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[TEST] System Shock Remake : choqué, mais pas déçu

Sorti en 1994, Sytem Shock, développé par Looking Glass Studios, est considéré comme l’un des pères de l’immersive sim. Malgré son statut de légende du jeu vidéo, bon nombre d’entre nous n’ont pourtant jamais mis la main dessus. En 2015, après avoir produit une version compatible avec nos machines de l’époque, Nightdive Studios entreprend d’en faire un remake. Il faudra attendre une campagne Kickstarter, un changement de moteur, des hauts et des bas sur huit ans d’incertitudes pour enfin replonger au cœur de la station spatiale Citadel, cette fois-ci avec des graphismes et un gameplay plus modernes. Le résultat est une formidable réussite qui comblera les fans des immersive sims, mais qui pourra facilement perdre les néophytes.

Genre : Immersive Sim Développeur : Nightdive Studios | Éditeur : Prime Matter | Plateforme : Steam, GoG, Epic Games Store  Configuration recommandée : Processeur Intel Core i7-3770/AMD FX-8350, 8 Go de RAM, NVIDIA GTX 970/AMD Radeon R9 290 | Prix : 39,99 € Langues : Anglais, Menus et sous-titres en français Date de sortie : 30/05/2023 Durée de vie : Une vingtaine d’heures

Test réalisé avec une version fournie par l’éditeur

SHODAN, l’un des personnages les plus emblématiques du jeu vidéo

De l’héritage à la modernité

Après avoir échoué comme un noob à pirater la société TriOptium, on vous envoie sur Citadel, une station orbitale de recherche, et on vous propose un marché : supprimer les barrières éthiques de SHODAN, l’IA qui gère la station, en échange d’une augmentation cybernétique, ou partir explorer l’espace sans combinaison. Évidemment, à votre réveil de l’opération, il y a comme un malaise : les seuls êtres vivants sont soit des sortes de mutants, soit des robots, et tous veulent vous voir rejoindre leurs rangs après un petit passage par la morgue. Si le début est présenté sous forme d’une cinématique, tout le reste de l’aventure est raconté par le biais de nombreux audio logs très bien interprétés, de rares notes disséminées ici et là, et de quelques messages écrits sur les murs. Bien que notre personnage soit aussi loquace qu’un Gordon Freeman au meilleur de sa forme, SHODAN vient souvent s’adresser directement à nous, toujours avec un petit mot méprisant, pour la forme. Tous ces ingrédients participent à l’ambiance globale du titre, vraiment très réussie, et on comprend de qui se sont inspirés Irrational Games pour BioShock et Arkane Studios pour Prey.

System Shock Remake est donc un immersive sim, mais peut-être ne savez-vous pas à quoi le terme correspond. Il désigne tous les jeux dans lesquels le joueur est libre de résoudre des problèmes de plusieurs manières différentes. La plupart sont prévues par les développeurs, mais d’autres n’avaient pas forcément été imaginées lors de la conception : c’est ce qu’on appelle le gameplay émergent. Par exemple, vous souhaitez accéder à une pièce en hauteur, mais l’ascenseur n’est pas activé. Vous pouvez chercher l’interrupteur d’alimentation dans le niveau, utiliser des bottes propulsées pour atteindre la porte, ou encore passer par les conduits de service. Pareil pour les combats : soit vous y allez frontalement en priant pour que ça passe, soit vous combinez les armes et grenades pour des dégâts optimums en fonction des ennemis, ou alors vous pouvez les attirer sur un terrain qui n’est pas à leur avantage en profitant d’éléments pouvant occasionner des dommages environnementaux. Les maîtres-mots sont la liberté et la créativité.

Tant dans l’action que la réflexion

System Shock de 1994 proposait déjà tout ça, avec toutefois des contrôles bien moins accessibles que ceux des jeux actuels. Nightdive Studios a bien travaillé sur ce point pour nous offrir des mouvements fluides et de très bonnes sensations de tir. Le gore, déjà présent dans le jeu original, est évidemment toujours de la partie, et se traduit surtout par des démembrements très satisfaisants. Si, au départ, le petit pistolet peut sembler un peu faiblard, les armes suivantes, elles, envoient la purée. Il est même possible de les améliorer au cours de l’aventure en achetant des modifications et des munitions spéciales. Vous devrez alors accumuler de l’argent en ramassant toutes les merdes qui traînent, pour les « valoriser » dans une machine de recyclage comme dans Prey (2017) afin de devenir le meilleur éboueur de l’espace. Et pour éviter de trop vite encombrer l’inventaire, il est également possible de « vaporiser » les objets, les transformant en morceaux de métal. Petit point négatif, il faudra le faire à la souris, ce qui peut vite s’avérer rébarbatif.

