio

    hésitez pas à checker moi perso je suis fan de son taf!

  6. Merci Goblin20, je sentais bien que c’était un allemand. Ils font une fixette sur l’art « dégénéré », je ne sais pas pourquoi…

  7. Tu as été courageux de le tester, il a l’air sympa mais rien que le trailer me met le cerveau en miette.

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