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NFT et jeux vidéo : la polémique expliquée pour les nuls

Cela ne vous aura pas échappé, ces derniers temps nous sommes régulièrement témoins de polémiques concernant l’utilisation des NFT au sein des jeux vidéo. Ubisoft et S.T.A.L.K.E.R. 2 ont été récemment au cœur de débats houleux, jusqu’à devoir parfois faire machine arrière. Mais, pour un spectateur extérieur, il est difficile de faire la part des choses vu le caractère divisif et partisan du sujet. C’était notre cas, alors on a creusé un peu afin de comprendre les tenants et les aboutissants. Avec cet article, nous vous proposons un résumé de la situation afin d’y voir un peu plus clair et de vous forger votre propre opinion.

Notez que cet article vise à la vulgarisation et pourrait comporter des approximations : il s’adresse avant tout aux non-initiés.
Merci à drloser pour ses conseils avisés et sa sagesse millénaire. Et merci à Dross pour ses explications !

Le pauvre rédacteur tentant d’expliquer le concept des NFT

Qu’est-ce qu’un NFT ?

NFT est un acronyme pour Non-Fungible Token, Jeton Non-Fongible dans la langue de Christophe Maé. Pour simplifier, et dans le cas qui nous intéresse, il s’agit d’un certificat de propriété numérique. Il indique que vous êtes le propriétaire d’une image, d’une vidéo, ou de cosmétiques pour jeux vidéo, par exemple. Pour authentifier un propriétaire, les NFT utilisent la technologie Blockchain, une base de donnée chiffrée et décentralisée partagée par les utilisateurs. Il faut imaginer la Blockchain comme un livre de compte s’actualisant en même temps chez tout le monde, ce qui le rend infalsifiable en théorie. On notera que, généralement, le NFT présent dans la Blockchain n’est qu’un certificat de possession avec un lien vers l’objet et non pas l’objet lui-même. Autrement dit, le NFT est le plus souvent une simple ligne sur un registre que tout le monde peut consulter indiquant par exemple Utilisateur X possède l’image : http://nofrag.com/drloser.jpg. 

Mais alors, pourquoi la polémique enfle-t-elle à chaque fois qu’un éditeur ou un développeur annonce son intention de les utiliser dans les jeux vidéo ? Hé bien, en observant les réactions de chacun, les débats semblent porter sur deux aspects qui s’entrecroisent : la monétisation dans les jeux vidéo, et la technologie NFT en elle-même.

La monétisation dans les jeux vidéo

Lorsque l’on parle de la monétisation dans les jeux vidéo, cela concerne tout les aspects économiques tournant autour d’un jeu après son achat. Par exemple, l’achat de cosmétiques, de personnages ou d’équipement sur la boutique intégrée. Dans certains cas, ces microtransactions peuvent donner naissance à des marchés dans lesquels les joueurs achètent ou vendent leurs objets à un prix suivant leur rareté. C’est le cas des chapeaux de Team Fortress 2 ou des skins pour CS:GO.

Les joueurs coquets peuvent ainsi avoir le plaisir de personnaliser leurs avatar en jeu. Mieux encore, ils peuvent gagner de l’argent en jouant à leur jeu vidéo favori, avec parfois des sommes extravagantes à la clé. Pour référence, ce skin vendu à 150 000$ vaut environ neuf ans de travail au SMIC ! De plus, le système permet de payer les créateurs de cosmétiques puisqu’il leur rapporte un pourcentage de chaque vente. Rappelons qu’avant l’arrivée des microtransactions, les skins en provenance des moddeurs ne leur rapportait pas le moindre argent. Pour les développeurs, qui récupèrent également un pourcentage sur les transactions, la monétisation d’éléments de jeu permet de maximiser la rentabilité d’un titre. Et, ainsi, de financer les développements présents ou futurs.

Si des dizaines de milliers de joueurs participent à ce système, la monétisation dans les jeux vidéo n’est toutefois pas bien vue par tout le monde. Certains regrettent que les jeux pâtissent de leur monétisation, ce qui est le cas lorsque la lisibilité est impactée par des éléments de personnalisation esthétique extravagants ou que certains objets influent sur les mécaniques de gameplay. D’ailleurs, Team Fortress 2 a été pendant longtemps pollué par la présence de bots inactifs, remplissant des serveurs afin de récupérer des items et les revendre sur les marchés. D’un point de vue moral, le système de monétisation est douteux : les jeux spécifiquement créés autour du concept d’objets rares à collectionner semblent profiter de l’addiction aux jeux d’argent de leurs utilisateurs. Certains législateurs ont même été jusqu’à considérer les lootboxes comme étant des jeux d’argent. Par ailleurs, on a pu découvrir l’émergence de sites de paris illégaux autour de skins, et des arnaques qui les accompagnaient. On peut alors comprendre la levée de boucliers lorsqu’Ubisoft annonce l’arrivée d’une nouvelle boutique de cosmétiques uniques.

