Mettre sur le banc d’essai un mastodonte comme Call of Duty, franchise qui survit après un nombre incalculable d’itérations étalées sur une quinzaine d’années, n’est pas chose aisée. Même en essayant de se convaincre qu’on joue à quelque chose d’original, on sait très bien que rien n’a changé. On se retrouve finalement à tester un produit que tout le monde connaît et dont chaque nouveau volet ressemble un peu trop au précédent, simplement pour que trois pelés et un tondu se touchent les parties génitales en cercle à la simple découverte des deux ou trois nouveautés. Un véritable plaisir.

L’avenir, c’est le passé

NoFrag Call of Duty WWII 2Je ne vous ferai pas l’affront de vous expliquer comment se joue un Call of Duty, ça fait quatorze ans que la série n’a plus de secret pour qui que ce soit. On court toujours comme un animal dans une map de taille modeste pour tuer d’autres animaux qui courent en cercle, et débloquer par la suite de meilleures armes pour les tuer plus rapidement. L’attrait principal de COD: WWII, c’est qu’il laisse tomber les turbo-combinaisons du futur au profit du son claquant des M1 Garand et des soldats de la Schutzstaffel. Un revirement que Sledgehammer Games et Activision présentent comme un “retour aux sources”.

C’est effectivement l’impression qu’on a en jeu, puisque ça se joue comme un COD d’il y a quelques années. La disparition du déplacement vertical donne lieu à des affrontements plus terre à terre très proches de ce que pouvaient proposer les anciens épisodes de la série. C’est immédiatement fun et la suppression des mouvements complexes rend la chose tellement simple d’accès que même des joueurs console peuvent prétendre y jouer. Courir, tirer, tuer, mourir et recommencer à la chaîne jusqu’à la fin de la partie. La bêta permettait de jouer aux modes de jeu classiques (Domination, Match à Mort par équipe, Hardpoint…) mais marquait aussi l’arrivée du mode Guerre, une nouvelle variante que l’on pourrait décrire comme un mode Opérations de Battlefield à 12 joueurs.

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La map comprend trois objectifs que les Attaquants doivent réaliser (escorter un char, poser une bombe, construire un pont…) alors qu’une équipe de Défenseurs les en empêche. Chacun des deux camps dispose d’une quantité infinie de tickets pour réapparaître à la chaîne et progresser dans une map étriquée au possible. Les idées de design viennent autant piocher dans le Payload de TF2 ou Overwatch que dans le mode Assaut de Unreal Tournament. Le côté couloir donne une certaine impression de progression, le tout fonctionne plutôt bien. A l’instar du mode Bombing Run présent depuis plusieurs épisodes, le mode Guerre apporte de la variété dans un jeu où la plupart des modes sentent le réchauffé. Pour une fois, tout ne tourne pas autour du ratio K/D. Il est d’ailleurs dommage que ce mode soit exempt de Killstreaks, on aurait très bien pu imaginer des Killstreaks spécifiques pour chacun des camps, à débloquer en équipe (accumulation de kills/points).

Même si la fidélité historique est loin d’être la priorité de Sledgehammer, ils ont tout de même adapté la recette de COD à l’époque de la Seconde Guerre Mondiale. Les classes de personnages ont été modifiées pour accueillir les Divisions, parmi lesquelles il faut choisir pour avoir accès à certaines compétences dès sa première partie. Les membres de l’Aéroportée pourront sprinter plus longtemps, ceux de la Division de Montagne auront des bonus pour les fusils de précision, les soldats de l’infanterie seront capables de charger avec une baïonnette. Après quelques parties et suffisamment de points d’XP, il devient possible de créer sa propre classe en y modifiant la Division, les armes, l’équipement et les Rubans qui viennent eux remplacer le système d’atouts. Les Killstreaks restent aussi fidèles à ce qui se fait depuis COD: Modern Warfare, les drones, missiles Predator et autres gadgets ayant simplement troqué leur nom pour quelque chose qui ne paraîtrait pas ridicule en 1943. Dans la forme donc, rien n’a vraiment changé, exception faite que l’on puisse délibérément choisir de jouer une femme nazie. Chacun sa vie, après tout.

