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La réalité virtuelle a cette étonnante faculté d’isoler le joueur dans un monde factice, en lui faisant oublier son environnement extérieur le temps d’une session de jeu. Ayant pu nous y essayer à quelques reprises, nous nous sommes par la suite interrogés sur les effets que pourrait avoir une substance hallucinogène sur un cerveau déjà sous l’effet d’une telle technologie.

Comment le cerveau réagirait-il à un changement drastique de sa perception du monde (hallucinations visuelles et auditives, effets psychotropes qui s’imposent sur la réalité, charge physique importante….) alors qu’il a déjà vu ses repères altérés par un périphérique extérieur ? Nous avons ingéré 200 microgrammes de LSD-25 quelques heures avant d’assister à plusieurs expériences d’une trentaine de minutes chacune en réalité virtuelle.

Notez toutefois qu’il s’agit d’une expérience personnelle, et que les effets du LSD varient d’une personne à l’autre en fonction de son métabolisme, du cadre et de sa tolérance au produit.

[–SUITE–]

Serious Sam VR, deux heures plus tard

Le premier contact avec le développeur de Serious Sam VR est laborieux. Sans bouger les jambes, il s’avance vers moi. Lorsqu’il parle, son visage se transforme en cire et fond sous l’action de chacun de ses muscles tandis que ses gestes laissent des traînées colorées dans une atmosphère devenue presque solide. Tout va bien dans le meilleur des mondes. Le produit est fort, mais la situation reste gérable. J’enfile le HTC Vive, des écouteurs et on me donne les deux contrôleurs. Le casque s’allume sur un décor gris, la salle virtuelle de calibration. Après quelques paramètres, la démo commence et l’univers de Serious Sam se matérialise. Je suis au milieu d’un décor désertique, le but est de survivre à plusieurs vagues d’ennemis emblématiques du jeu, flingues en main. Ça n’a pas beaucoup de gueule : le jeu est très pauvre graphiquement et le casque est probablement mal calibré car la grille de pixels est très présente. Les ennemis sont nombreux mais me foncent toujours dessus en ligne droite, il suffit donc de mitrailler vaguement devant soi pour s’en débarrasser. Le seul challenge consiste finalement à faire attention aux projectiles que les ennemis nous lancent de loin et que l’on peut détruire en visant correctement. C’est mou. Chiant.

Heureusement, les effets du LSD semblent être là et me plongent de temps à autre dans une torpeur soudaine, comme quand ce monstre que je n’avais pas vu et qui me saute dessus par surprise. Une violente vague de peur acidulée me fait bondir et je percute une surface dure, qui n’existe pas dans cet univers. Une voix humaine me demande : “Are you OK ?”. Pas le temps de répondre à ce qui doit être le développeur, je me fais encercler par des créatures qui s’acharnent sur moi. Je sens de plus en plus les griffes des monstres sur mon corps et les rochers de magma qu’ils projettent commencent à me brûler la peau. Mes chargeurs sont vides. C’est la fin, je vais mourir ici. Je me rappelle soudain que tout cela n’est pas réel et j’arrive à appeler le développeur d’une voix tremblante. Le casque s’arrête, retour à la Gamescom dans une explosion de sons aquatiques colorés. L’acide est entre temps monté d’un cran. Après un débrief pétillant de réflexions avec l’équipe du jeu, il est temps de passer à l’expérience suivante.

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Project Arena, trois heures plus tard

J’arrive un peu plus tard en compagnie de Noddus sur le stand Unity pour tester Project Arena. Le lieu est bondé et tout le monde s’exprime fort, envoyant des ondes sonores qui se matérialisent sur les surfaces comme des sortes d’ondulations abstraites. Certaines personnes semblent être avalées par ces vagues et disparaissent subitement. En louvoyant entre les gens et parfois même à travers eux, nous réussissons à atteindre un espace tout en longueur dont le sol est marqué par deux carrés orange et bleu. Les développeurs nous expliquent brièvement le principe du jeu : c’est un combat en 1v1 dans lequel chaque joueur dispose d’un bouclier et doit essayer de toucher l’autre avec une boule d’énergie, un peu comme le Disc Battle du film Tron. La subtilité réside dans le fait que le bouclier n’est plus actif si le joueur lance sa boule d’énergie, il faut donc choisir une stratégie bien définie : ne pas avoir de bouclier pour lancer constamment la boule et sauter dans tous le sens en évitant le projectile ennemi ou jouer la sûreté en gardant le plus possible sa protection et balancer sa boule à des moments précis.

Project Arena est parfaitement calibré sur le HTC Vive et l’illusion est complète, la grille de pixel est quasiment invisible. Mais surtout, le jeu est très physique. Je vois Noddus partir sur les côtés, tomber par terre et même disparaître de mon champ de vision. Les boules d’énergies sont très difficiles à lancer correctement et rebondissent sur les murs, ajoutant encore plus d’effets visuels indiscernables. Au bout de quelques minutes, Noddus remporte le match et nous retirons les casques, trempés de sueur. Mon coeur s’est emballé et je le sens s’agiter dans ma poitrine, tandis mon souffle a transformé ma gorge en une cavité sèche et bitumeuse. Le LSD commence à me tabasser sérieusement.

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Jeu inconnu, quatre heures plus tard

Je me retrouve ensuite par hasard sur un petit stand indé où l’on me propose d’essayer un projet expérimental sur Oculus Rift, dont j’ai lamentablement oublié le nom. Etant dans une phase de “Oui à tout”, j’accepte. J’avais déjà testé les versions DK1 et DK2 et je me réjouissais de pouvoir constater les avancées sur cette version finale. Déception. La grille de pixel est bien plus présente que sur le Vive et elle ne s’oublie pas.

