Pathologic 2 est le remake pas vraiment remake de Pathologic premier du nom, sorti en 2006. Il est développé par Ice-Pick-Lodge, studio Russe spécialisé dans les jeux à scénario touffu et réflexif. Pathologic 2 vous place dans la peau d’Artemy Burakh, un chirurgien qui revient dans la ville de son enfance après une convocation mystérieuse de son papounet. Malheureusement, lorsque vous arrivez sur place, le Padre est mort assassiné et vous êtes le suspect numéro un de toute la ville. De plus, d’étranges personnages vous informent que tout va très mal et que ça ne risque pas de s’améliorer…

La structure du jeu est en fait découpée en deux blocs : les blocs narratifs et les blocs de gameplay. Le problème c’est que ces blocs ne se répondent pas et semblent avoir été faits l’un à côté de l’autre par deux équipes ne s’étant jamais parlé. Fondamentalement ils fonctionnent, chacun à leur façon, mais ne s’homogénéisent pas, empêchant Pathologic 2 de former un tout unique et cohérent.

Père Castor à la narration

Sans surprise, c’est le bloc narratif qui marche le mieux. C’est la véritable pierre angulaire du jeu et ça se sent immédiatement. Il y a beaucoup de scénettes à découvrir, nous plongeant dans des situations ésotériques, des illusions ou face à des créatures étranges. Chaque situation est l’occasion de nous plonger dans de profondes réflexions sur la mort, les instincts grégaires, la peur… On aime ou on n’aime pas, mais le jeu ne nous ment pas sur la marchandise : c’est avant tout une histoire narrative. Il faut aimer lire, jouer des dialogues, et accepter de plonger dans les propositions du jeu.

Dès les premiers écrans de chargement les développeurs nous annoncent d’emblée qu’ils vont nous lâcher au milieu de l’action sans explication et que c’est normal de ne pas comprendre directement les tenants et aboutissants. Beaucoup d’éléments fondateurs de l’histoire de notre héros sont passés sous silence pour n’être révélés qu’à travers les rencontres et les choix qu’il fera. Malheureusement, les nombreuses situations de narrations visuelles donnent souvent le sentiment d’être forcées, comme face à un mauvais film plein de bonnes idées mais dont les moyens n’auraient pas été à la hauteur des ambitions.

PATHOLOGIC2 BIKER MICELes dialogues, qui occupent une bonne partie du temps de jeu, sonnent régulièrement faux, et les choix de réponses sont rarement d’à-propos. Ils reflètent trop ouvertement un avis tranché sur chaque situation, ou des questionnements binaires : pour/contre. Condamne/pardonne. Connait/ignore. Il arrive parfois qu’un dialogue soit plus prenant que les autres grâce à des choix de réponses un peu plus flous, ou sortant de l’ordinaire, nous permettant par ce biais d’en découvrir plus sur l’histoire d’Artemy et sur le passé la ville. Cette dernière est d’ailleurs peuplée de nombreux protagonistes à qui parler, que l’on identifie en utilisant une sorte d’instinct qui affiche en surbrillance les PNJ ayant quelque chose à dire. Cependant, la moitié d’entre eux au moins n’auront rien à vous raconter d’intéressant et se contenteront de vous faire part de réflexions étranges ou vous raconteront des histoires censées être le socle de pensées profondes.

Hulk Hogan au pinceau

Dans Pathologic 2, la narration passe souvent par une mise en scène visuelle. Hélas, trois fois hélas, la belle promesse d’ambiance est restée une simple promesse. Beaucoup d’éléments viennent fortement ternir un tableau qui semblait pourtant une réussite de loin.

