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[DOSSIER] Les FPS oubliés #2 : Shogo: Mobile Armor Division

Tout le monde le sait, depuis 1992 et la sortie de Wolfenstein 3D, le FPS est un genre florissant ayant donné naissance à des milliers de titres. Si certains resteront éternellement dans les mémoires et sont au centre des discussions depuis des années, d’autres ont sombré dans l’oubli. Pourtant, ils ne sont pas sans intérêt. Dans cette série, nous aborderons ces FPS perdus dans le temps en essayant de leur redonner vie le temps d’un article…

Cet article fait suite à notre publication Les FPS oubliés #1 : Exhumed. L’intégralité des épisodes de la série sera disponible par ici.

Les FPS oubliés : Shogo: Mobile Armor Division

Pour nous replacer dans le contexte de cet épisode, il va nous falloir voyager vers une année mythique : 1998. Rien qu’en lisant ce nombre, je suis sûr que vous entendez intérieurement I Will Survive. Niveau jeux vidéo, il s’agissait d’une année majeure ayant vu la naissance de titres légendaires encore adulés aujourd’hui. Metal Gear Solid, Resident Evil 2, Starcraft, Fallout 2, Baldur’s Gate, Thief: The Dark Project et, bien sûr, Half-Life… Bref, cette année-là, y avait de quoi faire.

C’est donc au cœur de cette avalanche de jeux de qualité que sortit Shogo: Mobile Armor Division, le nouveau projet du studio Monolith Productions. Si ce nom vous rappelle quelque chose, c’est normal : il s’agit des développeurs derrière Blood (1997), No One live Forever 1 & 2 (2000 et 2002), Alien Versus Predator 2 (2001), Condemned 1 & 2 (2005 et 2008) et, peut-être leurs titres les plus connus ici, F.E.A.R 1 & 2 (2005 et 2009). Récemment, le studio s’est illustré en sortant Middle-Earth: Shadow of Mordor (2014) et Shadow of War (2017), deux open-world à la troisième personne se déroulant dans l’univers du Seigneur des Anneaux.

Quoi qu’il en soit, Monolith est loin d’être un acteur majeur de l’industrie en 1998. Le studio a développé son propre moteur, intitulé LithTech engine, et Shogo: Mobile Armor Division est le premier jeu à en faire usage. Ce FPS est assez original : il s’inspire des anime japonais pour proposer au joueur de jongler entre combats de fantassins et affrontements entre robots de grandes tailles. Malheureusement, le jeu fera un flop retentissant et le studio annulera le développement de l’extension qui était initialement prévue. Pourtant, malgré des défauts majeurs, il s’agit d’un titre intéressant et nous allons voir pourquoi tout de suite.

Shōgō: Mobairu āmā dibijon

Quand je vous disais que Shogo s’inspirait des anime japonais, ce n’était pas des paroles en l’air. Le jeu s’ouvre d’ailleurs sur un générique que l’on ne peut que qualifier d’incroyable. Tout y est, de la musique à base de J-Pop aux gros plans sur les personnages et aux images de combat, on se trouve face à une véritable intro d’anime. Mais ne vous contentez pas de me croire et jetez-y plutôt un coup d’œil, ça vaut le détour :

Le joueur incarne Sanjuro, un soldat engagé au sein de l’armée de l’UCA et capable de piloter des robots de combats. Avant que le jeu ne démarre, on comprend que notre héros est en deuil : pendant la guerre, son frère Toshiro, son meilleur ami Baku ainsi que sa petite-amie (et accessoirement fille du général en chef) Kura ont été tués au combat. Sanjuro n’a néanmoins pas perdu de temps et est désormais dans une relation amoureuse avec Kathryn, la sœur de Kura. Mais, alors qu’il retourne sur la planète Cronus pour affronter une secte rebelle appelée les Fallen, il découvre que Kura n’est pas morte ! Et, un peu plus tard, il apprend que les rebelles sont en réalité dirigés par son frère (toujours vivant, toujours debout) qui se fait désormais appeler Gabriel. Pendant ce temps, des filouteries se trament en sous-marin et un traître semble avoir infiltré l’UCA, tandis que quelque chose semble prendre vie sous la surface de la planète…

Vous n’avez rien compris ? C’est normal : l’intrigue singe de façon totalement clichée la complexité inutile du scénario de certains mangas, n’hésitant pas à mêler l’Histoire aux relations sentimentales, le tout dans un n’importe quoi outrancier assumé. On est loin du « vous avez un shotgun, voici des monstres » habituels des FPS séminaux… Et Shogo compte bien vous le rappeler durant toute l’aventure en mettant l’emphase sur la narration via de nombreuses cutscenes et autres dialogues en voix off. Je vous vois déjà souffler d’agacement à l’idée de subir une certaine lourdeur narrative et j’aurais tendance à vous donner raison dans d’autres circonstances. Mais ici, les dialogues et autres cinématiques sont en réalité rendus hilarants grâce à un doublage français cabotinant comme jamais et une certaine forme d’autodérision, pas vraiment subtile mais rafraichissante.

