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[TEST] Ion Fury : débuild engine

Quand on s’appelle 3D Realms, qu’on a développé Duke Nukem 3D en son temps, et qu’on annonce vouloir prendre une option sur le créneau des rétro FPS, ça en impose. Ion Fury n’est cependant pas développé par 3D Realms, qui se contente d’éditer, mais par Voidpoint sur une version du Build Engine poussée dans ses retranchements. Après une grosse période d’accès anticipé, le jeu sort finalement demain, le 15 aout.

Un Eduke32 dans le moteur

Dans Ion Fury on incarne Shelly, alias Bombshell, une agent de la Global Defense Force qui buvait un coup pépère quand la ville a été attaquée par un conglomérat de mecs robotisés mené par le vilain Docteur Jadus Heskel. Il est néanmoins complètement inutile de retenir tout ça, le scénario n’étant rien de plus qu’un prétexte crapuleux pour parcourir la ville en tuant tout ce qui bouge. Les seuls éléments scénaristiques qui jalonneront notre avancée seront de brefs échanges de punch lines avec une image télévisée de Jadus. Circulez, y’a rien à voir comme dirait l’autre.

Mais ne commençons pas tout de suite par les méchancetés, il y a bien quelques bons points à distribuer malgré tout. À commencer par le Build Engine qui est toujours aussi chouette. On sent que les gars de Voidpoint l’ont poussé au max. C’est élégant, fluide et maniable. Le contrôle qu’on a sur Shelly est impeccable, rendant les déplacements très naturels. Dans un jeu où c’est l’une des clefs du succès, ça a son importance. On traverse sans problèmes de grandes sections de villes rétro-futuristes, des réseaux de rails souterrains désaffectés et autres galeries marchandes ou égouts toxiques. Sans aucune originalité mais plutôt réussi, tout cela donne une impression de sérieux au premier abord, gagnant la palme du « Je suis déjà venu ici, mais c’est pas si mal de refaire un tour.». Les musiques éléctro synthawe composées par Jarkko Rotstén ont la bonne idée d’être cools, même si la répétition permanente de ces dernières a tendance à courir sur les nerfs pendant les niveaux les plus longs. Voilà. Pour les bons points, c’est réglé…

Il me reste un peu de poncif, je vous le mets ?

Les gars de Voidpoint ont misé à fond sur le transhumanisme crade, en donnant aux ennemis un design dégueu et aux décors une ambiance de bas-fonds. La concrétisation est malheureusement bien plate : tout ça a un goût de déjà vu, lissé indirectement par le boulot abattu sur le Build Engine, qui donne à tout un aspect propre et sans accroc. Tous les ennemis, tous les lieux se ressemblent et échouent à marquer les esprits. Les niveaux évoqués plus haut, qui s’en sortent bien en terme de façade, sont totalement dénués d’âme et d’intelligence dans le level design. Labyrinthiques et très verticaux à première vue, ils sont en fait taillés en ligne droite avec l’éternel système « porte rouge clef rouge ». Des efforts notables ont été faits pour qu’on ait envie d’aller voir dans les coins, qui sont truffés de secrets : atteindre des plateformes inaccessibles, fouiller les conduits cachés, faire péter le bon mur. Tout cela pourrait être intéressant et rajouter une couche de durée de vie, mais comme les niveaux sont fades, il est difficile d’avoir envie de visiter autre chose que le chemin qui nous mènera le plus vite possible à la sortie. À la fin de chaque chapitre, un écran vous résumera les secrets que vous avez trouvé, ainsi que le nombre d’ennemis que vous aurez tué en vous incitant fortement à recommencer pour atteindre les 100%.

L’autoroute de l’ennui

Les armes et les ennemis forment quant à eux un duo qui ne fonctionne pas du tout. Les flingues sont variés mais décevant à l’usage. On ne ressent aucune patate quand on vide le revolver, l’arbalète fait un bruit de nerf, la sulfateuse marche aux fayots… Certaines armes obtenues assez tardivement font des dégâts misérables, tuant un peu la joie d’avoir mis la main sur un nouvel outil. La distribution des munitions est également trop parcimonieuse, annulant toutes velléités de tirer comme un taré sur les vilains pour en faire de la chair à canon. Il faut chercher les headshots et ne jamais se précipiter l’arme à la main au milieu de la mêlée, sous peine de vivre des moments difficiles. Le jeu propose d’ailleurs souvent un chemin secondaire pour arriver dans le dos des ennemis, qui ne réagissent pas au bruit, permettant de les aligner lâchement au fusil à pompe sans risque. Dans l’ensemble, les bagarres manquent cruellement de peps, la brutalité étant tuée dans l’œuf par un coté carton pâte et pistolet à bouchon.

Sans compter que l’IA est complètement à la ramasse :  blocage dans les angles de murs, déplacements ineptes, chutes systématiques des points surélevés, incapacité à poursuivre le joueur ou à le harceler. Rien ne va. Rentrer dans une arène, c’est démarrer le festival des poulets sans têtes et des IA campouses, qui tireront soit n’importe où, soit avec une précision chirurgicale. Au choix. Les dégâts infligés par certains ennemis sont d’ailleurs absurdement élevés, même dans les modes de difficulté les plus simples, forçant encore plus à la prudence. Entre le manque de munitions, les ennemis aux fraises sur tous les points et les armes faiblardes, autant dire que la « Fury » en prend un sacré coup. On avance à pas de loup, on se planque derrière tous les obstacles possibles, on abuse des grenades, et on fait souvent demi-tour pour reprendre son souffle et se coller une trousse de soin avant de retenter le passage. À noter que la dernière mise à jour a introduit un système de seringues d’urgence, qui tombent des adversaires abattus quand Bombshell à la jauge de vie au plus bas, incitant un peu à prendre des risques. Cependant, ça ne suffit pas pour sauver l’affaire du naufrage.

Un beau pétard mouillé

À chaque fois que le jeu tente de nous proposer quelque chose, il nous sert du réchauffé sans goût, dans des décors certes réussis au premier abord mais lisses et sans âme quand on gratte le vernis. Voidpoint nous donne un service minimum qui noie Ion Fury dans une gélatine d’ennui. Les niveaux comme les ennemis sont convenus, l’IA est minable, les armes sont déséquilibrées et sans punch, la nervosité est absente. Il n’y a aucun combat intéressant, aucun adversaire original, aucune situation épique, et les boss sont pitoyables. En fin de compte, il ne reste presque rien pour sauver Ion Fury. Si vous avez vraiment la nostalgie du Build Engine, réinstallez Duke Nukem 3D, vous y prendrez bien plus de plaisir.

Si vraiment vous insistez, vous trouverez Ion Fury sur steam pour 24.99€

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