Dans Outlast 2, comme dans son prédécesseur, vous êtes la proie d’une armée de malotrus amateurs de tortures et vous refusez de leur faire mal. Alors, à la place vous fuyez, avec pour seules compagnes une caméra avec option infrarouge et une prodigieuse résistance à la douleur. Toutes les mécaniques tournent autour de l’utilisation de votre boîte à images, ainsi que sur quelques rares interactions avec le décor. On est ici plus dans l’envie de raconter une histoire dirigiste que dans le FPS horrifique. Après, l’avantage quand on a un produit dont l’emballage est si rigide, c’est qu’il va garder sa forme une fois déballé. L’avantage ici, c’est que la partie visuelle et sonore a pu être maîtrisée au poil de cul près. Et dieu comme ces poils sont beaux.

 

Trial and Horror

Pour en revenir aux mécaniques et à la frustration, Outlast 2 laisse très peu de libertés au joueur. Comme dans le premier épisode, on ne peut pas se défendre, seulement fuir, se cacher ou mourir. Comme la blague favorite d’un grand-père sénile, le décès du héros est un événement qui revient souvent et la seule réaction possible est un long souffle agacé.

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Chaque rencontre avec des adversaires, dont certains peuvent vous tuer en une seule fois, demande au joueur de trouver le chemin de fuite adéquat. Si les débuts sont difficiles, la route à suivre étant fort mal indiquée, on finit par comprendre les signes que Red Barrels pose (du sang, de la lumière) et les séquences d’Outlast 2 où on est confronté à des vilains hurlants ou murmurants se résument à appuyer sur le bouton de sprint et à aller là où, on l’espère, il fallait aller. Un mauvais détour se solde par un coup dans le dos, voire un décès prématuré : « Non mon petit, il ne faut pas essayer d’ouvrir cette porte, Jean-Claude le destructeur va te rattraper et te transpercer le plexus solaire avec la langue, ce qui est douloureux. »

Le pire dans tout ça, c’est que la mort ne devient plus quelque chose qu’on redoute, mais qu’on attend. On sait très bien qu’une erreur de parcours signifie la fin, alors toute tension disparaît, dans un jeu de labyrinthe où les impasses demandent de retourner au début et de retenter le coup. Surtout que les checkpoints sont très nombreux et qu’on finit par avancer comme un idiot, essayer par là, mourir, recommencer, comprendre là où il fallait aller et s’y précipiter en sprintant comme un dératé. Il n’y a pas forcément de carotte pour justifier une exploration plus poussée, le système du jeu ne donne pas envie de fouiller.

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Seuls deux objets sont ramassables. Des piles, pour recharger sa caméra, et des bandages, pour soigner ses blessures. Même si on utilise constamment les premières, je n’ai jamais eu de problème de batterie alors que j’ai eu une utilisation libérale de la vision nocturne. Les modes de difficultés supérieurs (j’ai fait le jeu en normal, je n’ai pas voulu m’infliger encore plus de frustration) demandent quand même une gestion des ressources plus poussée. Les bandages, eux, sont accessoires. Quand la mort est partout et la dernière sauvegarde très proche, on a souvent les poches pleines de gaze, préférant recommencer, trouver le bon chemin, plutôt que de courir comme un poulet décapité en soignant ses blessures.

Au-delà de ces séquences de fuite, trois ou quatre énigmes affligeantes viennent apporter un peu de variété mièvre à un jeu qui oublie qu’il est un jeu. Aucune latitude ou presque n’est laissée au joueur, les interactions sont demandées, ce sont des ordres qui, s’ils ne sont pas suivis, punissent immédiatement à coups de pioche dans le scrotum.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Inceste pas la coupe est pleine

Si Outlast 2 semble n’être qu’un simulateur de marche, peut-être est-il un excellent simulateur de marche ? Ce qu’on attend de ce genre d’œuvre, c’est un scénario, des personnages, des dialogues et une ambiance excellente. Si Outlast 2 n’est pas un bon jeu, peut-être est-il un bon film ? Si Outlast 2 ne sait pas faire peur avec ces mécaniques, peut-être que tout le reste arrive-t-il à faire suer ? Non.

Jump scares putassiers et gore outrancier sont les deux mamelles de l’horreur qui ont été traites sans mesure par Red Barrels pour inonder Outlast 2 d’un lait nauséabond et fatigant. Les premiers sont toujours attendus et le second est une surenchère sans subtilité (oui, ça existe le gore subtil). Au bout du troisième pendu équarri, on ne hausse même plus le sourcil. Charnier d’enfants, tripes et tonneaux de sang ne deviennent plus que du décor après une petite demi-heure à se balader. Les ennemis sont pleinement observables lors des séquences d’exécutions et l’imagination ne peut même plus faire son boulot de carburant à trouille. Même les tortures infligées au héros n’arrivent pas à faire grincer les dents, tant ce non-violent est une force de la nature, qui se remet de tout ce qui est non létal sans problème. Ajoutons qu’il parle parfois, le genre de « oh fuck oh fuck oh fuck » à la mode dans les jeux d’horreur et que sa respiration saccadée est très présente. On pourrait argumenter que c’est un frein ou une aide à l’immersion, mais c’est surtout, au bout d’un moment, un peu énervant.

