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[TEST] Battlefield 2042, une guerre totale triste et fade

Trois ans après la sortie de Battlefield V, qui se déroulait pendant la Seconde Guerre mondiale, Battlefield 2042 retourne à une guerre plus moderne. Après s’être dévoilé avec la promesse de revenir vers le côté plus ludique et bac à sable de Battlefield 3 et de sa suite, sa bêta ouverte avait malheureusement laissé une bien mauvaise impression en bouche. Le développeur, DICE, l’avait juré et nombre de problèmes qui avaient été relevés alors ont effectivement été corrigés pour la sortie du jeu. Pourtant, une fois la version finale en main, le verdict est sans appel : Battlefield 2042 reste loin, très loin en dessous de ses ainés.

Genre : FPS multijoueur | Développeur : DICE | Éditeur : Electronic Arts | Plateforme : Steam, Origin, EGS | Configuration recommandée : AMD Ryzen 7 2700X / Intel Core i7 4790, 16G de ram, Nvidia RTX 3060 / AMD RX 6600 XT Prix : 60€ (Standard), 90€ (Gold), 110€ (Ultimate), 15€/mois (EA Play Pro) | Langues : VF intégrale | Date de sortie :  12 novembre 2021 (accès anticipé), 19 novembre 2021 (sortie réelle) | Durée de vie :  Virtuellement infinie

Test réalisé sur une version commerciale. Note : si le jeu est actuellement officiellement en « accès anticipé », il s’agit en réalité d’une build finale payante et réservée aux joueurs ayant acheté des versions plus chères du jeu. 

No-Pat patrouille

Battlefield 2042 démarre sur une terrible cinématique présentant l’état de notre monde dans un futur proche. En 2042, les nations ont été ravagées par des catastrophes climatiques, déclenchant des exodes massifs de « No-Pat », des apatrides aux origines diverses ayant un point commun : leurs pays en ruines. Les deux dernières grandes puissances, la Russie et les États-Unis, entrent alors en guerre pour le contrôle des ultimes ressources, embauchant des « No-Pat » pour participer aux combats. En somme, il s’agit d’un scénario inintéressant qui se contente de rentrer au chausse-pied un sujet d’actualité au sein d’un classique conflit USA/Russie. Attention, je suis d’accord avec vous : on s’en contrefout de l’histoire dans un FPS orienté multijoueur PvP. Seulement, ça n’a pas l’air d’être le cas des développeurs qui ont décidé de nous forcer à regarder de soporifiques cinématiques, échouant d’ailleurs à donner la moindre intensité dramatique aux conflits, lors de chaque lancement de partie.

Vous avez compris, les joueurs incarnent les « No-Pat » et vont faire la guerre comme d’habitude. Mais, cette fois-ci, le jeu est divisé en trois modes distincts : Guerre Totale, Hazard Zone et Portal. Le premier contient les modes classiques, à savoir Conquête, dans lequel il faut tenir des points stratégiques sur de grandes cartes, et Percée, dans lequel une équipe en attaque doit capturer des objectifs tandis que l’autre doit l’en empêcher. Le tout nouveau Hazard Zone cache en réalité un mode PvPvE dans lequel des escouades de quatre joueurs parcourent une map occupée par des soldats dirigés par l’IA à la recherche d’objectifs à exfiltrer. Un système de monnaie permet d’équiper son personnage avant de lancer une partie et, si ce dernier meurt, il perd tout son matériel. Cela fait vaguement penser à un genre de Hunt: Showdown ou Escape From Tarkov version (très) light. Les affrontements avec les IA n’ont aucun intérêt et les cartes sont plutôt vides, mais le sentiment de traque qui s’engage lorsque l’on tombe sur les autres escouades de joueurs est grisant. Si cela change de l’expérience habituelle de Battlefield, le mode manque peut-être de variété pour garder le moindre intérêt sur le long terme.

