Annoncé courant 2016, Vampyr a su depuis, attirer les joueurs en manque d’hémoglobine notamment grâce à un terrain de jeu un peu oublié ces dernières années, celui des suceurs de sang et autres créatures anthropophages. Réalisé par Dontnod, qui s’est créé une image de talentueux conteur d’histoire grâce à la saga Life is Strange et son succès critique, l’histoire de Vampyr a beaucoup été mise en avant. Pas personnellement réceptif à cette prétendue qualité d’écriture, je me permets également de vous rappeler que Dontnod c’est aussi le gros bide Remember Me. Lui aussi avait mis l’accent sur son univers – très réussi – et sa narration mais au détriment du gameplay. Une fois le jeu en main on était pas loin de la catastrophe. Est-ce que, depuis le temps, Vampyr a pu profiter des erreurs de son aîné ?

Une ambiance sang pour sang réussie

Énormément mis en avant par le biais de nombreuses vidéos, le studio a visiblement passé beaucoup de temps à élaborer son univers et son histoire. Le jeu se déroule tout de suite après la fin de la Première Guerre mondiale, en 1918, et vous incarnez justement un médecin à Londres, rescapé de la guerre. Malgré un moteur quelque peu daté et quelques textures honteusement baveuses, Dontnod a particulièrement bien réussi son travail sur l’ambiance, les décors et la retranscription d’une ville sur la voie de la déchéance. Fragilisée par la guerre, Londres doit également faire face à une épidémie de grippe espagnole aux symptômes étranges, très différents de ceux observés sur le continent. Ajoutez à cela des luttes de gangs ou politiques et vous obtenez un décor plus que propice aux vampires.

Le travail fourni sur le son n’est pas en reste avec une musique basée essentiellement sur de très lancinants violoncelles parfois accompagnés de pointes de musique électronique pour coller à certains lieux à l’atmosphère plus industrielle. Tous les personnages sont bien doublés, avec des voix bien choisies et qui jouent bien. Cela facilite l’immersion dans cette fiction, forcément morbide, mais aussi emplie de désespoir que nous conte Dontnod. Et heureusement vu la qualité tout à fait inégale de l’écriture et plus particulièrement de l’histoire.

20180615202701 1Car j’espère que vous aimez lire, cela représentant quand même plus de la moitié de ce que vous ferez dans le jeu. Quand ce ne sont pas les traditionnelles notes éparpillées dans les niveaux, ce sera un nombre très important de dialogues. Cela continue d’augmenter considérablement la consistance de l’univers avec pléthore de NPC à qui parler. Ils ont évidemment chacun un passé – plus ou moins intéressant – des connexions avec d’autres personnages, des liens avec les lieux que vous visitez, etc. Cela permet surtout à Dontnod d’aborder tout un tas de thématiques, parfois profondes, souvent inhabituelles dans les jeux vidéo. De la victime de guerre mythomane, en réalité noyée dans la culpabilité et l’alcool. Des mensonges et magouilles du personnel hospitalier pour survivre à une époque difficile. Du couple de soldats homosexuels obligé de vivre un amour caché. L’impression d’interagir dans un univers crédible est bien là, d’autant plus que c’est plutôt bien écrit. Dommage que l’histoire amasse les incohérences et se termine, comme si le studio en avait eu l’écho, en séquence de rattrapage très (très) longue (et chiante) qui résume toutes les intrigues. Tout ça à cause de Jonathan Reid, le personnage principal, qui entre quelques envolées lyriques ne peut s’empêcher de plonger le joueur dans un très étrange paradoxe.