Pour résumer :

Avantages

  • Personnalisation du jeu
  • Gains éventuels à la revente pour le joueur
  • Rémunération pour le skinner et financement pour le studio

Inconvénients

  • Influence les mécaniques de jeu
  • Moralement douteux (similaire aux jeux d’argent)
  • Favorise les comportements illégaux
Les chapeaux de Team Fortress 2 sont devenus un meme

La technologie NFT

Si les micro-transactions et la monétisation existaient bien avant les NFT, l’utilisation de cette nouvelle techno décentralisée permet de décorréler votre propriété du jeu en lui-même. Par exemple, si vous êtes propriétaire d’un NFT de skin de bonnet de bain pour Bathroom Warfare 2023, vous le resterez même après la fermeture des serveurs du jeu et pourrez toujours revendre votre NFT sur un marché. On peut même imaginer que votre bonnet vous suive sur plusieurs jeux différents : tout ce qu’il faut, c’est que vous soyez désignés comme propriétaire du NFT sur la Blockchain et le jeu, s’il est prévu pour, ajoutera votre bonnet dans votre inventaire. Par ailleurs, la Blockchain permet une certaine transparence et sécurité autour des transactions, puisque n’importe qui peut les observer à n’importe quel moment. Cela empêche également les développeurs malhonnêtes de trafiquer en douce qui possède quel objet.

Ceci dit, les NFT possèdent leurs détracteurs. L’un des premiers reproches que l’on retrouve vient de leur absence total d’intérêt : les problèmes qu’ils résolvent sont inexistants puisqu’il existe déjà des possibilités de ventes et d’achats d’objets extérieures aux jeux sans NFT. De même, on n’a encore jamais pris de développeur en train de truander sa base de données. De plus, les technologies sur lesquelles reposent une grande partie des NFT sont extrêmement polluantes, puisqu’elles poussent des ordinateurs à travailler à fond, consommant ainsi beaucoup d’énergie. Toutefois, Ubisoft indique utiliser la Blockchain Tezos, beaucoup moins néfaste pour l’environnement d’après eux. Enfin, l’usage des cryptomonnaies étant nécessaires pour acheter des NFT, certains estiment que le système participe à une sorte de pyramide de Ponzi géante, ou tout du moins à une énorme et dangereuse bulle spéculative.

Pour résumer :

Avantages

  • Possibilité de revendre le NFT sur un marché tiers
  • Les NFT existent hors du jeu
  • Sécurité et transparence des transactions

 

Inconvénients

  • Les NFT ne répondent à aucun véritable problème
  • La plupart des NFT sont écologiquement néfastes
  • Technologie basée sur les cryptomonnaies
La promesse d’Ubisoft avec ses NFT (capture de la vidéo d’annonce d’Ubisoft Quartz)

Évidemment, cet article n’est pas exhaustif et contient quelques approximations visant à rendre compréhensible un sujet plutôt complexe à des non-initiés. Nous espérons toutefois qu’il vous aura permis d’y voir un peu plus clair dans les diverses polémiques qui, n’en doutons pas, surgiront de nouveau lorsqu’un prochain développeur annoncera utiliser la technologie NFT. On peut toutefois être sûr d’une chose : lorsqu’Ubisoft ou GSC Game World explique vouloir intégrer de la monétisation basée sur les NFT dans un jeu, ce n’est pas pour répondre à une demande ou à un besoin. Mais bien pour profiter de la mode actuelle et de la spéculation hors-norme qui pourrait leur rapporter gros. Pour le reste, à vous de voir s’il faut considérer ça comme une bonne chose, ou non.

Rutabaga: Élevé au bon grain des FPS de l’âge d’or, si Rutabaga adore particulièrement TUER TUER TUER à coups de rocket launcher et autres akimbo de fusils à pompe, il n’est toutefois pas insensible à une bonne épopée solo bien scénarisée.
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