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[TEST Bis ] No Man’s Sky : la génération procédurale sans âme

Après une communication pour le moins ambiguë où Sean Murray, patron de Hello Games, ne répondait que vaguement aux questions posées par les journalistes, No Man’s Sky est finalement sorti en août 2016 sur PC et consoles. C’était l’occasion de constater l’ampleur du massacre avec un jeu évidemment très loin des promesses tenues par ses développeurs. On se demande d’ailleurs encore comment le studio a pu échapper aux accusations de publicités mensongères. Quoi qu’il en soit, Hello Games n’a pas lâché l’affaire pour autant et a depuis sorti plusieurs grosses mises à jours. Ce qui nous vaut de lire régulièrement sur internet des commentaires louant la persévérance de l’équipe de Guildford. Pour en avoir le  cœur net, NoFrag s’est lancé quelques jours dans la campagne de No Man’s Sky. Et on ne peut pas vraiment dire que le voyage fut agréable.

Pour commencer, No Man’s Sky se lance maintenant par défaut en vue TPS. Ce qui est annonciateur d’un des gros problèmes du jeu : il est taillé pour les consoles avec une interface bordélique et contre-intuitive, remplie de menus dans des menus dans des menus. J’ai souvent dû faire des recherches pour savoir où trouver dans l’interface cette machine qu’on me demande de construire ou simplement pour activer la vue FPS. Pour ce dernier cas par exemple, l’option ne se trouve pas dans un onglet du menu « paramètres » ou « options graphiques ». Non, c’est plus farfelu que ça : il faut appuyer sur la touche X en jeu ce qui ouvre un menu dans lequel il faudra naviguer pour trouver la mention « changer de vue ». Et je n’étais visiblement pas le seul à trouver tout ça sans queue ni tête vu le nombre de messages posant des questions qui paraissent pourtant toutes bêtes. Ça commence bien ! Surtout qu’en mode survie, il me semble le mode recommandé pour profiter de « l’expérience No Man’s Sky », pas le temps de niaiser, vous êtes rapidement harcelé de messages vous demandant de remplir vos différentes jauges, etc.

Farming Simulator

Et c’est bien cette impression de festival du farm qui marquera mon périple. Un ressenti qui ne s’estompera jamais puisque la boucle de gameplay repose essentiellement sur la récolte de tout un tas d’éléments. C’est bien simple, je n’exagère pas en disant que la moindre action de votre part videra une jauge qu’il faudra ensuite nécessairement remplir. Se déplacer dépense votre énergie, utiliser votre multi-outil vide ses différentes munitions, idem pour votre jetpack ou votre protection thermorégulatrice. Il n’y a qu’en restant immobile dans votre vaisseau ou un bâtiment que vous serez enfin tranquille… Une fois ce fardeau accepté, vous passerez donc une grande partie de votre temps à extraire des minerais, cueillir des végétaux, etc. En dehors de vous redonner de l’énergie ou de recharger votre rayon extracteur, les ressources vous permettront aussi d’améliorer votre équipement ou de construire outils, bases (de manière assez poussée), etc. Là aussi vous trouverez des couches et surcouches d’améliorations vous demandant un certain nombre d’éléments plus ou moins rares. La trajectoire de vos pérégrinations sera donc dessinée par vos besoins en pyrite, en cuivre raffiné, etc. C’est dommage car cela ne permet pas vraiment de partir explorer tranquillement les nombreuses planètes à disposition. Mais c’est peut-être pas plus mal comme ça.

Sans âme

C’était l’un des arguments de vente numéro un lors de la promotion du jeu : les joies d’un univers crée de manière procédurale. Je ne vais pas vous la refaire, cet aspect là fut un ratage total. Et quatre ans après ce n’est pas vraiment mieux. Si le  bestiaire donne moins l’impression de venir d’une famille de consanguins, pour les planètes c’est toujours très générique et vide de sensation. Rien ne vous pousse à parcourir l’immensité de l’univers offert, on a très vite fait le tour des différentes planètes, et surtout, on y trouve quasiment toujours les mêmes choses : les mêmes avant-postes, les mêmes capsules de sauvetage présentés de manière identiques. Il semble bien qu’on observe là les limites de la génération procédurale : tout ce contenu est sans âme. Vous ne vous retournerez jamais sur une créature parce qu’elle vous a épaté — ou alors pour vous moquer, mais c’est mal, vous ne vous lancerez jamais dans une expédition parce qu’une formation rocheuse au loin a attiré votre attention. Non, au lieu de ça, si c’est votre truc, vous enchaînerez les missions fedex pour débloquer toujours plus d’améliorations et de bâtiments qui faciliteront votre séjour dans l’univers. Vous naviguerez de point d’intérêt en point d’intérêt au grès d’un scénario soporifique qui vous propose de suivre les traces d’un voyageur disparu. C’est d’autant plus dommage qu’en revanche, les différentes conditions climatiques (pluie, brouillard, etc.) sont plutôt bien rendues à l’écran et ajoutent souvent beaucoup de cachet aux environnements. Malheureusement, par définition, ce n’est bien souvent que temporaire. Les graphismes à pied en surface ou dans les bâtiments sont d’ailleurs plutôt agréables sans être exceptionnels. Tout le contraire lorsque vous serez au dessus de l’atmosphère et dans l’espace.