La triste impression de salir son PC

COD est aujourd’hui un FPS pensé par les consoles avant d’être porté sur PC. C’est comme ça. Les conséquences sont flagrantes après quelques minutes de jeu : les menus sont une véritable plaie à parcourir, le réglage de la sensibilité dépend d’une jauge approximative, le FOV maximal est fixé à 90 et on ne peut toujours pas afficher son ping. Le nombre de FPS maximales a certes été augmenté mais le moteur bidouillé à outrance depuis dix ans parvient quand même à provoquer des ralentissements inexplicables sur une machine qui fait tourner Battlefield 1 et DOOM en ultra. Je me plaindrais bien de la hit registration instable et des ennemis qui se téléportent, mais je mettrais ça sur le compte de la bêta.

Y’a rien d’autre à faire que mourir ici

NoFrag Call of Duty WWII 1L’arsenal du jeu ne mérite pas vraiment qu’on s’y intéresse, ses armes de la Seconde Guerre Mondiale n’ont rien d’extravagant. Il est toujours déplorable de constater qu’au fil des années, les développeurs de Call of Duty semblent de plus en plus zapper l’étape de l’équilibrage pour se concentrer sur les fusils de précision qu’utilisera Jean-Maxime pour sa fragmovie. Certaines armes de poing infligent plus de dégâts par seconde qu’une SMG ou un fusil d’assaut, la portée des fusils à pompe n’est pas constante et certaines combinaisons armes/atouts sont beaucoup trop puissantes. Des défauts qui font peine à voir dans un FPS, en plus de provoquer un sentiment d’injustice quand on se trouve dans une position de faiblesse malgré nous.

Il faudra tout de même reconnaître à ce Call of Duty une certaine qualité dans sa production, notamment graphique. Le moteur vieillissant parvient toujours à afficher un rendu plus que potable sous une tonne d’effets visuels cache-misère mais très franchement, il n’y a pas besoin de plus. Le retour à la WW2 est plus que bienvenu à ce niveau : l’ambiance générique et la palette de couleurs SF des Call of Duty récents ont laissé place à une série des maps à la photographie plus réaliste et une colorimétrie soignée. Un théâtre d’opérations plus mémorable (Pointe du Hoc, Ardennes, Aachen ou Gibraltar) permet au joueur de s’identifier davantage aux différentes maps et leur donne davantage de crédibilité, malheureusement dans la limite du peu d’interactions qu’elles proposent et qui rend le tout un peu factice. Le level-design s’appuie toujours sur un système à plusieurs lignes, généralement trois, le joueur étant encouragé à vadrouiller sans arrêt dans un parcours ponctué par des choke points. Des terrains de paintball, en somme, tous conçus de la même manière.

Et comme à l’accoutumée, le package Call of Duty est livré avec sa panoplie tumeurs incurables. Les bugs, une communauté dont la plupart des membres sont abonnés au Twitter de Cyril Hanouna, des gens qui n’hésitent pas à sortir les aimbot/wallhack pendant une bêta et des affrontements palpitants à la pierre-feuille-ciseaux où une pluie de balles ne suffit souvent pas à tuer un ennemi qui vous en collera une fatale entre les deux yeux avec une simplicité déconcertante.

 

Circulez, c’est juste Call of Duty

Ça reste du Call of Duty, il n’y a pas grand chose de plus à dire. Rapide mais terriblement rigide, accessible mais rarement intelligent, le multijoueur de COD: WWII ne prend pas vraiment de risques. La série tire une nouvelle fois sur des ficelles déjà bien usées et fait un bond de cinq ans en arrière en adaptant simplement le look de cet opus à son changement d’époque.

De sa boucle de jeu ultra-simpliste à la plastique de ses décors et ses armes, tout y est familier. Vous savez à quoi vous attendre, et ce n’est pas cet épisode qui vous fera bondir de votre chaise. Mais en débranchant leur cerveau, certains y retourneront mécaniquement, juste pour l’afflux de dopamine à la simple apparition des hitmarkers et des médailles à l’écran. Et il est malheureux d’en être arrivé là.

 

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