Ceci n’est pas un choix ou le paradoxe du choix prédéterminé :

20180610133237 1Si vous n’avez pas suivi la promotion du jeu je me dois de vous apprendre que l’accent a beaucoup été mis sur les choix et leurs conséquences. Que ce soit dans des vidéos ou dans les mails de l’éditeur c’est vraiment l’élément récurrent autour de Vampyr. Quelle ne fut pas alors ma surprise quand, après une courte animation d’introduction, je me réveillais dans une fosse commune, m’en extirpais et au bout d’un “couloir aux murs invisibles” si cher aux jeux vidéo, me trouvais face à un choix cornélien : bouffer ma sœur pour continuer ou … rien et ne pas pouvoir continuer le jeu. Mesdames, Messieurs les développeurs, ceci n’est pas un choix. C’en est une vision tout à fait paradoxale, à l’image de toutes les autres prétendues conséquences vendues par le studio et son éditeur.

J’ai recommencé certaines séquences clés plusieurs fois pour tenter d’autres dialogues et admirer leurs promises répercutions, mais il n’en fut rien. L’histoire, comme prédéterminée, continuait son chemin, quoi que je choisisse. A contrario, dans des dialogues moins importants, je me suis retrouvé plusieurs fois à bloquer de futurs objectifs, la faute à des options de dialogues flous qui ne reflètent pas du tout ce que va réellement dire votre personnage. La quintessence de tout ça c’est que toute la quête principale n’est qu’un long couloir où Dontnod vous propose, lors des dialogues, de cliquer sur la réponse jaune. La seule et de toute façon unique réponse qui fera progresser votre aventure. Les autres réponses ne sont qu’accessoires, au mieux vous livreront quelques indices sur d’autres personnages. Aucune réelle incidence. Il n’y pas de réel choix, vous ne pourrez pas refuser de rejoindre cette secte puisque ça fait partie de l’histoire déjà déterminée par Dontnod.

vampyrMais n’exagérons rien, il y a bien des choix à faire. Tous les NCPs que vous rencontrez peuvent être tués et il vous incombe de choisir leur sort. Le jeu insiste d’ailleurs dès le début sur les conséquences qu’auront de tels actes tout en soulignant que, si vous trouvez le jeu trop difficile, ces potentielles victimes sont un bon moyen d’obtenir de grosses doses d’XP pour faire évoluer votre personnage. Pour optimiser votre crime vous pouvez augmenter la qualité du sang de votre future victime ce qui vous donnera plus d’XP. Pour ce faire, vous devez dialoguer avec elle ou son entourage, découvrir des indices, les lui confronter, etc. Rien de passionnant en terme de gameplay (surtout au bout de 30h à cliquer sur des options de dialogue) mais ça permet au moins de découvrir des personnages souvent bien traités.

En parallèle, chaque quartier est régi par une jauge d’état sur laquelle vous pouvez influer. Échelonnée en six états, de hostile à sain, cette jauge va directement influer la difficulté des quatre quartiers que vous fréquenterez. En effet, pour éviter qu’ils ne sombrent dans le chaos il faudra apporter à leurs différents habitants les remèdes dont ils ont besoin. Fabriqués par vos propres soins grâce à ce que vous trouverez sur les cadavres, dans les poubelles ou chez des marchands – un festival du loot toujours moins traumatisant que Bioshock Infinite – ces remèdes vous permettent de conserver ou améliorer l’état d’un quartier. C’est donc bien à vous de choisir si vous souhaitez vous en occuper ou pas, quitte à augmenter la difficulté. J’en profite pour parler rapidement de la taille de la map qui peut paraître petite pour un simili monde ouvert. Cependant, pas de voyage rapide pour la parcourir ni de véhicule, ce qui donne au final une taille tout à fait raisonnable.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Des combats qui manquent de mordant

Seulement si difficulté il y a. Comme je le disais plus haut, le jeu vous incite plusieurs fois – pendant les écrans de chargement notamment – à tuer des NPCs si vous trouvez le jeu trop difficile. On voit bien ici que Dontnod tente de nous confronter à d’éventuels choix moraux mais il aurait fallu pour cela que l’on se sente menacé. Or, excepté vers la fin, quand on atteint le niveau 30, le jeu est plutôt une promenade de santé.

