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[TEST] Wolfenstein: Youngblood, sous les pavés, la rage

Depuis 2014, Machine Games s’échine à remettre au goût du jour la licence originelle du FPS, Wolfenstein. Après deux opus principaux et une préquelle basés sur une formule similaire, la série s’est offert une solide réputation de jeux de shoot solo bien ficelés dans un univers dystopique réussi. Développé en partenariat avec Arkane Studio (Dishonored, Prey), Wolfenstein: Youngblood prend une tournure nouvelle pour la saga puisqu’il s’agit de proposer un FPS jouable en coopération et doté de niveaux plus ouverts. Alors cessez de rire, charmante Elvire, car…

Deux loups sont entrés dans Paris

L’aventure se déroule vingt ans après les événements de Wolfenstein 2. Alors que la résistance américaine a réussi à faire fuir l’occupation nazie outre-atlantique, B.J. Blaskowicz disparaît. Ses filles, deux jumelles nommées Jess et Soph, partent à sa recherche en Europe et se retrouvent embrigadées dans ce qu’il reste de Résistance française. Le son des bottes claquant sur les pavés, des civils protestataires violemment réprimés, les rues parisiennes ravagées par les combats… Je ne vous décris pas les manifestations du samedi mais la capitale écrasée sous le joug du troisième Reich. Autant vous le dire tout de suite, le scénario du jeu tient littéralement sur un post-it et il ne faut pas essayer d’y trouver un quelconque intérêt. Contrairement à son prédécesseur, Wolfenstein: Youngblood n’est pas bavard et proposera très peu de cutscenes ou de phases dans lesquelles le joueur est inactif. Il va de soi que cela risquera de froisser les personnes qui appréciaient le côté très cinématographique de Wolfenstein 2, mais cette orientation plus focalisée sur le gameplay comblera ceux qui préfèrent jouer que regarder. Le ton global du jeu est lui-même beaucoup plus léger, les deux sœurs étant foncièrement débiles et passant leur temps à chahuter, à danser et à insulter les nazis. Évidemment, tout ça manque de sérieux mais convient parfaitement à un FPS vous permettant de découper des centaines de soldats SS à la hachette.

Paris sous les bombes

Outre l’aspect narratif mis de côté, l’envie du studio de se recentrer sur le gameplay se ressent dans sa proposition. Certes, Wolfenstein: Youngblood reste un FPS bourrin assez jouissif, proposant des gunfights similaires à ceux des autres opus de la série, dans lesquels on prend plaisir à exploser du nazi à coup de fusils à pompe automatiques et de canon laser. Toutefois, le partenariat avec Arkane a permis à Machine Games de mettre en place des niveaux plus ouverts et plus cohérents, exploitant de manière plus intéressante les possibilités de mouvements et les divers pouvoirs mis à disposition des joueurs, sans toutefois atteindre la complexité d’un Dishonored. Le double saut, débloqué dès les premières minutes de jeu, permet d’atteindre facilement des hauteurs et de découvrir de nouvelles zones et façons d’appréhender une situation : un barrage nazi pourra tout à fait être attaqué frontalement, mais peut-être serait-il plus judicieux de grimper sur les balcons des immeubles haussmanniens adjacents pour mitrailler depuis les hauteurs ou accéder plus aisément à l’objectif en traversant une série d’appartements… L’infiltration, si elle reste succincte, devient un peu plus agréable et créative à jouer, ne se limitant plus à « chercher le conduit d’aération menant dans le dos des méchants ». Celle-ci a tout de même une importance car elle permet de se faciliter la tâche en exécutant discrètement l’officier du coin afin d’éviter que celui-ci ne renforce ses troupes et que la situation ne s’envenime ou encore d’esquiver les avant-postes dans lesquels les ennemis sont d’un niveau trop élevé par rapport à celui de notre personnage.

