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Dossier : L’avalanche des Battle Royale

Cet article a été rédigé en collaboration avec drloser et Nomys_Tempar

La ruée vers l’or

La grande ruée vers l’or du BR – circa 2018

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, l’avalanche de jeux Battle Royale n’en est pas vraiment une : en incluant les titres parodiques, nous n’avons compté qu’une douzaine de représentants du genre à être déjà sortis (en accès anticipé ou non), en plus des titans PUBG et Fortnite. Et sur ces treize titres, dix ont fait un bide en moins de trois semaines. 

Sortis en 2016 :

  • H1Z1 : le papy du BR, disponible en early access depuis 2015. Il s’agissait à la base d’un jeu de survie contre des zombies avant de devenir un Battle Royale F2P suite à un développement des plus chaotiques.
  • The Culling : Après avoir profondément modifié et gâché le potentiel du premier volet, les développeurs ont sorti The Culling 2, qui fut annulé et supprimé après à peine quelques jours d’existence. Finalement, The Culling (le 1) est ressorti en F2P.

Sortis en 2018 :

  • SOS : à la base, SOS n’était pas un BR : juste un jeu multijoueur faisant la part belle au roleplay, à la coopération et à la trahison entre joueurs lâchés sur une île infestée de monstres. Puis les développeurs ont décidé de gâcher le potentiel du titre en le transformant en BR sans intérêt.
  • Darwin Project : présenté lors d’une conférence Microsoft à l’E3, Darwin Project propose un BR à petite échelle et offre une place à un Show Director dont le rôle est de piéger les joueurs en déclenchant des chausse-trappes et autres évènements mortels.
  • Radical Heights : baroud d’honneur du studio de Cliffy B – Boss Key – après l’échec de Lawbreakers, Radical Heights fut un Battle Royale très laid à la troisième personne doté d’une ambiance 80’s.
  • Totally Accurate Battlegrounds : il s’agit d’une parodie de Battle Royale développée par les petits rigolos de Landfall et proposant, en plus de ses graphismes particuliers, une interprétation toute personnelle des lois de la physique.
  • Realm Royale : tentative d’Hi-Rez Studios (qui furent un temps les développeurs de feu Tribes: Ascend) de conquérir le marché du BR, il s’agit TPS F2P dans un univers fantastique cartoonesque.
  • Cuisine Royale : parodie développée par Darkflow Software (les devs d’Enlisted) et édité par Gaijin (Warthunder), le jeu propose à plusieurs cuisiniers équipés d’armes à feu et d’ustensiles de cuisine de s’entretuer.
  • Islands of Nyne : développé par le studio indé Define Human, Islands of Nyne est un BR se voulant orienté hardcore gamer et prétendant proposer un gameplay basé sur le skill plus que sur la chance, le tout enrobé dans une ambiance de science-fiction.
  • Fractured Lands : Unbroken Studios a voulu proposer avec Fractured Lands une vision du Battle Royale focalisée sur l’utilisation de véhicules dans un univers à la Mad Max.
  • Last Tide: Aquatic Royale : développé et édité par les néo-zélandais de Digital Confectioners (les créateurs de Depth), Last Tide plonge les joueurs dans un BR sous-marin agrémenté de requins mangeurs d’hommes.
  • Fear The Wolves : développé par Vostok Games (« d’anciens devs de S.T.A.L.K.E.R! ») et édité par Focus et Webedia, ce Battle Royale se déroule en périphérie de Tchernobyl dans un univers post-apocalyptique rempli d’anomalies gravitationnelles et de loups mutants agressifs.
  • Dying Light: Bad Blood : développé par Techland en tant que spin-off de Dying Light, Bad Blood est le penchant Battle Royale de FPS teinté de parkour. On y trouve un mélange de combats PvP et PvE, les cartes étant remplies de zombies à buter.

Penchons-nous plutôt sur une question plus importante encore que le nombre de BR disponibles : qu’en est-il de la base de joueurs de chacun de ces titres ? Nous allons nous appuyer sur les statistiques disponibles sur les pages Steam DB de ces jeux. Vous trouverez, dans le graphique ci-dessous, en bleu le plus grand nombre de joueurs en simultané sur les dernières 24h et en rouge le nombre maximum de joueurs en simultané toutes périodes confondues.

Les pics de fréquentation des Battle Royale

Comme vous pouvez le constater, la plupart de ces jeux n’arrivent pas à rassembler 1000 joueurs en simultané sur les dernières 24h, voir même pire pour certains qui réunissent moins d’une centaine d’utilisateurs… En bref, ce n’est pas glorieux : les BR font un bide monumental, à l’exception d’H1Z1 et de Realm Royale. Ces deux succès peuvent s’expliquer facilement. D’une part, H1Z1 (ou H1Z1 King of the Kill) est le plus vieux Battle Royale, publié avant même PUBG et a donc été longtemps en position de leader. Quant à Realm Royale, il a profité de la popularité de Paladins – dont il est un spin-off – et des gros moyens engagés par son développeur, Hi-Rez studios.

Ci-dessous, vous pouvez voir en bleu la fréquentation des différents BR le mois de leur disponibilité – à l’exception d’H1Z1, de The Culling et de SOS dont les différentes sorties et changements de noms ont compliqué la mise en place des graphiques. Dying Light Bad Blood n’étant sorti qu’il y a deux semaines, il n’apparaît pas non plus sur les graphiques mais sachez que sa population s’est aussi écroulée et a été divisée par trois en ce laps de temps.