Maniabilité au fraise

Et si le scénario n’est pas intéressant, c’est encore pire du côté de la maniabilité globale du jeu. Là encore, ça sent très fort la manette. Sincèrement, le pilotage de vaisseau, particulièrement à la surface des planètes, est une catastrophe. Alors que le roulis se contrôle avec les touches q et d du clavier, le lacet et le tangage (axe y et z) sont gérés par vos mouvements à la souris. Et même si le jeu dispose d’une touche « visée libre », le tout reste très peu pratique à l’usage. En effet, il y a  une très forte latence sur ces axes là, censée j’imagine retranscrire l’inertie du vaisseau. Sauf qu’en réalité cela résulte en un pilotage tout en zigzags, tant le joueur doit constamment compenser chaque mouvement fait à la souris. Une véritable plaie. Évidemment, j’ai bien cherché dans les menus et les touches de lacet et de tangage ne sont pas reconfigurables. J’ai bien tenté l’astuce de passer à la manette quand il s’agit de manœuvrer avec un vaisseau spatial, malheureusement il faut forcément relancer le jeu pour changer de périphérique… Je pourrais aussi vous parler des armes qui n’ont absolument aucun feeling et se résument à des pioupiou de l’espace. D’autant plus frustrant que vous serez régulièrement ennuyé par des robots sentinelles ennemis venant vous harceler dès que vous commencerez à miner un rocher ou égratigner un animal. Elles virevolteront autour de vous, ne représentant absolument aucun danger. Plutôt une gêne, comme cette foutue mouche qui vient se poser toutes les dix secondes sur vous à l’heure de l’apéro. Une fois dans l’espace, c’est un poil plus sympa de chasser bandits et autres cibles à bord de votre vaisseau mais cela reste forcément entaché par les contrôles dont je parlais plus haut.

Un petit mot sur la VR qui a le mérite d’être relativement bien intégrée au jeu. Arrivée avec la mise à jour Synthesis en novembre dernier, elle a le mérite de ne pas bugger, de bien fonctionner et de proposer diverses options pour les mouvements (téléportation ou libre). Cela ajoute évidemment beaucoup à l’immersion mais ne renversera pas les fondamentaux du jeu.

Toujours tout seul dans l’espace

Enfin, parlons du multijoueur. Si Sean Murray n’a jamais été très clair sur ce point — rappelons que certaines boîtes du jeu s’étaient vu ajouter en toute hâte une étiquette « solo » PAR-DESSUS la mention « multijoueur » — force est d’admettre que c’est encore très flou. No Man’s Sky propose ainsi de la coopération jusqu’à quatre joueurs, tout ce qu’il y a de plus basique : invitez vos amis, partagez vos ressources, etc. Depuis la mise à jour BEYOND sortie en août dernier, le jeu permet aussi de rencontrer d’autres personnes. Enfin, il faut le dire vite car c’est possible seulement dans le NEXUS, une station spatiale que les joueurs peuvent faire apparaître à n’importe quel moment une fois dans l’espace. À l’intérieur, c’est un peu comme la place du marché dans un MMO, une instance de 32 joueurs maximum sur PC qui peuvent échanger, se grouper pour des missions, etc. On est donc très loin d’un univers partagé par tous les joueurs connectés. Sur ce point d’ailleurs, il est théoriquement envisageable de croiser à l’improviste un autre joueur lorsque vous explorez une planète. Sauf qu’en 40h de jeu ça ne m’est encore jamais arrivé.

Conclusion

No Man’s Sky m’avait ennuyé au bout de quelques heures en 2016. Il aura tenu un peu plus longtemps quatre ans après, grâce à quelques nouvelles mécaniques. Mais j’ai tout de même dû me forcer pour compléter ce test, agacé par une forte impression de répétitivité. Dans l’attente d’éventuellement découvrir quelque chose de renversant, j’ai finalement compris que le contenu ajouté depuis tout ce temps ne changeait pas la donne. Au mieux il corrige à peine certains aspects, au pire il en rajoute une couche là où ce n’était déjà pas glorieux, notamment le farming très (très) envahissant.

Test réalisé sur une version commerciale.

Fcp: La légende dit qu’il était là avant même la création de Nofrag. Personne ne le connait vraiment. C’est un peu notre maman.
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