Une map de Battlefield Bad Company 2

Plus intéressant, le mode Portal offre potentiellement une rejouabilité infinie au titre. Dans ce mode, n’importe quel joueur peut créer ses propres règles de jeu avec du contenu (armes, personnages, véhicules, maps) en provenance d’autres opus de la série. Ensuite, il est possible de lancer des serveurs en ligne pour partager sa partie personnalisée avec les autres. Le concept est excellent et, si Dice et les joueurs décident de capitaliser dessus, cela pourrait donner de très bonnes choses. Malheureusement, pour l’instant, on y trouve majoritairement des serveurs permettant de farmer l’XP et des modes de jeux tentant de faire revivre l’expérience des anciens Battlefield (1942, Bad Company 2, BF3), en moins bien que les jeux originels. On compte tout de même un mode « inédit » mis en avant par DICE : intitulé VIP Fiesta, il s’agit d’une chasse à l’homme dans laquelle un joueur de chaque équipe est désigné VIP au hasard. Autant vous dire que ça n’a aucun intérêt et que l’on se demande où se trouvent les modes qui avaient été dévoilés initialement par les développeurs, comme ce multijoueur asymétrique opposant de nombreux soldats de la WW2 à une escouade de taille réduite dotée d’armes modernes. Pour le moment, Portal est donc plein de promesses mais reste peu pertinent. On espère que les créateurs de tout genre s’en empareront et proposeront des expériences à la fois originales et intéressantes.

En définitive, niveau contenu, Battlefield 2042 semble assez fourni. Entre ces trois gros modes de jeux, les armes, accessoires, personnages, cosmétiques et autres trucs à débloquer, il y a énormément de choses à faire dans cet opus. De quoi tenir de nombreuses heures… Enfin, si vous arrivez à supporter le gameplay mal dégrossi, qui est probablement la proposition la plus faible de l’histoire de la série.

Visuellement, c’est d’une tristesse…

Chiant de bataille

De prime abord, on retrouve un gameplay « classique » de la saga Battlefield. 128 joueurs (au lieu de 64 dans les précédents opus) s’affrontent dans de grandes cartes, avec la possibilité d’utiliser des véhicules terrestres ou aériens. Comme d’habitude, les joueurs sont compartimentés en escouades de quatre, ce qui permet de réapparaître sur ses camarades. Les développeurs ont choisi de s’éloigner de la « simulation » pour lorgner vers un gameplay arcade pur et dur dans lequel les personnages se déplacent vite et le TTK (le temps pour tuer un ennemi en lui tirant dessus) est très élevé. Comptez un demi-chargeur de fusil d’assaut pour tuer un type. Cela n’est pas forcément un mal, c’est un pur choix de game design : ici, si on vous tire dessus dans le dos, vous avez le temps de vous retourner et de riposter. Ça peut paraître étrange et ça ne pousse pas à l’agressivité, puisqu’il est très difficile d’enchaîner plusieurs adversaires, mais pourquoi pas…

Quelques nouveautés bienvenues font leur apparition. Le « système plus » permet de s’adapter à toute situation en changeant ses accessoires d’arme à la volée, dans un menu contextuel similaire à celui de Crysis. Aussi, il est désormais possible de se faire livrer des véhicules n’importe où sur le champ de bataille, à condition que ceux-ci soient disponibles. Cela écourte les trop nombreuses séquences où notre fantassin se retrouve, seul, à traverser un bout de carte pour aller d’un point A à un point B. Et voilà ! C’est à peu près tout ce qu’apporte le jeu en terme de nouveautés intéressantes. Car pour le reste, c’est une régression complète.