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Pourtant, à la base, on partait sur un système de combat classique mais pas inintéressant. L’expérience accumulée peut être dépensée dans différentes aptitudes passives ou actives. Augmenter votre santé, votre endurance ou votre stamina (ici du sang) mais aussi débloquer des attaques plus ou moins puissantes et efficaces contre certains ennemis en particulier. Rien de révolutionnaire mais un système qui semble solide sur papier. Sauf qu’il faudra déjà faire avec une gestion de la caméra parfois douteuse et son foutu système de lock des ennemis. J’aurais bien fait sans, mais quand, par exemple, vous tirez à l’arme à feu, si vous ne lockez pas l’ennemi, même si vous êtes parfaitement aligné, vous avez 1/10 chance de le toucher.

L’avis de Nomys_Tempar :

Et on recommence…

La définition de la folie c’est de refaire les mêmes choses en espérant un résultat différent, et on pensait, avec Life Is Strange que Dontnod était revenu à la raison. Hélas Vampyr montre que le syndrome Remember Me est de retour et que une fois de plus les développeurs, les game designers et les écrivains de Dontnod semblent tous avoir travaillé sur des jeux différents qu’ils auraient ensuite maladroitement tenté de coller ensemble. Ainsi une fois de plus, rien n’a de sens, par exemple : on se bat contre des ennemis qui savent au premier coup d’œil qu’on est un vampire alors que les PNJ à qui on cause ne le devinent jamais. Comme si les playtests s’étaient contentés de vérifier que le jeu « marchait » d’un point de vue fonctionnel, mais que la cohérence de l’univers, bah on s’en fout c’est qu’un jeu vidéo gamin ! Est-ce qu’un autre bide commercial et critique changera quelque chose ? Pas sûr…

Sans parler des ennemis qui se contentent de vous foncer dessus. Quand ils ne s’obstinent pas bêtement à tirer sur le poteau qui vous sépare d’eux, où ne vous voient pas derrière une barrière. Je me suis cru en godmod pendant les 3/4 de la campagne, massacrant la plupart des ennemis en 3 ou 4 coups de gourdin. Heureusement que l’on croise quelques boss plus corsés et que ça s’intensifie sur le dernier quart avec l’apparition d’autres vampires qui répliquent déjà plus intelligemment. C’est d’autant plus grisant que certains pouvoirs sont assez cools à utiliser et qu’ils sont assez variés.

20180606144424 1Ça a clairement été mis de côté par rapport à l’écriture et ce manque de finition touche le jeu dans sa globalité. Quêtes annexes buggées impossible à terminer, ennemis à l’IA déjà partie en vacances ou qui apparaissent soudainement tout ça saupoudré de quelques bugs sonores. Rien qui n’entache profondément l’expérience de jeu mais si vous n’êtes déjà pas réceptif à l’histoire ce n’est pas du côté action et des combats que vous trouverez satisfaction non plus. Selon votre seuil de tolérance vous les estimerez banalement passables voire ennuyeux.

Pour les indécis, je terminerai sur l’exemple du blink – la téléportation instantanée en un clignement d’œil inspirée de Dishonored. Symbole, s’il en est, de la liberté de se mouvoir, et donc, par extension du choix : il est ici strictement restreint à des endroits bien précis et particuliers. Essai sur l’illusion de nos choix et la véracité du prédéterminisme ou foutage de gueule ?

 

Peut mieux faire

Vampyr possède une ambiance et un univers indéniablement très réussis, notamment grâce à des personnages secondaires bien écrits et ancrés dans une réalité sombre et amère. Cela permet à Dontnod d’aborder des thématiques intéressantes autour du mensonge, des principes, ou de la culpabilité. Dommage que l’histoire finisse noyée dans le consensuel et qu’elle n’arrive pas à s’extirper du nœud d’intrigues qu’elle a créé. Le reste du gameplay n’est pas aussi catastrophique que Remember Me, mais il reste encore beaucoup de progrès à faire pour que ça devienne agréable et mémorable. Si vous aimez les romans interactifs j’imagine que vous pourrez y trouver du plaisir. Ceux qui cherchent un jeu qui demande du skill peuvent passer leur chemin. Personnellement j’attendrais que Dontnod se concentre davantage sur autre chose que l’écriture ou qu’ils arrêtent d’employer le terme « jeu » et assument leurs romans interactifs.