Malgré tout, le jeu est très reposant. Pas de contrôleurs ni de clavier/souris, tout se passe avec le regard. Un oiseau que je fixe sur une branche se met à voler, passe au dessus de moi et fait apparaître une île. Des bâtiments féeriques sortent du sol et le jeu se transforme en puzzle avec quelques énigmes à résoudre. C’est très calme, jusqu’à un mouvement de ma tête qui fait bouger le casque et laisse apparaitre une fente sur le monde réel. Du coin de l’oeil, je vois des lignes tordues de couleurs qui s’infiltrent dans mon univers par cette fissure et essayent d’atteindre les oiseaux. Inutile de corrompre cet univers en mélangeant les deux, le résultat serait imprévisible. J’arrête la démo et je me dirige vers mon prochain rendez-vous.

Batman Arkham VR, cinq heures plus tard

Le stand qui abrite Batman Arkham VR s’écroule autour de moi, les murs se disloquent et prennent des formes géométriques variables. La moquette bleue du sol pousse sur un développeur dont le corps oscille entre volutes de fumée épaisse et patchwork humain grotesque. Je ne me souviens plus à quel moment le casque PlayStation VR s’est posé sur ma tête. Néanmoins, je comprends que c’est l’un des appareils les plus aboutis en terme d’ergonomie. Position réglable de l’arceau qui enserre la tête, possibilité de reculer ou approcher les lentilles et même de les incliner. En revanche, une fois la démo lancée je me rends vite compte que la qualité d’affichage présente un souci. Il y a une bonne résolution et on ne voit pas la grille, malheureusement au prix d’un léger flou général.

Mes précédentes expériences de la journée me mettent immédiatement dans le bain. Alfred me parle dans une salle du manoir des Wayne et me propose d’entrer dans la BatCave. Je lui réponds “Allons-y” à voix haute. Le sol se découpe sous mes pieds et une plateforme circulaire me fait descendre lentement dans une immense grotte. Tout est criant de réalisme, je perd même brièvement l’équilibre lorsque la plateforme s’arrête devant la tenue de Batman. J’enfile les gants, le masque et direction une scène de crime où mon collègue Nightwing gît mort dans une ruelle sordide. Le but du jeu est d’analyser cet endroit pour comprendre la cause du décès, via une cinématique 3D contrôlable qui retrace le combat entre mon partenaire et un ennemi inconnu. J’ai du mal à comprendre que le but est d’arrêter la cinématique au moment où Nightwing se prend un coup, pour ensuite appuyer sur le contrôleur VR afin d’analyser la blessure. Je passe donc des heures à rejouer la scène en revenant des dizaines de fois sur l’épisode du craquage de nuque de mon compagnon. Cette démo commence à prendre une tournure sensiblement malsaine. Des voix lointaines et déformées me parviennent en m’expliquant la marche à suivre : c’est le développeur qui tente de m’aider. J’arrive tant bien que mal à finir l’expérience et il me retire le casque. Une déferlante de couleurs criardes s’abat sur moi et un milliers de sons de la Gamescom pénètrent dans mon cerveau, me replongeant dans un monde vide de sens. J’ai passé presque une heure sur Arkham VR, prévu à la base pour une vingtaine de minutes.

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Conclusion

De ce que j’ai vécu, une possible conclusion s’impose : la claque que peut procurer une expérience de réalité virtuelle est en fait bien plus puissante que le LSD lui-même. En effet, on peut remarquer que les déferlantes de couleurs et les sonorités distordues typiques d’une prise l’acide à haute dose disparaissent dès l’instant où j’ai débuté une expérience de réalité virtuelle. L’acide devient donc une composante mineure qui intervient de façon beaucoup plus subtile au sein d’un univers nouveau qui est imposé brutalement au cerveau. Il serait par contre intéressant de savoir par quel mécanisme précis le cerveau s’adapte-t-il en occultant immédiatement le monde extérieur pour se concentrer pleinement sur sa nouvelle réalité.

Par exemple, que se passerait-il si un utilisateur enfilait un casque VR, ingérait une telle substance et attendait d’en ressentir les effets sans ôter le casque ?

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L’avis de Noddus

Mon avis rejoint celui de Kip. La réalité virtuelle est en elle-même une technologie qui force à repenser son orientation dans l’espace et altère notre appréciation des distances. Bien utilisée, elle permet de transporter un joueur dans un monde virtuel qui le dépasse et l’enferme dans un “trip” qu’il est le seul à vivre. Exactement comme le LSD. Le mélange des deux ne m’a pas réellement impressionné.

Une fois le casque posé sur la tête, le monde extérieur disparaissait et les effets hallucinogènes du LSD se dissipèrent avec lui le temps de la démo. C’est troublant. Certaines couleurs étaient accentuées, l’expérience gagnait en crédibilité mais j’étais parfaitement à même d’utiliser mon cerveau en toute liberté – ce qui était impossible quelques minutes auparavant. J’ai l’impression d’avoir vécu quelques minutes de calme olympien et de parfaite clarté au milieu d’un trip hallucinogène de six heures. Un trip par-dessus un trip.

Certains effets de la réalité virtuelle sur le cerveau se rapprochant des effets du LSD-25, je trouve que tout cela se complétait assez bien. Mais j’en viens à me demander si la VR ne se suffirait pas à elle-même.

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