Car Youngblood s’éloigne à nouveau de ses prédécesseurs pour proposer un système de leveling inédit dans la saga. Non seulement notre personnage gagne des niveaux, ce qui permet de débloquer de nombreuses compétences (plus de santé et d’armure, augmentation de la portée du buff, port d’armes en akimbo, etc.) et des accessoires pour la dizaine d’armes disponibles, mais les ennemis ont eux aussi un niveau prédéterminé. Si avoir quelques niveaux d’écarts ne change pas fondamentalement la façon d’appréhender les combats, la situation change du tout au tout lorsque le fossé est trop élevé, les mobs pouvant devenir quasiment invincibles. Cela pousse les deux joueurs à coopérer pour vaincre certains adversaires un peu plus costauds et les force à éviter les zones les plus dangereuses lors de leurs premières explorations. En effet, si le jeu n’est pas un monde ouvert, il permet tout de même de visiter des zones relativement grandes sous la forme de « quartiers » regroupant plusieurs lieux d’intérêt. En utilisant une carte du métro parisien, on peut alors choisir sa destination et voir les différentes quêtes principales et secondaires proposées à tel ou tel endroit, indiquant d’ailleurs leur niveau de difficulté. En normal, le jeu est extrêmement facile dans ses premières missions puis se corse, sans pour autant devenir impossible : les nazis possèdent désormais des résistances et des faiblesses (indiquées sur leur barre de vie) face à certaines armes et, s’il est aisé de les ignorer au début de l’aventure, il faudra y faire très attention une fois le dernier tiers du jeu atteint.

Moi, Boche et Méchant

Évidemment, la grosse particularité de Youngblood est de proposer un mode coopératif permettant de jouer l’intégralité de l’aventure à deux et les développeurs ont plutôt bien pensé cet aspect. Outre les adversaires puissants nécessitant une véritable coordination entre joueurs afin d’attaquer les parties les plus exposées, les jumelles peuvent également s’envoyer des « signes », en réalité des buffs permettant de recevoir des PV supplémentaires, quelques secondes d’invincibilité ou des bonus de dégâts temporaires. Maîtriser ces deux éléments devient fondamental pour se sortir des situations les plus complexes. Jess et Soph peuvent également se réanimer pendant un court laps de temps si l’une d’elle tombe au combat. Un système de vies partagées vient tout de même sanctionner la défaite : si les deux sœurs sont K.O., elles perdent une vie. Une fois la réserve de vies vidée, il faudra recommencer l’intégralité du niveau. Il y a donc un véritable enjeu lors des combats, ce qui oblige les joueurs à bien jouer ensemble et à ne pas foncer systématiquement tête baissée sur ses adversaires.

Le jeu est cependant jouable entièrement en solo, accompagné par une IA. C’est d’ailleurs comme ça que j’ai été obligé de parcourir la majorité de l’aventure car les serveurs Bethesda.net n’étaient pas en ligne pendant une partie de mon test. Quoi qu’il en soit, si l’IA alliée est généralement transparente, se contentant de tirer de temps en temps sur les adversaires, il arrive parfois qu’elle soit totalement conne et gâte l’expérience de jeu. Sans rire, essayez de sniper la tête d’un ennemi lorsque le second personnage vient se coller à votre viseur… Et comment ne pas être frustré lorsque l’IA vous regarde vous vider de votre sang sans même tenter de venir vous secourir, gâchant ainsi l’une de vos précieuses vies ? Que dire des combats de boss où elle semble totalement perdue, incapable de se battre de façon rationnelle et se jetant dans la gueule du loup pour mourir lamentablement, vous obligeant à prendre des risques pour la sauver ? Cela ne rend pas le jeu injouable en solo pour autant, mais Youngblood est assurément meilleur lorsqu’il est joué à plusieurs. Notez que l’IA alliée n’est pas la seule à être atteinte de déficience mentale : les nazis sont eux aussi soumis à un état de débilité profonde, allant jusqu’à se bloquer dans des éléments de décors ou se précipiter sur vos grenades. Mention spéciale aux officiers qui, au lieu de rester planqués et de continuer à appeler du renfort, sont quelques fois pris de démence et se jettent sur la ligne de front, la tête la première sur votre fusil à pompe. C’est gentil de nous faciliter le travail mais ce genre de situations nous pousse à nous demander comment de tels incapables ont pu conquérir la planète entière.