Fréquentation des Battle Royale le mois de leur publication

Pour la plupart d’entre eux on voit clairement apparaître une tendance : en à peine quelques jours, la quasi-totalité des joueurs quittent le navire. Last Tide – Aquatic Royale est par exemple passé sous la barre des 100 joueurs en moins de trois semaines. Pour Fear The Wolves, il n’aura fallu qu’une seule semaine… À l’inverse, PUBG n’a cessé de gagner en utilisateurs lors du mois de sa sortie.

Mais alors, comment expliquer cette hécatombe ? Tout simplement à l’aide d’un principe économique basique.

Une barrière à l’entrée élevée

En réalité, un Battle Royale est soit un gros succès, soit un bide colossal : il n’y a pas de place entre les deux, aucune possibilité de connaître un succès modeste. C’est tout ou rien – et, comme on vient de le voir, c’est souvent rien. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer la fréquentation de PUBG avec celle de l’ensemble des autres BR – en bleu sur 24h, en rouge toutes périodes confondues.

Comparaison de la démographie de PUBG face à celle de l’ensemble des BR

Fortnite est absent de ce graphique car il n’est pas disponible sur Steam, il est donc difficile d’obtenir des chiffres dessus. Il y a de fortes chances qu’il écrase lui-même les chiffres de PUBG.

Sur ce graphique, on peut constater que PUBG réunit environ 1 million de joueurs là où les treize autres BR s’en partagent péniblement 10 000.

Or le Battle Royale est un genre qui a une barrière à l’entrée très élevée. En effet pour qu’un BR fonctionne, il faut des parties avec beaucoup de joueurs. Par exemple, lorsqu’un jeu propose des parties à 100 joueurs, il faut que 99 autres joueurs soient présents en même temps au moment où l’on veut jouer. Et cela, uniquement pour remplir un seul serveur, pour une seule partie. Si l’on veut que les joueurs puissent trouver rapidement un match – car ça ne fait marrer personne d’attendre 30 minutes pour atterrir sur la map et se faire dézinguer en 20 secondes – on doit donc avoir une base de joueurs suffisante pour assurer ce turn over et rendre le jeu agréable et attractif. À l’inverse, un jeu multijoueur standard proposant des matchs à 10 joueurs n’aura pas besoin d’une forte communauté pour tourner correctement, son ticket d’entrée est faible.

Un BR ne possédant pas une base de joueurs suffisante est donc voué à l’échec. Plus le ticket d’entrée est élevé, moins il y a de concurrence viable et plus il y a une chance de voir apparaître une situation de monopole, comme c’est le cas pour les Battle Royale avec PUBG et Fortnite, dont la position est largement dominante sur le marché.

En résumé :

  • Jeu solo : ticket d’entrée faible car pas besoin d’avoir plein de joueurs pour remplir les serveurs
  • Jeu original : ticket d’entrée faible car il n’a pas de concurrent, il est seul sur le marché
  • BR peu ou pas original : ticket d’entrée extrêmement élevé, il affronte de front des mastodontes déjà établis et a besoin de beaucoup de joueurs pour tourner.

L’avenir du Battle Royale ?

Nous avons pu constater qu’il ne suffit pas de faire du Battle Royale pour gagner le jackpot : même s’il y a une véritable base de joueurs intéressée par ce genre de jeu, le ticket d’entrée dans ce marché est si élevé que la quasi-intégralité des projets s’y est cassée les dents. Cela ne signifie toutefois pas que personne n’y arrivera. En effet, jusqu’à présent, seuls des développeurs indépendants ou de petits éditeurs se sont attaqués frontalement au marché BR, mais cela va changer.

Deux poids lourds du jeu vidéo vont se lancer dans l’aventure cette année et ils ont tous les atouts pour pouvoir percer dans ce marché ultra-sélectif :

  • Call of Duty Black Ops IIII intégrera un mode Battle Royale, Black Out. La licence de FPS la plus vendue au monde, soutenue par l’un des plus gros éditeurs, a toutes ses chances pour parvenir à faire son trou.
  • Battlefield V se dotera de son côté lui aussi d’un mode BR intitulé Firestorm. BF est une série habituée aux grandes maps et aux combats à longues distances et est particulièrement adaptée au style Battle Royale.

Contrairement aux petits développeurs indépendants qui ont tenté l’aventure et s’y sont cassé les dents, EA et Activision ont toutes les cartes en main pour sortir des BR à succès : ils ont les moyens financiers pour concurrencer la qualité de PUBG/Fortnite, et suffisamment de joueurs pour peupler leurs serveurs. On a hâte de voir si leurs BR seront d’énormes succès capables de se faire une place au côté des mastodontes PUBG et Fortnite, ou s’ils connaîtront un accueil moyen les condamnant à voir leurs serveurs désertés au bout de quelques semaines.

Rutabaga: Élevé au bon grain des FPS de l’âge d’or, si Rutabaga adore particulièrement TUER TUER TUER à coups de rocket launcher et autres akimbo de fusils à pompe, il n’est toutefois pas insensible à une bonne épopée solo bien scénarisée.
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