Depuis quelques jours, les conférences tenues par les développeurs à la GDC 2017 sont disponibles en ligne sur le GDC Vault. On peut les regarder en intégralité en vidéo et parfois même accéder au Powerpoint si celui-ci a été partagé.

Trépignant d’impatience comme un véritable gamin après chaque édition de la GDC, je passe mes nuits à écouter les différents intervenants parler de leurs expériences en matière de création, de design ou de business. C’est toujours intéressant à écouter. Je vous conseille d’en faire autant, et vais très certainement être amené à mettre en avant sur NoFrag quelques talks susceptibles de vous intéresser.

Histoire de bien faire les choses, on commence tout en violence avec une conférence de Mick Gordon qui nous parle de la bande-son du dernier DOOM. Si vous ne connaissez pas le bonhomme, sachez que c’est ce même compositeur qui a réalisé (entre autres) les OST de Killer Instinct, Wolfenstein: The Old Blood et The New Order, ShootMania et quelques Need For Speed. Actuellement, il travaille aussi sur les bandes-son de Routine et Prey.

Déjà, si vous n’avez pas joué au dernier DOOM, vous devriez. Mais si vous n’avez pas encore eu l’opportunité d’écouter sa bande-son, la voici :

Après quelques blagues pour se mettre en jambes, Mick introduit sa conférence en nous parlant des rapports qu’il avait avec l’équipe qui gère l’audio chez id Software. Après s’être entretenu avec Chris Hite (Audio Director), Chad Mossholder (Principal Audio Designer) et Ben Carney (Audio Designer), il s’est rendu compte que ces derniers voulaient de lui qu’il crée une bande-son unique, qui correspond parfaitement à DOOM et qui serait unanimement appréciée des fans du jeu. Directement, ça met à l’aise. Alors lorsqu’ils ont ajouté « oh au fait, on ne veut pas de guitares », Gordon (qui associe avant tout l’OST des précédents DOOM à des riffs de guitare nerveux) a dû trouver une alternative.

Il s’est donc mis à jouer avec des ondes sonores, pour imaginer une base agressive qu’il pourra utiliser par la suite. Pour ce faire, il a utilisé du « bruit blanc » (ce bruit dégoûtant qui accompagnait la neige sur les vieux téléviseurs) pour faire écho à une ligne de basses basée sur une fréquence (forcément) très basse, habituellement difficilement audible sur des enceintes d’ordinateur ou de télévision. C’est ce qui donne les sons graves et répétitifs que l’on peut par exemple clairement entendre au début de BFG Division ou dans Rust, Dusts and Guts. Il a d’ailleurs renforcé l’aspect agressif et cassant des riffs en y ajoutant de brusques interruptions.

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Il s’appuie alors sur un effet technique : le Ring Modulator, qui consiste à multiplier une onde sonore avec un signal d’origine.

Ça y est, Mick Gordon est content. Il saute de joie, pensant avoir trouvé la recette parfaite qui satisfera l’équipe de id Software. Il leur envoie donc le rendu de base et reçoit en réponse : « Meh. Mais t’es sur la bonne voie, continue comme ça ».

Retour à la case départ, en s’appuyant sur l’idée de Ring Modulator qu’il évoquait plus tôt. Et c’est à ce moment de la conférence qu’on comprend toute l’originalité derrière le sound design de l’OST de DOOM. Inspiré par l’idée de mouvement de flux énergétique (l’énergie rouge qui donne naissance aux Démons dans le jeu), il a imaginé un système de pédales et d’effets qui viennent modifier une onde sonore en amont. Une onde sonore basique, qui passe ensuite par toute une série de périphériques pour générer des effets comme la distorsion, du reverb, de l’echo… Et ça, c’est plutôt fort :

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  1. Le CPU (un ordinateur, en l’occurrence) génère une simple onde sonore.
  2. Elle passe ensuite par quatre séries de périphériques qui viennent l’altérer et ajouter toute une flopée d’effets.
  3. Le son arrive ensuite à l’étape du mixage…
  4. … puis sera compressé…
  5. … et sortira des enceintes.

J’aurais un peu de mal à vous faire écouter tout ça à l’écrit, alors je vous conseille de jeter une oreille au résultat et aux comparaisons avant/après directement dans la vidéo. Ça commence aux alentours de 20 minutes et Mick montre une série d’effets utilisés.

La méthode est assez originale, puisqu’il ne modifie que deux valeurs : l’amplitude et le pitch de l’onde sonore qu’il envoie en amont. Après, il bidouille sur ses boutons et ses machines pour faire sortir un son final. Mieux encore, il explique que dans une chaîne si dense, modifier la moindre variable sur l’un des périphériques (pédale, micro, compresseur…) se répercute immédiatement sur les autres périphériques et donne des résultats que lui-même ne s’attendait pas à entendre.

A ce stade, Mick était très content du résultat. La musique pouvait déjà être implémentée en jeu et se mariait très bien au gameplay et à l’ambiance de DOOM. Mais selon lui, il manquait quelque chose. Il termine donc ce passage plutôt technique en expliquant comment il a convaincu id Software d’ajouter cet élément manquant : la sainte Guitare. Progressivement, il a ajouté des riffs çà et là et des rythmiques pour rendre la bande-son plus dynamique et ajouter de la variété. Et voilà, l’OST de DOOM était prête.

007d03 preview Avant de conclure, il revient sur la façon dont il a caché des symboles sataniques (666 et pentacles) dans le stéréogramme de Cyberdemon, l’une des musiques du jeu. En vérité, c’est certainement la partie la plus simple : il a tout bêtement utilisé un module de Image Line pour FL Studio, qui permet d’intégrer une image à un spectre musical. Il a juste chopé les images, puis les a superposées par la suite. A l’époque, quand ces symboles ont été trouvés, cette histoire avait fait beaucoup de bruit. Mais ce que peu de personnes ont remarqué, explique-t-il, c’est que dans un autre morceau (IV Doom, qui n’est pas présent dans l’OST finale), il a caché la phrase « Jesus Loves You » à écouter en mono puis à l’envers. Le résultat est effrayant mais le message est bon enfant.

La fin de la vidéo contient un petit quart d’heure de questions, qui lui permettent d’évoquer quelques points techniques et de parler de son processus créatif. Encore une fois, si tout cela vous intéresse, la vidéo complète est disponible sur cette page. Vous trouverez aussi quelques vidéos complémentaires sur la chaîne YouTube de l’artiste.

Dans un registre plus léger, je vous conseille aussi de regarder la série New Wave sur YouTube, où Kago (un membre du NesBlog) retravaille la bande-son d’un jeu de A à Z sur une séquence donnée. Et justement, un épisode sur DOOM est sorti.

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