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7 Commentaires


  1. Un peu le même ressenti ici. L’intro m’a calmé sans parler des dialogues et mécanismes. C’est dommage car l’enrobage est esthétiquement/musicalement sympa, mais ça ne suffit pas à faire prendre la mayonnaise.
    J’aimerai savoir combien de monde à finalement bossé dessus car passé la campagne de com, le résultat fait très petit jeu AA.

  2. ce n’est pas à vous de décider ce qu’est un jeu ou non

    On est sur NoFrag, et dans ce contexte les jeux dont on parle doivent remplir un certains nombre de critère pour être définis comme tels. C’est un choix rédactionnel.

  3. Floki

    « Personnellement j’attendrais que Dontnod se concentre davantage sur autre chose que l’écriture ou qu’ils arrêtent d’employer le terme “jeu” et assument leurs romans interactifs. »

    Peut être que l’auteur à voulu faire dans l’exagération? Un peu comme un figure de style? Je vais aller lire le test de Jeuxvidéo.com pour voir, tu viens avec moi?

  4. Le jeu est clairement une aventure narrative. Ceux qui cherchent un jeu d’action avec des composantes rpg peuvent passer leur chemin.
    J’ai jamais vraiment apprécié les jeux dontnod (remember m’avait amusé 2h, et Life is Strange m’a totalement ennuyé au bout de 2h) et pourtant VAMPYR que je n’attendais pas du tout me procure un réel plaisir pendant mes sessions.

    Le jeu consiste à aller dans différents quartiers de la map globale pour y développer la vie de chacun des personnages qui y habitent.
    C’est donc 70% de dialogues et 30% de combats en gros.
    Les personnages sont vraiment bien developpés, celui qu’on joue a une vraie personnalité assez badass, puis chaque background est assez bien écrit pour alimenter la motivation d’aller plus loin dans le jeu.
    Les combats sont basiques mais plutôt chouettes, c’est pas super nerveux mais ça nécessite de la concentration (surtout si on veut épargner le plus de monde possible –> à savoir ne pas se faire plein de XP en tuant les pnj qui ont rien demandé).

    Le jeu est linéaire.
    Pas de choix draconien qui change tout, c’est juste dans le déroulé de l’aventure qu’on aura plus ou moins de missions secondaires mais rien de super drastique.

    La DA est nickel.
    On sent qu’il n’y avait pas le budget de faire un witcher 3 mais malgré les limitations, ça reste vraiment top (faut aimer marcher dans une ville avec du brouillard qui cache ce qui se passe à 200m) et très dans la veine des sherlock homes et autres aventures dans l’angleterre fictif de la fin du 19ème siècle.

    En gros, c’est une aventure linéaire vraiment plaisante qui demande d’être impliqué pour suivre les dialogues, le background et être capable de faire fi de la liberté que peut procurer les rpg de nos jours pour justement se plonger dans l’histoire et l’univers qu’ont créés Dontnod.
    Ceux qui sont du genre à aimer ‘marcher’ dans un jeu plutôt que de courrir rien que pour y apprécier l’univers et rendre tout combat d’autant plus jouissif seront ravis je pense.

  5. ce n’est pas à vous de décider ce qu’est un jeu ou non

    On est sur NoFrag, et dans ce contexte les jeux dont on parle doivent remplir un certains nombre de critère pour être définis comme tels. C’est un choix rédactionnel.

    Et c’est la raison même pour laquelle depuis au moins 13 ans NoFrag est le seul site de jeux vidéo que je visite et que je trouve crédible. Tous les autres sont des lèches cul vendu qui ne vont jamais donner l’heure juste sur un jeu de merde.

    Bref ce test confirme exactement ce qu’on s’attendait au final selon les vidéos de gameplay moisie que l’on avait vue. Merci de l’article.

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