Agony, c’est ce projet de survival-horror qui fait s’affoler le hype-o-meter depuis son premier trailer et un Kickstarter qui a plafonné à 150 000 dollars. On m’avait promis des gens qui pleurent, des femmes nues au visage ouvert en deux, des murs entièrement fait de foetus vivants et des hectolitres de sang au mètre carré. On m’avait promis une balade en enfer mais tout ce que j’ai eu, c’est cinq images par seconde et un simulateur de marche aussi mémorable que la Kölsch tiède que j’avais oublié au fond de mon sac toute la journée.

La page Kickstarter était pourtant claire : “Take a trip into madness in the most terrifying vision of Hell in the history of gaming !”. Beaucoup (moi y compris) attendaient d’Agony un jeu d’exploration aux interactions limitées, prenant place dans une vision horrifique des enfers imaginée par une bande de fous qui dorment avec un exemplaire de La Divine Comédie sous leur oreiller. On ne lui demande même pas d’être un excellent jeu, mais juste d’être aussi angoissant que dans ses vidéos.

J’ai eu l’occasion d’essayer le jeu durant la Gamescom, à la manette pendant une grosse demi-heure. La présentation vient de commencer, et le développeur se perd déjà dans son discours. Il décrit Agony comme un jeu d’exploration mais nous dit détester les simulateurs de marche. Il le compare à Far Cry, puis à Dark Souls avant de nous parler de son univers confectionné à la main par des artistes avant de s’épancher à la simple évocation des sept fins différentes et de la cinquantaine d’heures de jeu qu’il est possible d’en tirer. En voilà un projet ambitieux.

Et là, j’appuie sur Start. C’est la fin, je sais déjà que je vais regretter les trente prochaines minutes. Visuellement catastrophique, le rendu du jeu n’a absolument rien à voir avec ce qu’on nous en a montré jusqu’à présent. Trois misérables monstres mal animés (presque statiques) occupent un décor à la modélisation 3D douteuse. Les textures bavent quand je m’en approche et les effets de lumières saccadent. Même les menus manquent cruellement d’inspiration. En quelques minutes de jeu, ma prétendue balade dans les Enfers de Dante se transforme peu à peu en une rave party. Ou à une boum d’anniversaire.

“Si tu prends des dégâts, c’est normal : y’a une dizaine d’araignées derrière toi. Tu ne peux pas leur infliger de dégâts ou les tuer par contre”, m’explique le développeur. Dans Agony, un jeu très lent qui met l’accent sur l’exploration et l’observation, c’est l’idée du siècle doublée d’une grosse absurdité de game design. En vérité, je pense que même le membre de MadMind Studios qui me présentait la démo n’avait pas compris le principe de son jeu.

007f0c previewUne capture d’écran du jeu. Ou les restes de mon repas, je sais pas, j’ai pas mes lunettes.

On doit aspirer des âmes pour contrôler des démons, mais ça ne sert à rien. On doit mettre une boule verte au centre de l’écran. On doit trouver des tableaux dans des passages secrets pour débloquer une sortie. On doit combattre des serpents (qui combattent eux-même leur propre IA) avec une torche avant de se faire écraser par un arbre géant. On doit augmenter ses compétences pour pouvoir retenir sa respiration plus longtemps. Mais on peut aussi ne rien faire de tout ça et marcher. Dans tous les cas, on s’ennuie. Les trente minutes de session de jeu partaient dans tous les sens, et il m’a été impossible de mettre le doigt sur ce que MadMind souhaitent faire de leur jeu. D’ailleurs, quand un journaliste de Gamekult demande au développeur, après dix minutes d’incompréhension totale, quel était le but final du jeu, celui-ci a prononcé huit phrases avant de répéter la première. Il disait qu’on devait s’échapper des enfers mais n’avait pas l’air sûr de lui. En tout cas, je mourrais d’envie de m’échapper de l’enfer de cette présentation.

Agony aurait pu être mauvais. Il aurait pu être chiant comme la pluie, et n’être qu’un simulateur de marche sauvé par une ambiance d’enfer. Mais au lieu de ça, il se rapproche davantage d’un mauvais mod de Half-Life 2 développé par une équipe qui a les yeux plus gros que le ventre. Et pire encore, cette équipe a réussi à obtenir de l’argent pour ça avec une poignée d’images retouchées et de vidéos pimpées.Absolument rien de ce que j’ai pu en voir ne m’a laissé penser à un seul instant que la version finale ressemblera au produit promis sur Kickstarter. Avec un miracle ou l’intervention d’une équipe compétente, peut-être, qui sait. Mais les plaies (dans son design comme sa technique) me semblent bien trop profondes pour être pansées. La sortie est toujours prévue pour 2017 sur PC et consoles.

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