D’abord la ville, qui se présente sous la forme d’une zone de taille moyenne, apparemment ouverte, est une déception. Les textures, les lieux, la lumière utilisés peinent à rendre l’ambiance glauque, délétère d’une ville qui s’enfonce peu à peu dans la peur, l’obscurantisme et la maladie. Les bâtiments sont des enchainements de copier-coller qui donne l’impression que Town-On-Gorkhon est en carton-pâte. Dans les rues et à l’intérieur des structures, tout est absolument vide. Trois pauvres meubles, quelques caisses et des tableaux sont les seuls objets de décoration que le jeu vous offrira. Les portes sont fermées, les escaliers bloqués. La zone de jeu effective est finalement très restreinte. Ces restrictions sont d’autant plus vraies que Pathologic 2 utilise un système de réputation par quartier, rendant quasiment impossible l’entrée dans les quartiers où vous êtes mal vu, sous peine de voir un moustachu tenter de vous botter les fesses tous les deux mètres. Difficile de poser une ambiance forte avec si peu de matière et autant de réutilisation. C’est bien simple : au bout d’à peine deux heures de jeu j’avais l’impression de visiter systématiquement le même lieu alors que j’étais à des endroits de la ville bien différents, parfois même face à des lieux uniques.

PATHOLOGIC2 STREETS2Elément corolaire de ce triste constat : Pathologic 2 n’est pas un modèle de beauté. Les textures sont marouflées sur les surfaces en mode papier peint, les jeux de lumières sont infects, notamment les aurores et les crépuscules, qui nous plongent dans des seaux de purée colorée. Les modèles de personnages, qu’on nous impose en gros plan pendant les dialogues, font tout juste illusion et semblent fait de cire. Le jeu est également bugué jusqu’à la moelle et optimisé à la serpette. Sur ma config (GTX970, RAM 8go et Ryzen 5 1600X) les chargements sont longs et l’arrivée dans le jeu est douloureuse, teintée de forts ralentissements et de textures qui chargent sous nos yeux. Passer la moindre porte coute vingt secondes de chargements, tout ça pour afficher deux ou trois pièces strictement vides. En me baladant il m’est arrivé de rester coincé entre deux objets sans pouvoir en sortir autrement qu’en chargeant le dernier point de contrôle. Plutôt frustrant.

Numérobis à la réalisation

Le bloc de gameplay quant à lui est une addition de mécaniques sans âme qui n’assure qu’une seule chose : l’ennui. Pathologic 2 propose par exemple un système de combat qui, dès qu’on l’a essayé, se résumera à prendre systématiquement la fuite pour éviter à tout prix de s’infliger un énième échange de coups de couteau imprécis. La jauge d’endurance qui accompagne les combats est une bombonne percée, obligeant à passer une bonne partie des bagarres en mode parade pour récupérer. Hélas de nouveau, les jauges ne s’arrêtent pas là. Il faudra aussi gérer la faim, la soif et la résistance à la maladie. La recherche d’argent, d’ingrédients pour les décoctions et de nourriture occupera le reste du peu de temps que vous aurez. On finit par devoir ignorer ces jauges omniprésentes et ce loot pour pouvoir avancer un peu dans l’histoire, sans quoi leur gestion occuperait un temps plein. Le temps est d’ailleurs une ressource limité, l’action se déroulant sur seulement douze jours. Une bonne idée qui nous forcera régulièrement à trancher des dilemmes cornéliens qui auront d’ailleurs un impact sur le déroulé et la fin du jeu. Dernier point pour rendre la vie du joueur compliquée : la sauvegarde de la progression ne peut se faire qu’au travers de l’interaction avec des objets précis dans la ville, qu’il faudra trouver en explorant.

 

Un fort strabisme entre les pans de jeux

Dans l’ensemble, Pathologic 2 n’est pas fameux. Il propose parfois des situations intelligentes avec une bonne mise en scène, et est porté par une histoire travaillée qui peut convaincre. Néanmoins tout le reste est raté : le jeu est moche, bugué jusqu’au trognon, les combats sont sans intérêts et l’ambiance plate. L’omniprésence de jauges qui jouent au yoyo, obligeant à passer un tiers de son temps de jeu à se nourrir et se reposer n’aide pas à lancer le titre sans être crispé d’avance. Dommage.

 

Pathologic 2 est disponible sur Steam pour 29.99€.