Deutsche Qualität

Visuellement, Youngblood reste très proche de son grand-frère Wolfenstein 2. Il est assez joli mais n’affiche jamais quoi que ce soit d’extraordinaire. Sa direction artistique retro-futuriste se mélange toutefois bien avec les décors parisiens et fait mouche à nouveau, d’autant que les décors sont bourrés de détails rendant l’univers riche et cohérent. Les musiques sont, par contre, complètement en retrait. Cette fois-ci, ce n’est pas Mick Gordon (DOOM, Wolfenstein The New Order, The Old Blood et Wolfenstein 2) aux commandes mais Martin Stig Andersen (co-compositeur sur Inside et Wolfenstein 2) et, même si les bande-annonces du jeu étaient illustrées par du Carpenter Brut, il faut ici s’attendre à des nappes de clavier au sonorités 80’s sans trop de personnalité. Bon point tout de même pour les musiques de variété françaises et allemandes enregistrées par Tom Salta (PUBG, Lawbrealers) spécialement pour le jeu. Quant aux doublages, ceux-ci oscillent entre le correct et le texte récité sans la moindre conviction… mais, heureusement, il n’y a pas beaucoup de dialogues.

Sur ma machine (i7 7700k, Geforce GTX 1060 6Go, 16 Go de RAM), le jeu tourne à 60 FPS en 1080p avec le réglage Élevé et V-sync activée. Toutefois, certaines zones plus denses provoquent des ralentissements, faisant chuter le framerate jusqu’à 30 FPS. Heureusement, Youngblood propose de nombreuses options graphiques et de conforts (gestion du FOV, désactivation de l’ATH, sous-titres…).

En définitive, il vous faudra une douzaine d’heures pour finir l’aventure principale, et beaucoup plus pour voir l’intégralité du jeu au vu du nombre de quêtes secondaires disponibles et d’éléments à débloquer. Les quêtes secondaires demandent généralement de retourner dans des quartiers déjà visités, soit pour revenir sur un lieu vu auparavant ou pour découvrir de nouvelles zones. Il ne s’agit généralement pas d’objectifs complexes mais certaines vous demanderont parfois de traverser tout Paris pour récupérer des indices. Un système de quêtes quotidiennes et hebdomadaires vous permet également de remporter des récompenses en accomplissant certaines actions tandis que des événements aléatoires ont lieu lors de vos promenades : le joueur peut alors aller sauver des otages, récupérer une machine enigma ou encore assassiner un dignitaire nazi apparu sur la carte. Un contenu relativement conséquent pour un spin-off.

Plaisir à deux

Wolfenstein: Youngblood reste un spin-off, son histoire est inepte, il est techniquement similaire à l’opus précédent de la série et l’IA est débile. Toutefois, voir un Wolfenstein mettant de côté l’aspect narratif pour s’orienter purement vers le gameplay est réellement satisfaisant. Il offre des combats plaisants et explosifs, un système coop’ bien pensé et des niveaux beaucoup plus ouverts et intelligents que ses prédécesseurs. Ajoutez à ça un contenu conséquent et vous avez un bon jeu à faire entre potes en hurlant des insanités sur les méchants nazis pendant une douzaine d’heures, voir plus si vous voulez tout faire. Si vous n’avez pas d’amis, vous pouvez aussi y prendre du plaisir… mais ce sera moins bien.

 

Wolfenstein: Youngblood est disponible en édition simple sur Steam pour le prix de 29,99€, sur Gamesplanet à 26,99€ et en édition Deluxe sur Amazon pour 29,99€ (vous permet d’inviter gratuitement un camarade pour jouer avec vous), soit le prix de Trilogy de Carpenter Brut en vinyle.

Rutabaga: Élevé au bon grain des FPS de l’âge d’or, si Rutabaga adore particulièrement TUER TUER TUER à coups de rocket launcher et autres akimbo de fusils à pompe, il n’est toutefois pas insensible à une bonne épopée solo bien scénarisée.
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