Mais System Shock Remake n’est pas qu’un jeu d’action, il vous demandera régulièrement de vous creuser les méninges. Certaines portes sont protégées par des panneaux de contrôle qui prennent la forme de puzzles. Pas forcément très difficiles, ils nécessitent tout de même un peu de réflexion, ce qui pourrait déstabiliser une partie des joueurs. D’autres énigmes parsèment le jeu, mais la plupart sont optionnelles, soit parce qu’on peut les contourner, soit parce qu’elles ne donnent accès qu’à des bonus comme des munitions, des soins ou des améliorations temporaires. J’ai par exemple passé pas loin de 45 minutes sur une partie d’échecs géante – on ne peut pas être bon partout ! – avant de m’apercevoir que ce n’était pas obligatoire pour progresser dans l’aventure.

Des archaïsmes délibérément choisis

Faire un remake d’un jeu tel que System Shock peut facilement mettre les développeurs dans une situation délicate : où placer le curseur entre amélioration et destruction du matériau original ? Pour le plus grand plaisir des fans d’immersive sims, Nightdive Studios a plutôt privilégié le côté hardcore que celui de l’accessibilité. Ils ont sauté le pas là où les autres ont toujours reculé : tout est intradiégétique. Aucun marqueur de quête, aucune flèche, rien dans les menus pour vous dire quoi faire, tout repose sur votre capacité à retenir les informations et les traiter pour comprendre ce qu’il faut faire. Et ce n’est pas toujours une mince affaire. Outre des combats parfois retors, naviguer dans les niveaux est souvent compliqué. On a certes une carte, mais aucun nom n’y est indiqué, et comme la station est un labyrinthe, vous devrez y passer pas mal de temps avant de vous y retrouver. D’autant plus qu’il est souvent possible d’accéder à plusieurs étages différents, et donc les parcourir dans le sens que l’on veut. Il est également parfois nécessaire de revenir dans des niveaux déjà visités pour accéder à de nouvelles zones.

Dans les fichiers du jeu, vous pouvez trouver un manuel du joueur à l’ancienne, avec du lore et l’explication de l’interface, ce qui montre jusqu’à quel point les développeurs ont souhaité aller dans les détails.

D’autres éléments de gameplay en rebuteront plus d’un : les audio logs et la narration environnementale. Contrairement aux jeux récents, où toutes les données importantes sont mises en évidence à la moindre occasion, System Shock Remake fait le choix de rester dans la droite lignée du jeu original. Chacun des enregistrements vocaux peut être crucial pour la poursuite de l’aventure, il faut vraiment être très attentif à ce qui y est dit. Observer les détails est également d’une grande importance si on ne veut pas tourner en rond comme un gland parce qu’on n’a pas vu un ascenseur gravitationnel planqué au fond du couloir, ou un morceau de code sur un écran. Dans le même esprit old school, s’il y a bien des sauvegardes automatiques, celles-ci ne se déclenchent que dans les ascenseurs ou avant les séquences de hacking, ce qui peut être légèrement embêtant lorsque l’on n’a pas encore activé la station de reconstruction du niveau, permettant de revivre en cas de décès prématuré. La sauvegarde rapide fait donc vraiment partie du jeu si vous ne voulez pas devenir fou. Tous ces éléments rendent l’expérience parfois un peu frustrante, mais tellement satisfaisante lorsque l’on réussit à atteindre son objectif !