L’attaque des clones

Là où les soldats de la saga étaient auparavant de parfaits anonymes, Battlefield 2042 accueille un système de Spécialistes, des héros ayant chacun leurs histoires absconses et des capacités spéciales différentes. Ainsi, l’un d’entre eux peut poser des tourelles automatisées, l’autre peut utiliser une wingsuit, un autre un grappin… S’ils auraient pu fonctionner de la même manière que les classes des précédents opus, ici il n’en est rien. Chaque Spécialiste peut utiliser n’importe quel équipement à n’importe quel moment – en réalité, malgré leur nom, ils sont polyvalents. Non seulement on peut se retrouver avec le même Spécialiste dans une escouade ou une équipe, mais les adversaires ont, eux aussi, les mêmes personnages. Niveau lisibilité, c’est une catastrophe puisque, à l’instar de Call of Duty: Vanguard, seul le point rouge ou bleu flottant au-dessus des têtes des joueurs nous permet de différencier amis ou ennemis. Mais c’est aussi un problème niveau teamplay, car c’est la fin des classes dont les fonctions se complétaient les unes les autres : l’un se spécialisait dans les gunfights, son camarade dans l’apport de munitions, un troisième sur les soins, etc. En l’absence de la moindre information sur l’équipement de nos collègues, il ne nous reste plus qu’à choisir un personnage et l’arsenal qui nous plait, sans penser à la moindre synergie de compétences. Par ailleurs, la gestion des escouades est inexistante, ne nous permettant pas de changer en cours de route ou de voter pour un capitaine. Comme pour ajouter un clou au cercueil des escouades, on ne voit même plus la caméra de la personne sur qui on choisit d’apparaître : on peut alors débarquer en plein milieu d’un affrontement et mourir à peine arrivé, ce qui n’incite pas à prendre ce risque.

Appuyant la simplification du gameplay, on notera aussi la disparition du système de score, qui récompensait des styles de jeu différents. Ainsi, il était tout à fait possible d’être en tête de classement en capturant des points, en soignant ses coéquipiers ou en réparant des véhicules, une véritable gratification qui donnait une place à chacun au sein de ce grand chaos qu’est la guerre. C’est désormais terminé et seuls les frags, les kill assist et les résurrections sont comptés dans le tableau. Tuer ou être tuer, c’est tout ce qui compte dans ce Battlefield 2042. Et avec un tel nombre de joueurs parcourant les cartes, les parties ressemblent très vite à de simples Team Deathmatch dans lesquelles la stratégie et le jeu d’équipe n’existent pas.

Un HUD un poil envahissant

À vrai dire, il serait trop long de détailler en intégralité toutes les simplifications et régressions qui ont été opérées. On pourrait, par exemple, citer la disparition de nombreux mouvements incorporés auparavant, comme la course accroupie, le lean, le fait de pouvoir se retourner en étant allongé ou la construction de barricade… La réduction quasi-totale de la destruction de décors, que l’on estimait pourtant acquise depuis Battlefield 3, se fait aussi durement ressentir. De son côté, l’interface est un exemple de ce qu’il ne faut pas faire, perdant le joueur dans des sous-menus de sous-menus et n’affichant pas des informations basiques, comme les joueurs présents dans le lobby. L’absence de chat vocal intégré n’est même pas compensée par le système de ping, à la fois minimaliste et dysfonctionnel, marquant la plupart du temps le décor alors que l’on vise un hélicoptère. Bref, sans même parler de l’équilibrage douteux entre les différentes armes et véhicules, du level design médiocre des cartes composées en grande partie de plaines vides ou encore des zones de spawn complètement foireuses, les points de gameplay défaillants sont extrêmement nombreux.

Alors, est-ce qu’on peut s’amuser dans ce Battlefield 2042 très simpliste ? Autant qu’on le puisse avec 128 joueurs qui se castagnent dans de grandes maps. C’est un gros bordel et, parfois, il se passe des trucs plutôt cool. Attaquer un point avec une armada de véhicules causant des explosions dans tous les sens fait son petit effet. Et, il faut bien l’avouer, s’infiltrer derrière les lignes ennemies pour défendre un point en exécutant ses adversaires un à un procure toujours une intense satisfaction. Mais, globalement, le jeu semble à la fois mal fini et mal pensé, en totale régression avec ses aînés. J’irais même plus loin : en s’éloignant définitivement de tout aspect coopératif entre membres d’une équipe, Battlefield 2042 va à l’encontre du concept même de la licence, une guerre à grande échelle dans laquelle tout le monde a un rôle à jouer. Et il ne garde que le strict minimum, à savoir, des combats bordéliques avec plein de joueurs sans aucune profondeur.