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2 Commentaires


  1. Merde, je l’attendais vraiment ce con… mais le test ne répond pas vraiment à la question qui me taraude : entre le premier et celui-ci, lequel faut-il faire ?
    Le premier est culte et certains le considère même comme l’un des tout meilleur jeux jamais sortis (et ce même en considérant qu’il est intrinsequement « mauvais »), le 2 est-il moins « bon » ou est-ce une version malgré tout « améliorée » du premier ?

  2. Ce test est peu pertinent, le type qui l’a fait étant sans doute passé a travers le jeu rapidement. Après, c’est pas un jeu… facile a aborder, vu le nombre de principe qu’il prend a contre courant.

    Le truc etant un remake du 1, avec beaucoup de polish, le 2 est préférable, il est beaucoup plus accessible et… ben mieux.

    Le jeu est comme il le promet, une expérience difficile, et une version intéractive d’oeuvre russe dépréssive comme stalker ou un Dostoïevski. En terme d’histoire, ça veut dire que tout le monde a une licence de philo, et est dépréssif et saoul. Mais bon, ça c’est offert avec l’adjectif « russe ».
    En terme de jeu, ça ressemblerait a une ville dans morrowind plein de quetes avec une culture bien particulière avec le timer de Majora’s mask, et des méchanisme de jeu de survie.

    Il y a une chose a comprendre du jeu, c’est qu’on est libre, mais on est une victime. C’est l’anti power-fantasy.
    Tu dois sauver la ville, mais la ville, et le jeu dans sa généralité, te hait. L’expérience voulue est « presque insupportable », par les devs.
    On est libre de rater toutes les quetes, et l’histoire continuera.
    Mais on est un docteur pas un héro, et dans une ruelle sombre, on risque plus de se faire suriner par un détrousseur armé d’un shiv que de le buter, et si on a un flingue, on va pleurer pour chaque balle utilisés.
    La ville n’a pas été livrée en bouffe depuis des mois, et son eau potable arrive de plus loin, donc une fois en quarantaine on va manquer de tout, et ça ne sera pas étonnant de vendre son arme pour un bout de pain. Si l’on meurt, le jeu s’arrete, t’insulte pour t’être inutilement mis en danger, te met un malus a toi, et a la ville que tu essaye de sauver, et t’y renvoie.
    Le jeu attend de toi que, les obligations gameplay (trouver a manger, pas prendre trop de risque a courrir partout) te face réevaluer tes priorités morale, en te tendant des perches. Dans le premier, par exemple, il te faisait collecter du fric pour acheter de la nourriture à des gens, pendant que toi même tu es en train de crever de faim, ce qui te donne foutrement envie de garder le fric et la bouffe pour soi pour survivre un jour de plus.
    Après tout, pour sauver la ville, il faut bien que le docteur reste en vie, non ? (2 jour après tu en sera a vendre des organes au marché noir)
    Partant de là, je ne vois aucune dissonance ludonarative.

    C’est un jeu d’horreur sans monstres, juste oppressant par l’ambiance. Tu te tue a convaincre les notables d’agir, que c’est pas la grippe automnale, et ils demandent des preuves. Quand t’en a, ben c’est que c’est trop tard, donc on te demande de veiller sur la santé de pleins de gens important et d’aller faire des trucs dans les quartiers infectés, et on te donne un antibiotique périmé et un masque en tissu car y’en a plus en gaze. Toute ressemblance avec l’actualité est fortuite.

    Graphiquement… ben, c’est unity. C’est pas transcendant, mais tu sens qu’il y a une direction artistique derrière. Les Trois quartiers ont un style architectural à eux, et les perso sont assez bien défini par leurs appartement. De la matheuse dans la bibliotheque, à la chamane dans son squat, y’a pas a se plaindre de manque de personnalités, mais ceux que le jeux appelle directement les « figurants », qui n’ont pas de nom et de leur batiments, oui, effectivement, il faut pas en attendre grand chose.

    Si tu es encore là, je t’invite a te faire une idée par toi même.

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