Du côté de l’inventaire, on est sur un terrain connu : les objets prennent plus ou moins de volume. En avançant dans l’histoire, vous trouverez de nouvelles armes et pièces d’équipement, que vous pourrez conserver avec vous ou non, en fonction de la place restante. Et s’il sera possible de déposer certaines choses dans des monte-charges, il faudra quand même faire un choix : vais-je garder le fusil à pompe, très efficace contre les androïdes, ou plutôt le pulse rifle, qui occasionne de gros dommages aux robots, mais pour lequel je dispose de moins de munitions ? Encore une fois, le joueur est libre d’orienter le gameplay comme il l’entend.

Néo-rétro jusqu’au bout de ses bits

La refonte graphique proposée par Nightdive Studios est superbe. Le rendu est à la fois moderne, avec des ombres et des lumières très bien réalisées, et garde une touche rétro avec des textures en gros pixels plaqués sur des modèles 3D détaillés. Certes, la station ne dispose pas souvent de grands espaces et tout est un peu cubique, mais cette vision respecte tout à fait les niveaux d’origine, tout en proposant plein de détails supplémentaires, qui ajoutent de la cohérence et de la narration environnementale. Les effets visuels tels que les explosions ou les décharges électriques sont également de très bonne facture et contribuent au sentiment de qualité du titre. Chose amusante, certains environnements, comme l’étage Executive, font furieusement penser à Prey (2017), et si celui-ci s’était inspiré du System Shock original, Nightdive Studios a sans doute été à son tour influencé par le jeu d’Arkane lors de la réalisation des niveaux.

Et pourtant, les performances sont impressionnantes, puisque tout au max en 4K, avec le DLSS sur « qualité », j’ai pu maintenir 60 FPS stables sur mon PC portable doté d’un Core I5-12500H, de 32 Go de RAM et d’une RTX 3060, qui doit d’habitude plutôt se contenter de 1440p, voire de 1080p sur les jeux récents.

Personne n’est pas parfait

Même si j’ai adoré System Shock Remake, un des éléments de gameplay en particulier m’a franchement ennuyé : le hacking. Celui-ci s’exécute dans le Cyberspace, sous la forme d’une sorte de shooter spatial psychédélique minimaliste, dont la difficulté est inconsistante. Les personnes ayant connu la version d’origine seront peut-être en extase, vu l’évolution graphique, mais pour ma part, j’aurais préféré pouvoir contourner ces phases d’une manière ou d’une autre, car je les ai trouvées nulles : pas de sensations, on se déplace trop lentement, il n’y a pas d’intérêt, ce sont des passages obligés pendant lesquels le joueur ne peut pas laisser exprimer sa créativité…

Les couleurs feront sans doute plaisir aux joueurs d’Halo.

Malgré la finition globalement très bonne, j’ai tout de même rencontré quelques petits problèmes. J’ai par exemple été confronté à des crashes à deux ou trois reprises, et à un bug mineur, mais tout de même un peu gênant, qui m’a suivi tout au long de l’aventure : lorsque j’utilisais la visée – qui n’est qu’un zoom –, le FOV revenait ensuite à la valeur par défaut, et je devais repasser par le menu pour retrouver mon paramétrage. Je n’ai donc pas beaucoup utilisé la visée pendant les 24 heures qui m’ont été nécessaires afin de terminer le jeu – en prenant mon temps.

Merci Nightdive Studios

System Shock Remake est l’un des meilleurs, si ce n’est le meilleur immersive sim que j’ai pu faire, place auparavant occupée par le Prey d’Arkane Studios. La refonte graphique et technique est impressionnante, tant sur la direction artistique que sur les performances. Le gameplay est très bon, avec un gunplay à la hauteur des meilleurs FPS et des mouvements franchement agréables. La narration, elle aussi réussie, uniquement environnementale et diffusée par les audio logs, fait ressentir une certaine nostalgie, même pour ceux n’ayant jamais touché au jeu original. Malgré tout, il est indéniable que le jeu laissera de nombreux joueurs au bord du chemin : une difficulté plutôt corsée, aucune indication sur les objectifs à suivre, beaucoup de contenu et des cartes labyrinthiques à même de perdre les néophytes. Ce sont autant des défauts pour certains que les plus belles des qualités pour les amoureux des immersive sims, qui seront sans doute comblés par la proposition. Seule la partie Cyberspace m’a paru en deçà du reste du jeu, mais ne sont-ce pas les petits défauts qui font les chefs-d’œuvre ?

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