Un vrai mech

Comme dit plus haut, Shogo a la particularité d’alterner affrontements de fantassins et combats de mechs, ceux-ci se contrôlant en réalité comme dans un FPS habituel. Si, en tant que soldat, notre héros est particulièrement fragile, les phases en robots sont beaucoup plus permissives et offrent en plus la possibilité de se transformer en véhicule rapide, comme un Transformer en quelque sorte. On se trouve donc face à des niveaux dotés de plusieurs échelles de proportion et c’est assez satisfaisant. Par exemple, les fantassins ennemis, pénibles lorsqu’on est un simple piéton, deviennent de vulgaires fourmis explosant en morceaux sous les pieds de notre mécha. Il faut noter que le jeu nous propose régulièrement de choisir entre quatre robots à l’esthétique et aux caractéristiques différentes – sans toutefois que cela ne change le gameplay du tout au tout.

Shogo: Mobile Armor Division témoigne surtout d’un changement de paradigme en ce qui concerne le level design : ici, à l’instar de Half-Life qui sortira quelque mois plus tard, les développeurs ont essayé de rendre les niveaux crédibles. Terminé les labyrinthes sans queue ni tête que l’on retrouvait auparavant, les maps ont désormais pour but de vous immerger dans un monde cohérent et peuplé de PNJ dotés de lignes de dialogues. Les décors sont plutôt « réalistes » et on y retrouve pas mal de détails qui visent à donner un peu d’ampleur à l’univers : fausses publicités, bâtiments crédibles (restaurants, supermarchés…), éléments de décors destructibles… On est aussi régulièrement confronté à des cartes en extérieur offrant une longue distance de vue, ce qui n’était pas commun en 1998.

En 2020, le gameplay semble malheureusement rudimentaire sur bien des points. Les phases à pied sont particulièrement pénibles : il semble exister une mécanique d’infiltration, mais celle-ci ne fonctionne pas et les ennemis ont une fâcheuse tendance à nous tirer dessus instantanément, nous condamnant à une mort certaine. D’autant plus que le jeu met en place un système de coup critique qui multiplie les dégâts de façon aléatoire. Il n’est alors pas rare de se faire one-shot par un adversaire qu’on ne voyait même pas, ce qui pousse à abuser de la technique du save scumming pour avancer. De plus, on tombe régulièrement sur des bugs de collisions mortels tandis que l’IA est d’une bêtise abyssale, que ce soit pour les ennemis ou les alliés. Visuellement, Shogo était plutôt réussi pour son époque même s’il semble aujourd’hui désuet. L’apparence et les animations des personnages, notamment, sont ridicules… malgré l’utilisation de motion capture (si l’on en croit les crédits) !

Néanmoins, impossible de dire que Shogo: Mobile Armor Division n’a aucun intérêt : il atteste d’une ambition assez démesurée pour son époque et reste quand même globalement agréable à jouer. Certains moments particulièrement idiots – comme la quête annexe nous demandant d’aller récupérer un chat perdu dans une usine remplie de camés – sont amusants et on prend un certain plaisir à utiliser des armes de destructions massives en explosant tout sur son passage lors des séquences en robot. Il s’agit également de l’un des seuls jeux a avoir osé reprendre les codes des anime japonais pour en faire un FPS. Bref, pour les archéologues du simulateur de meurtres, Shogo reste un titre original à découvrir malgré ses lourds défauts.

Comment y jouer en 2020 ?

 

Shogo: Mobile Armor Division est disponible en version française sur GoG (5,19€). Toutefois, il faudra bidouiller un peu le jeu pour le faire tourner sur les systèmes modernes.

 

Premièrement, une fois Shogo téléchargé, récupérez le patch non-officiel Shogo Music Fix. Ouvrez l’archive, puis extrayez AM18.dll et remplacez le fichier du même nom dans la racine de votre dossier d’installation.

Ensuite, téléchargez dgVoodoo v2.71.3. A partir de l’archive, extrayez les fichiers dgVoodooCpl.exe, dgVoodoo.conf et le dossier MS dans la racine de votre dossier d’installation du jeu. Lancez ensuite dgVoodooCpl.exe que vous venez d’extraire et configurez ainsi :

À gauche : le panneau General / À droite : le panneau DirectX

Enfin, récupérez le Shogo Widescreen Patch qui permet d’améliorer le FOV sur les écrans 16:9. Dézippez simplement le fichier WidescreenPatch.rez dans le dossier Custom présent dans le dossier d’installation du jeu. Lancez le launcher du jeu, sélectionnez votre résolution dans l’onglet Display puis rendez-vous dans l’onglet Customize, sélectionnez WidescreenPatch.rez et cliquez sur Add. Cochez la case Always load these rez files.

Si vous voulez profiter du jeu au maximum en corrigeant certains de ses défauts, vous pouvez également installer le mod Aegis qui retravaille l’IA des ennemis, le comportement de certaines armes, supprime les coups critiques… Pour se faire, extrayez simplement le fichier AEGISV1.rez dans le dossier Custom puis activez-le sur le launcher dans l’onglet correspondant.

Rutabaga: Élevé au bon grain des FPS de l’âge d’or, si Rutabaga adore particulièrement TUER TUER TUER à coups de rocket launcher et autres akimbo de fusils à pompe, il n’est toutefois pas insensible à une bonne épopée solo bien scénarisée.
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