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Quant à l’histoire, je suis partagé. Ce conte heureux où on cherche sa femme baladée entre des fous de Dieu tueurs d’enfants opposés à des hérétiques boueux adorateurs de l’antéchrist est d’un ridicule nanardesque, surtout au niveau de ses dialogues, mais si on est motivé, qu’on a réussi à terminer le jeu précédent et son DLC, on comprend que tout est lié et la lumière apportée rend le scénario sinon réussi, au moins intéressant. Après, pour ça il va falloir ramasser des pelletées de notes et les lire. Amusons-nous du gospel réécrit par Papa Knoth, le leader des fans de découpages de bambins, qui semble avoir été créé après un brainstorming s’étant terminé par : « la bible, mais on remplace la charité par des bites ». Je ne spoilerai rien, mais comme pour le premier, je trouve ça toujours dommage de devoir s’obliger d’expliquer l’étrange par une pseudo science lourdingue, comme si c’était honteux de faire du fantastique.

Transition intestinale
Les passages de l’aventure principale aux souvenirs altérés façon mauvais rêve sont pour la plupart de grosses réussites de mise en scène. Se faufiler derrière une armoire dans une maison glauque pour ressurgir dans la bibliothèque de l’école, tomber dans un puits et arriver dans un conduit de ventilation, c’est toujours une surprise agréable.

En parallèle de l’histoire principale, le héros revit une version cauchemardesque de son enfance dans un collège catholique. Ces moments tournent autour d’une amie pendue et d’un monstre clignotant. On pourrait y voir une sorte de tentative de tisser une histoire autour de la foi et de ce qu’elle signifie, mais le résultat est un simple « bouh c’est pas beau la religion » navrant, sans finesse et au final très agaçant. Les deux histoires ne sont liées que grossièrement et on se demande un peu ce que ces interludes viennent faire ici. En résumé, les fans d’Outlast devraient être ravis des conjectures possibles, des liens entre les deux jeux (et après m’être renseigné il semble que les incohérences soient peu nombreuses), les autres passeront sur l’histoire.

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Au-delà de ce scénario qui n’ajoute pas grand-chose au jeu, un des gros problèmes d’Outlast 2 c’est que le manque de possibilités d’interactions le rend vite absurde. Entre les piles quasiment toujours trouvées à côté de lampes torche (ramasse la lampe bordel !), ce besoin de filmer certaines scènes du jeu pour les revoir sur son caméscope et avoir ensuite les commentaires du héros et puis cette non-violence systématique (ramasse la pelle bordel !), de nombreux moments sont sabotés par des illogismes qui sortent du jeu. Et c’est dommage, parce que toute cette dissonance ludo-narrative gâche ce qu’Outlast 2 fait le mieux. Installer une ambiance.

Glaire obscure

Outlast 2, parce qu’il est un long couloir avec quelques portes menant à autant de morts, maîtrise son cadre avec minutie. En utilisant l’obscurité comme un pinceau, en jouant avec les contrastes, chaque élément du décor forme des tableaux permanents, la lune au creux d’un escalier, des chaînes qui hachent un passage niché au creux de l’écran. Les moments dans l’école ont une texture grainée, avec toujours l’ombre là pour laisser quelques espaces illuminés. Rarement j’ai trouvé un jeu aussi beau. Avant la dernière partie du jeu, il pleut du sang et cette gluanterie bordeaux qui trempe chaque morceau de bois ajoute à toute cette mise en scène déjà remarquable ce qu’il fallait pour tomber dans l’admirable. Dommage que la dernière heure laisse tomber le gothique poisseux pour aller nous fourrer dans une mine assez banale. N’hésitez pas à regarder les screenshots en plein écran.

Vous remarquez aussi que je montre peu à travers mes screenshots les moments où on utilise la vision nocturne. Je trouve que le gimmick n’apporte rien au jeu. Il n’est jamais utilisé pour la peur, même pas pour le jump scare, et est juste là pour ternir l’image et ajouter une mécanique, parce qu’il faut bien que le joueur fasse quelque chose. J’ai vraiment regretté ce besoin constant d’utiliser cette satanée caméra, je voulais voir le vrai monde dans toute sa visqueuse sepulcralité, pas un truc vert neigeux, ennuyeux.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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La musique est aussi là pour amener l’ambiance vers ce qui se fait de mieux dans le genre. Rien n’est foncièrement nouveau, mais Samuel LaFlamme, en plus d’avoir un nom formidable et d’avoir déjà composé la bande-son du premier, nous balance aux oreilles des morceaux qui auraient mérité un bien meilleur jeu. C’est tendu, grandiose, grave, ça part dans le strident quand il le faut, ça crisse et ça pulse quand il le faut. Mention spéciale à You Don’t Have To Hide, le morceau des courses poursuites dans l’école qui porte à lui tout seul la tension du moment, vu que la mort, elle, est d’un ennui éponyme.

 

L’évangile selon saint Mouais

Je sais bien que j’ai l’air d’un peu abuser avec mes louanges sur l’ambiance, mais c’est à la mesure du gâchis ressenti une fois le jeu terminé. On a ici sans doute un des plus beaux jeux d’horreur jamais fait, mais les gens de chez Red Barrels gâchent leur talent pour le cadrage et la lumière en faisant un film interactif qui punit le joueur à chaque fois qu’il fait quelque chose de non prévu et qui résume la peur à des jump scares idiots, des séquences choquantes pour le fait d’être choquantes. Outlast 2 aurait pu être un très grand jeu, mais il n’est qu’une longue série de regrets.

 

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