Fig. 1 : l’état du pauvre testeur après avoir passé son week-end sur BF2042

La laideur de la guerre

Le gameplay totalement vidé de sa substance n’est pas le seul point sur lequel Battlefield 2042 déçoit. Tout l’aspect artistique et technique est également une catastrophe, à commencer par son identité visuelle totalement basique. Les Spécialistes sont tous plus oubliables les uns que les autres et ne donnent absolument pas envie de s’attacher à eux. D’autant plus que, comme pour Call of Duty: Vanguard, chaque fin de match est sanctionnée par une animation (qu’on ne peut évidemment pas passer) présentant les MVP dans un déluge de malaise et de catchphrases ridicules. Ajoutez-y une bande-originale absolument terrible, semblant avoir été composée à base de bruits de scooters qui passent au loin la nuit ou autres enregistrements de scie sauteuse, et cela devient même agaçant. Voyez par vous-même, l’OST est disponible à l’écoute.

Le jeu en lui-même n’est franchement pas très beau. Les décors, comme les personnages, sont extrêmement vides, pauvres et manquent de finesse. Seuls quelques événements météorologiques peuvent être parfois visuellement impressionnants, comme lorsqu’une tempête se déclare au beau milieu d’un combat, emportant joueurs et véhicules sur son passage. Mais le jeu est généralement bien moins beau que Battlefield V, ce qui est un comble lorsque l’on sait que la série était un peu une vitrine technologique pour le Frostbite Engine. Pire, il se paye le luxe de tourner difficilement. Sur ma config (i7 7700K, RTX 3070, 32 Go de RAM) en 1440p, le framerate ne dépassait pas les 60 FPS en Ultra sans ray tracing et chutait parfois à 20 images par seconde (!). En faisant des concessions et en baissant toutes les options en Élevé, je suis parvenu à atteindre 90 FPS en général, avec tout de même des baisses à 45 FPS lors des passages les plus chargés. Par ailleurs, la présence du DLSS ne m’a pas semblé vraiment améliorer les performances.

Le moment où je me suis le plus amusé sur BF2042 : en grimpant à la verticale sur un immeuble avec un hovercraft pour attaquer un point

Mais ce n’est pas tout : Battlefield 2042 est aussi bourré de bugs et de défauts techniques. Outre les énormes problèmes de connexion aux serveurs rencontrés ces derniers jours, il m’est arrivé régulièrement d’avoir des rollbacks ou des pertes de paquets en pleine partie, témoignant d’un netcode douteux. Au-delà de ça, des myriades de petits bugs de physique viennent consteller l’expérience. Notez que c’est parfois hilarant, mon meilleur souvenir sur le jeu étant d’avoir attaqué un point stratégique sur le toit d’un immeuble en utilisant un hovercraft pour grimper sur les murs tel Spiderman. De surcroit, les animations sont mal foutues, pas fluides, et il n’est pas rare de créer des bugs de collision en s’allongeant trop près d’un décor ou en s’approchant d’un véhicule. J’ai aussi croisé des « fantômes » de joueurs ennemis, éternellement figés au beau milieu de la ligne de front, et il m’est plusieurs fois arrivé de ne pas voir les marqueurs alliés/ennemis au-dessus de mes camarades de jeu. Je ne vais pas tout citer mais sachez que, niveau finition, Battlefield 2042 fait peine à voir. Cela donne l’impression de jouer à une bêta glorifiée plutôt qu’à un titre complet et finalisé.

Ci-dessous, du gameplay en mode Percée pris au hasard sur Youtube :

Un bien triste successeur

En l’état, Battlefield 2042 est un ersatz de Battlefield. Pas beau, mal fini et simplifié à l’extrême, il ne propose que de gros combats chaotiques à 128 joueurs sans la moindre profondeur. Si cela peut satisfaire les moins exigeants, les autres peuvent rester sur les opus précédents : il n’y a rien à voir ici qui n’ait pas été fait en mieux auparavant. Seul son créatif mode Portal pourrait éventuellement apporter quelque chose d’intéressant, à condition que des créateurs s’en emparent, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle.

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Rutabaga: Élevé au bon grain des FPS de l’âge d’or, si Rutabaga adore particulièrement TUER TUER TUER à coups de rocket launcher et autres akimbo de fusils à pompe, il n’est toutefois pas insensible à une bonne épopée solo bien scénarisée.
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